En avant-première, vendredi 10 mai au Megarama de Casablanca, le dernier film de Faouzi Bensaïdi a fait son apparition devant une salle presque pleine, marquant sûrement les esprits des cinéphiles qui lui ont réservé une ovation prolongée. Faouzi Bensaïdi, réalisateur et scénariste de renom, célèbre un quart de siècle de parcours cinématographique avec l'avant-première de son dernier opus, dans un retour triomphal aux salles obscures. Devant un public nombreux, il a dévoilé ce chef-d'œuvre, mettant en avant la présence marquée des comédiens tels que Fehd Benchemsi, Hajar Graigaa et Abdelhadi Talbi. Dans ce nouveau long métrage intitulé « Déserts », Faouzi Bensaïdi, maître du cinéma marocain avec des films tels que « Mort à vendre » et « Volubilis », nous plonge dans un monde sombre et complexe. Au cœur de cette histoire, nous suivons Mehdi et Ahmid, deux employés peu scrupuleux d'une agence de recouvrement à Casablanca. Leur obsession pour l'argent les conduit à parcourir les routes désertiques du Sud marocain. Dans ces villages isolés, ils traquent les familles pauvres piégées par des organismes sans scrupules qui profitent de leur détresse. Malgré leurs tentatives vaguement menaçantes, Mehdi et Ahmid, spécialistes de l'escroquerie, rentrent souvent bredouilles de leurs expéditions. Cela ne fait qu'accentuer la consternation et la colère de leurs supérieurs, impatients de voir les profits affluer sans aucun échec. Quand le capitalisme dévore les miséreux Dans la salle six du Megarama Casablanca, où le film sera projeté dans une heure, Faouzi Bensaïdi est assis sur un banc rouge devant l'affiche de son film. Avec une sincérité palpable, il nous livre un constat sans appel : « Le capitalisme a prévalu, et tout est devenu une question de gain ». Pour lui, « l'appât du gain a pris le dessus sur tout ce qui reste d'humanité, et cette soif insatiable cherche à maximiser ses profits même au détriment des communautés les plus vulnérables, dans les villages oubliés ». Toujours animé par ces émotions, il révèle que « l'une des aspirations du film était de montrer au monde la beauté d'un peuple négligé face à cette avancée capitaliste féroce ». Alors que nous oublions souvent la réalité de ce Maroc où l'obsession pour le profit est presque ignorée, où de nombreux Marocains ne savent rien de la vie réduite à un cycle économique vicieux, sans sentiments ni pitié, Bensaïdi nous dresse un tableau où la vie est plus simple, plus authentique et plus désirable. « Dans la deuxième partie du film, j'ai voulu donner l'impression qu'on retourne aux origines du monde, où l'homme, la nature et l'animal ne font qu'un », explique le réalisateur, ajoutant que « le film visait à établir une reconnexion à l'essentiel, à travers laquelle les personnages prennent conscience de la futilité de cette course au profit dans laquelle ils étaient un peu instrumentalisés ». Pour Faouzi Bensaïdi, le film va au-delà de ce que l'on voit à l'écran. Il offre une réflexion sur des enjeux plus vastes, tels que la dette mondiale, l'inflation et la crise des subprimes. En mettant en lumière les luttes individuelles des personnages, le réalisateur illustre ainsi les défis économiques et sociaux auxquels sont confrontées de nombreuses sociétés dans le monde. Un silence assourdissant et un pittoresque sombre Le choix des lieux désertiques dans le film crée une atmosphère unique. Ces vastes étendues arides du Sud marocain offrent un contraste saisissant avec l'agitation de la vie urbaine à Casablanca, où évoluent les personnages principaux. Le silence du désert, ponctué seulement par le vent et le bruit des pas, renforce le sentiment d'isolement et de solitude qui caractérise les protagonistes. Ce pittoresque sombre, avec ses paysages arides et ses villages oubliés, reflète également la réalité d'une société en proie aux difficultés économiques et sociales. Ainsi, le désert devient un élément central de l'esthétique du film, contribuant à créer une ambiance à la fois mystérieuse et évocatrice. « Dans ce paysage magnifique, je me suis souvent senti transporté dans les décors grandioses du « Monument Valley » de John Ford, avec cette ambiance western si particulière », partage le réalisateur. « C'était un rêve de longue date, et en développant l'histoire, j'ai réalisé que mes deux personnages étaient un peu comme les chasseurs de primes des westerns américains ». Sauf que dans « Déserts » les personnages principaux ne sont pas des chasseurs de criminels, mais plutôt des traqueurs de démunis. Leur objectif n'est pas d'appréhender des délinquants, mais de recouvrer des dettes auprès de personnes en difficulté. Ces individus n'ont commis aucun crime, si ce n'est celui de tenter de s'en sortir dans un monde où la pauvreté et les difficultés financières sont monnaie courante. « Les différents chapitres du film évoquent un choc entre les valeurs, les traditions et l'humanité de l'ancien monde, et la brutalité du nouveau. Cette confrontation crée une frontière poreuse et incertaine entre les deux univers. Un mystère plane, où les personnages et les récits se mêlent de manière complexe. Le film prend alors la forme d'une ronde, où les scènes se succèdent avec des ruptures, des déplacements, et des routes parcourues à toute vitesse », analyse Faouzi Bensaïdi. « Avec Déserts, j'ai voulu que l'histoire et sa mise en scène évoluent progressivement vers autre chose, laissant une grande place à l'imagination du spectateur. Cette approche permet au film de mélanger différents genres cinématographiques. Le burlesque peut se teinter de film noir, le social de suspense, et le réel peut accueillir l'abstraction, ouvrant ainsi sur des dimensions cosmiques », explique-t-il. Une esthétique marquée par l'influence de Wes Anderson Dans « Déserts », l'empreinte de Wes Anderson est indéniable sur le plan esthétique et visuel. Faouzi Bensaïdi adopte une approche minutieuse dans la composition de ses plans, rappelant le style caractéristique du réalisateur américain. Les images sont soigneusement élaborées, chaque détail est pensé avec une précision presque obsessionnelle, créant ainsi une symétrie visuelle saisissante. Cette symétrie, typique du travail d'Anderson, confère aux scènes une harmonie visuelle qui capte l'œil du spectateur et renforce l'impact émotionnel des séquences. De plus, la mise en scène méticuleuse des décors et des costumes crée un univers visuel cohérent et immersif, où chaque élément contribue à l'esthétique globale du film.