De James Bond à ses propres productions, l'actrice britannique Gemma Arterton n'a cessé de redéfinir les contours de son art. Interview avec une artiste passionnée, portée par des projets audacieux et un regard engagé sur l'industrie cinématographique. * Vous avez incarné une riche palette de personnages, allant des grandes productions comme Prince of Persia à des œuvres plus intimistes telles que :The Escape. Qu'est-ce qui guide vos choix de rôles ? Mes choix dépendent souvent de l'état d'esprit dans lequel je me trouve à une période donnée de ma vie. Parfois, c'est l'opportunité de collaborer avec des réalisateurs ou des acteurs que j'admire qui m'attirent. D'autres fois, c'est l'envie d'explorer un thème ou une émotion spécifique qui m'habite à ce moment précis. Pour les films indépendants, en particulier, je ressens souvent une impulsion claire : un besoin de transmettre quelque chose de profondément personnel ou de pertinent. Mais au fond, mes décisions sont très intuitives. Je ne m'impose pas de feuille de route stricte. Je laisse la spontanéité et le moment présent dicter mes choix. Cela dit, il y a toujours une réflexion sur le contraste : après un rôle donné, j'aime me lancer dans quelque chose de radicalement différent, comme un moyen de me renouveler en tant qu'actrice.
* Avec le recul, comment évaluez-vous votre évolution en tant qu'actrice depuis vos débuts ? Je dirais que j'ai appris à m'écouter davantage et à en faire moins. À mes débuts, j'étais jeune et inexpérimentée, ce qui me poussait parfois à surjouer. Mais cette approche était sans doute naturelle à ce stade de ma carrière. Cela dit, l'évolution dépend aussi des rôles. Par exemple, un rôle comique exige une forme de lâcher-prise qui requiert une énergie particulière. Aujourd'hui, je pense avoir trouvé un équilibre : je fais davantage confiance à mon instinct et à ma capacité à habiter un personnage avec authenticité. C'est dans cette confiance que réside, à mon sens, ma progression en tant qu'actrice.
* Quels ont été les défis les plus marquants auxquels vous avez dû faire face dans votre carrière, et comment les avez-vous surmontés ? Le défi majeur a toujours été la confiance en moi. Quand j'étais plus jeune, je manquais terriblement d'assurance. Je n'avais pas conscience du pouvoir que j'avais : celui de dire non, de refuser un rôle qui ne me correspondait pas. Avec le temps, cette perspective a changé. J'ai appris à mieux me connaître, à comprendre mes envies et mes limites. Je dirais que l'une des plus belles victoires de ma carrière est d'avoir réussi à devenir, progressivement, pleinement moi-même.
* Parmi vos projets récents ou à venir, lequel vous tient particulièrement à cœur, et pourquoi ? J'ai la chance d'être impliquée dans plusieurs projets qui me tiennent profondément à cœur. Depuis que j'ai fondé ma propre société de production, j'ai pu m'investir pleinement dans des œuvres plus personnelles. Un exemple marquant est « The Escape », un film que j'ai fait et qui résonne particulièrement avec mon vécu et mes émotions. De plus, la série télévisée « Funny Woman » occupe une place spéciale pour moi. C'était une incursion dans la comédie, un genre que j'adore explorer et qui m'a offert une liberté créative unique. Ces projets se distinguent par leur importance dans mon parcours artistique et par ce qu'ils m'ont permis d'exprimer.
* Vous avez souvent souligné l'importance de donner vie à des personnages féminins forts et nuancés. A ce sujet, et selon vous, l'industrie cinématographique évolue-t-elle dans la bonne direction à ce sujet ? Absolument, je le crois. L'industrie cinématographique a beaucoup changé au cours de la dernière décennie. Nous assistons à des représentations beaucoup plus authentiques et diversifiées des femmes à l'écran. Des actrices comme Kate Winslet, par exemple, accomplissent un travail remarquable en montrant les femmes sous un prisme d'honnêteté brute et sans artifices. Elle m'inspire profondément. Je pense que le défi et l'importance résident dans la mise en lumière de personnages féminins imparfaits, complexes et profondément humains. Ces représentations reflètent davantage la réalité et permettent de raconter des histoires plus riches et nuancées.
* Les rôles émotionnellement exigeants nécessitent souvent une préparation intense. Comment abordez-vous cet aspect en tant qu'actrice ? En réalité, je ne m'y prépare pas de manière formelle. Si un rôle est bien écrit et résonne avec mes émotions personnelles, les choses s'enchaînent naturellement. Pour un film d'époque, il est évidemment crucial de s'immerger dans le contexte historique et d'effectuer des recherches approfondies. Mais pour la plupart des rôles, je préfère me laisser guider par le moment présent, notamment dans les interactions avec mes partenaires de jeu. Je pense qu'une préparation excessive peut parfois nuire à la spontanéité et à l'authenticité. Tout repose sur la confiance en soi et sur la certitude que l'on trouvera les nuances justes au fil de l'interprétation.
