Jusqu'au 31 mars, la Villa des Arts de Casablanca prête ses cimaises à quelques œuvres majeures de l'artiste Fatna Gbouri. Suivez La Vie éco sur Telegram La Fondation Al Mada en collaboration avec Art First Galerie révèle les œuvres majeures de l'artiste Fatna Gbouri (Collection particulière : 1982-1990), présentées pour la première fois au public, après avoir été exposés en 2023-2024 au Musée des Confluences-Dar El Bacha Marrakech. Intitulée « Fatna Gbouri : entre tradition et modernité » sous la curation de Selma Naguib, cette exposition propose à voir toute la richesse du patrimoine marocain à travers des scènes de vie célébrant le Maroc authentique et sa modernité. Fatna Gbouri déboula des plaines de Tnine Gharbia, dans la région de Safi, un territoire où l'on s'affaire davantage à traire les vaches plutôt que d'en croquer le mélancolique regard. C'est dire que les voies de l'art sont insondables : elle l'a happée sans préambule, par un détour imprévu. Soit ! Ahmed Mjidaoui, bien que peu connu, est peintre. Son chef-d'œuvre le plus accompli reste sans doute sa propre mère, Fatna Gbouri, qu'il a initiée, alors qu'elle avait déjà atteint la soixantaine, à la peinture. En 1982, Fatna Gbouri s'approprie les pinceaux pour devenir, au même titre que Chaïbia Talal, l'une des figures féminines pionnières de la peinture marocaine. Elle est, en quelque sorte, la concrétisation du souhait de son fils, Ahmed Mjidaoui, qui rêvait de la voir délaisser la laine qu'elle filait pour s'exprimer à travers les couleurs et les formes. L'exposition actuelle met en lumière les années fondatrices, de 1982 à 1990, période durant laquelle Fatna Gbouri prend conscience de ses capacités et trouve sa place dans un courant artistique atypique : celui de l'art singulier, souvent appelé post-brut ou encore art des autodidactes. Ne pouvant se targuer d'une quelconque fréquentation préalable des grandes écoles et pour avoir développé un style en marge des conventions, elle fut cataloguée sous l'étiquette condescendante d'artiste « naïve ». Une appellation qui tend à réduire son travail à une forme de « degré zéro » de la peinture. Soit. Pourtant, ses personnages hauts en couleur, ignorés ou parfois méprisés par certains peintres établis, finirent par séduire les amateurs éclairés. Aujourd'hui, ses huiles sur toile atteignent des sommets sur le marché de l'art et s'arrachent à prix d'or. « Son trait est spontané, proche en cela de l'art brut, et semble avoir pour vocation de partager l'émerveillement de tous les sens », souligne Olivier Rachet dans le texte d'introduction du catalogue de cette exposition. Fatna Gbouri entraine les regards contemplatifs dans un univers traditionnel et détaché des lieux, ne laissant place qu'aux scènes quelle a soigneusement choisies, notamment des scènes rurales de mariages, de naissances, de célébrations et bien plus encore, qu'elle a pu observer et vivre dans son quotidien. L'artiste prend soin de surprendre par un choix de couleurs éclectiques et vives sans pour autant dénaturer la beauté des moments immortalisés. Les œuvres de la période 1982 à 1990 représentent tout à la fois la modernité, la tradition et l'authenticité. « Les couleurs chantent sur la toile, et la prédilection pour les tonalités primaires posées en aplat compose une partition graphique dont on perçoit aussi les échos », poursuit Rachet. « L'œuvre de Fatna Gbouri, de l'ordre de l'intemporel, transcende les générations. C'est une femme artiste précurseur qui a réussi a marqué son temps par son intelligence, et son esprit à la fois authentique et avant- gardiste », conclut Selma Naguib, curatrice de l'exposition.