Le réalisateur Faouzi Bensaïdi revient sur la scène cinématographique avec son tout dernier film, Déserts. Accompagné d'une partie de l'équipe de tournage, il est venu le présenter ce vendredi 10 mai, au cinéma Megarama de Casablanca. Sélectionnée à la Quinzaine des Cinéastes lors du Festival de Cannes 2023 et primée à la Mostra de Valence, la dernière œuvre du cinéaste, "Déserts", se démarque par l'esthétique minimalistes de ses plans, dévoilant un Maroc rural, plus authentique. «C'est un film burlesque, un western quasi-mythologique, un conte et une satire» du monde capitaliste, révèle Faouzi Bensaïdi. Il nous entraîne dans le quotidien de Mehdi et Hamid, deux amis de longue date qui travaillent pour une agence de recouvrement. Leur routine consiste à parcourir les villages reculés du grand Sud marocain dans une vieille voiture, logeant dans des hôtels délabrés et tentant de remplir leurs objectifs de recouvrement. Leur quotidien se retrouve perturbé lorsqu'ils croisent le chemin d'un évadé, menotté sur une moto, dans une station essence au cœur du désert. Cet homme, à l'apparence menaçante, va changer le cours de leur vie. Dès les premières images, le spectateur est immergé dans un monde où se mêlent «plusieurs histoires, plusieurs personnages et plusieurs réalités», précise le réalisateur. Il explore «les déserts intérieurs des êtres, leurs vies spirituelles et intérieures», tout en dépeignant leur existence quotidienne. À travers cette multiplicité, le réalisateur parvient à tisser une narration à la fois marocaine et universelle, abordant des thématiques profondes telles que «l'abandon des populations précaires par le pouvoir et la précarité du sous-prolétariat», qui résonnent comme un mal mondial. La force de "Déserts" réside dans sa capacité à évoquer des enjeux contemporains d'une manière subtile mais percutante. En mettant en lumière les classes populaires, le film invite à une réflexion sur des problématiques plus générales comprenant «la dette mondiale, l'inflation et la crise des subprimes». L'auteur transcende ainsi les frontières géographiques pour explorer des réalités sociales mondiales. Toutefois, Bensaïdi ne se contente pas seulement d'explorer les thématiques sociales et économiques. Il s'inspire aussi du genre western pour façonner son récit. Cette influence cinématographique transparaît à travers plusieurs éléments distinctifs qui parsèment le film. Pour commencer, Bensaïdi utilise le décor aride des déserts marocains pour évoquer l'esthétique emblématique des westerns. Le réalisateur parvient à capturer l'essence même de ces déserts, à la fois physiques, spirituels, poétiques et sociaux. Les vastes étendues de sable et les paysages rocheux fournissent un cadre idéal, rappelant les terres sauvages du Far West américain. Par ailleurs, l'emploi des chevaux remplaçant leur improbable voiture décapotable amplifie cet aspect. S'ajoute à cela, l'utilisation habile de l'éclairage qui met en valeur les contrastes des paysages désertiques mais aussi des situations entre les personnages. Bensaïdi s'amuse à créer des jeux d'ombres et de lumières qui renforcent le sentiment d'isolement. Enfin, il utilise des musiques à suspens, à l'image des western de Sergio Leone, tout en laissant volontairement des moments de silence, amplifiant l'intensité émotionnelle des scènes. L'influence de deux grands maîtres du cinéma, Charlie Chaplin et Wes Anderson, est également palpable dans "Déserts". Tout d'abord, du côté burlesque, l'héritage de Chaplin se fait sentir à travers l'aspect comique et parfois absurde de certaines situations. Comme lui, Bensaïdi utilise le burlesque pour aborder des thèmes sérieux de manière ludique, permettant ainsi au spectateur de réfléchir tout en étant divertis. Les moments de comédie dans "Déserts" peuvent être interprétés comme une critique sociale subtile, à la manière des films L'Emigrant (2017) ou encore La Ruée vers l'or (1925) de Charlie Chaplin, qui utilisait souvent l'humour pour dénoncer les injustices et les absurdités de la société. En ce qui concerne l'esthétique et la mise en scène, l'influence de Wes Anderson est indéniable. Les plans minutieusement travaillés et la symétrie visuelle rappellent le style distinctif de ce dernier. Comme le réalisateur américain, Bensaïdi accorde une grande importance aux détails, créant ainsi des images qui semblent presque figées dans le temps, comme des tableaux vivants. Cette attention méticuleuse aux décors, aux costumes et à la composition des plans confère à "Déserts" une esthétique unique et immersive, tout en soulignant l'approche théâtral de la narration.