L'élection du président du Malawi à la tête de l'Union africaine (UA) dimanche permet à l'organisation de tourner la page d'une année chaotique où les prises de position dissonantes de son prédécesseur Mouammar Kadhafi ont brouillé l'image de l'institution. Les chefs d'Etat et de gouvernement des 53 membres de l'UA ont désigné dimanche, à l'ouverture du 14e sommet, le président Bingu wa Mutharika, contrecarrant les souhaits du numéro libyen d'assumer un deuxième mandat d'un an en violation du principe de présidence tournante. Elu à la tête de l'organisation en février 2009, le Guide de la Jamahiriya libyenne avait donné le ton de sa présidence en demandant à ses pairs de l'appeler désormais "Roi des rois traditionnels d'Afrique", après avoir été "adoubé" par des chefs traditionnels en Libye. Dimanche, il a tenté un passage en force lors de la cérémonie d'ouverture, en donnant la parole au représentant du "Forum des rois, sultans, chefs et princes traditionnels d'Afrique", organisation qu'il a créée de toutes pièces. Bardé de colliers dorés, ce dernier a invité de manière tonitruante les chefs d'Etat à "suivre le Guide qui nous montre la voie". En vain. C'est visiblement dépité que M. Kadhafi a repris sa place à la tribune après une petite demi-heure de huis clos, enlevant immédiatement l'écriteau indiquant son titre de président de l'UA. Au sein de la Commission et des délégations, c'est le soulagement qui primait: "c'est une très bonne décision. En plus le Guide n'est pas parti, donc finalement l'Afrique reste unie", a commenté un haut responsable de l'UA. "Kadhafi n'était même pas officiellement candidat. Ca s'est passé en douceur et finalement assez vite", a glissé un second. La présidence du colonel Kadhafi a été très controversée et "très nuisible à l'image de l'UA, notamment sur la gestion des crises politiques comme à Madagascar et en Guinée," confiait cette semaine un proche de Jean Ping, le président de la Commission de l'UA. A Madagascar, M. Kadhafi a apporté son soutien à Andry Rajoelina comme en Mauritanie à la junte militaire, alors même que les deux régimes étaient issus de changements anticonstitutionnels de pouvoir, condamnés par l'UA. "Le fait que le président de l'UA se prononce régulièrement contre les élections et estime que le modèle libyen (de comités populaires) devrait être imposé dans toute l'Afrique représente un paradoxe pour une organisation qui prône l'Etat de droit et la démocratie", ajoutait ce haut responsable. Avant l'élection de dimanche, un diplomate européen évoquant les deux lignes contradictoires défendues par M. Ping et le colonel Kadhafi, jugeait cette situation "dommageable à la crédibilité de l'UA". Des poids-lourds du continent tels que l'Afrique du Sud, l'Ethiopie et l'Ouganda s'était opposés à l'idée d'un second mandat pour le dirigeant libyen tandis que plusieurs pays, notamment sahéliens et ouest-africain, soutenait son éventuelle candidature. "La réunion s'est bien passée à part le Bénin qui était feu et flammes pour que Kadhafi reste président", a indiqué un participant sous couvert de l'anonymat. Désabusé, Mouammar Kadhafi n'a pas mâché ses mots dimanche envers l'UA, dont il a été l'ardent promoteur en 2000 pour transformer l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) créée en 1963 après la vague d'indépendance des anciens pays colonisés. Il a affirmé que le "président de l'UA n'a aucune prérogative", prêchant une nouvelle fois pour une plus grande intégration du continent et accusant ses pairs de "manquer de vision politique". "Je n'ai besoin d'aucun titre, je resterai sur le front pour la lutte en faveur de l'UA", a-t-il annoncé.