* Au cours de votre carrière, quels acteurs ou réalisateurs ont été pour vous une source d'inspiration majeure ? J'ai déjà évoqué Kate Winslet, dont le talent et l'authenticité m'émerveillent à chaque rôle. Isabelle Huppert est aussi une autre figure qui m'inspire profondément, avec son jeu d'une subtilité et d'une audace inégalées. Du côté des réalisateurs, je suis fascinée par Ken Loach. Son engagement pour le cinéma social, ses récits d'une honnêteté brute, sont à mes yeux essentiels. Je suis également admirative du travail d'Andrea Arnold, de David Lynch, de Paul Thomas Anderson... et bien sûr d'Anthony Hopkins, un acteur dont le génie continue de m'impressionner.
* En tant qu'actrice britannique, quel regard portez-vous sur le cinéma britannique, notamment en comparaison avec Hollywood ? Le cinéma britannique se distingue par sa grande diversité. Nous avons ce style hyperréaliste porté par des réalisateurs comme Ken Loach ou Andrea Arnold, mais aussi une forte tradition de films d'époque, souvent centrés sur la royauté, qui résonnent à l'international. Cela dit, une nouvelle génération de cinéastes britanniques émerge, apportant une esthétique visuelle audacieuse et différente. À Hollywood, les productions bénéficient bien sûr de budgets colossaux et d'un casting souvent très étoilé. En comparaison, le cinéma britannique s'inscrit souvent dans un cadre plus modeste, mais il n'en est pas moins riche de talents exceptionnels. Nos scénaristes, réalisateurs et acteurs comptent parmi les meilleurs, ce qui confère au cinéma britannique une qualité globalement très élevée.
* Vous avez également porté la casquette de productrice. Comment cette expérience a-t-elle transformé votre perception de l'industrie cinématographique ? Être productrice m'a offert une vision privilégiée des rouages de l'industrie, de la recherche de financements à la concrétisation d'un projet. Ce qui m'a le plus frappée, c'est à quel point il est difficile de faire aboutir un film. Réunir les fonds nécessaires est déjà un défi immense, et le fait qu'un film parvienne à voir le jour, et qu'il soit bon, relève presque du miracle. C'est une expérience qui m'a ouvert les yeux sur des aspects que j'ignorais en tant qu'actrice. Cependant, c'est aussi un rôle exigeant et parfois frustrant. Nombre de projets ne voient jamais le jour, ou nécessitent des années pour se concrétiser. Malgré tout, la satisfaction de mener un projet à terme et de le voir prendre vie est incomparable. Cela procure un profond sentiment d'accomplissement.
* Y a-t-il un rôle ou un genre particulier que vous n'avez pas encore exploré, mais qui vous attire particulièrement ? J'aimerais vraiment jouer dans une histoire d'amour, mais une histoire d'amour nuancée, épique, avec une ambiance à l'ancienne. J'ai toujours eu une affection particulière pour les récits ancrés dans les époques passées. Jouer dans ces périodes est fascinant pour moi, notamment parce que j'aime incarner des personnages de femmes réprimées, prisonnières de leur époque, qui luttent pour exprimer leurs émotions et leurs désirs dans un contexte souvent oppressant. C'est un type de rôle qui me passionne actuellement, et je ressens le besoin de m'aventurer davantage dans ce registre.
* Quels conseils donneriez-vous aux jeunes actrices qui tentent de se faire une place dans une industrie aussi exigeante et compétitive ? Je ne vais pas vous mentir, c'est un chemin difficile. La clé, c'est de vraiment aimer ce que vous faites, car la majorité du temps, même lorsque l'on est un acteur reconnu, on se retrouve face à des périodes sans travail. L'industrie est pleine d'incertitudes, et il est important d'être là pour les bonnes raisons. C'est un métier qui demande une passion constante et une résilience, car la carrière peut être très aléatoire. Naviguer dans ce monde en constante évolution peut s'avérer épuisant, mais si vous aimez profondément ce que vous faites, et que vous ressentez du plaisir dans l'acte de créer, alors c'est le plus beau métier du monde.
* Avez-vous eu l'occasion de découvrir le cinéma marocain ? Oui, il y en a eu plusieurs. Je me souviens de certains titres, même si je dois chercher dans ma mémoire. Il y a un réalisateur marocain que j'admire énormément : Nabil Ayouch. Ses films sont extraordinaires, empreints de réalisme social, à l'image de Ken Loach dont je parlais précédemment. Ces œuvres abordent avec pudeur et vérité les questions de société, les inégalités entre les riches et les pauvres, et ce regard sincère et authentique est essentiel. J'ai notamment découvert des films qui traitent audacieusement la condition féminine au Maroc, ce qui m'a profondément marquée. Ce sont des films étonnants, d'une grande intensité, centrés sur l'Histoire des femmes dans un contexte très difficile.