A quelque deux semaines de l'ouverture de l'année législative, le spectre des grèves commence d'ores et déjà à planer sous nos cieux. Après les protestations des étudiants en médecine qui ont animé toute la saison estivale, les corps éducatif, judiciaire, sanitaire et d'autres professionnels relevant de plusieurs secteurs reviennent à la charge appelant le gouvernement à rebattre ses cartes pour réduire les chocs conjoncturels. Malmené par la crise économique aggravée par la hausse des tensions géopolitiques, l'Exécutif se retrouve, comme l'année dernière et celle d'avant, entre le marteau des pressions budgétaires et l'enclume des grévistes qui aspirent à des jours meilleurs. Et donc, durant les prochaines semaines, nous allons certainement plonger dans l'inévitable débat entre des syndicalistes qui qualifient leurs actions de «légitimes» et des responsables gouvernementaux qui déclarent que ces grèves-là sont «injustifiées» et ne tiennent pas compte des efforts fournis par l'Etat en faveur de la classe travailleuse. Mais après trois ans de mandat, il faut tirer les leçons et éviter les dialogues de sourds qui ne mènent qu'à des incompréhensions, souvent sources de conflits et de violence, comme en témoignent les derniers affrontements entre les futures blouses blanches et les forces de l'ordre. Et ce qui n'arrange rien à rien, c'est que même la loi censée instituer et délimiter les modalités d'exercice du droit de grève, fera elle aussi très certainement l'objet de débrayages qui risquent de repousser son adoption aux calendes grecques, donnant in ne au champ social marocain l'apparence d'un serpent qui se mord la queue. Pourtant, le cadre juridique et institutionnel permettant la synergie du dialogue social est bien défini et a même fait ses preuves en début de mandat, avant que la saine émulation qui régnait entre l'Exécutif, le patronat et les syndicats ne fasse pschitt. L'enjeu serait donc de revenir à cet état d'esprit et éviter de mettre des bâtons dans les roues à chaque désaccord. Car, dans chaque situation, on peut toujours couper la poire en deux !