Malgré la reprise à tâtons des échanges commerciaux et la coopération sécuritaire, la crise entre l'Espagne et l'Algérie demeure irrésolue. Trois ans après la rupture provoquée par l'alignement historique de Madrid sur la position marocaine liée au Sahara, le dialogue bilatéral reste marqué par une défiance persistante. Le gel du traité d'amitié de 2002, l'absence de visite officielle à Alger de Pedro Sánchez et la prudence extrême du régime d'Abdelmadjid Tebboune sur un retour à la normale témoignent d'une impasse stratégique. Si l'interdépendance énergétique et les impératifs sécuritaires imposent un pragmatisme de façade, les divergences politiques et géostratégiques continuent de miner toute réconciliation véritable entre les deux pays. Plus de trois ans après la rupture brutale provoquée par la nouvelle position espagnole sur la question du Sahara et plusieurs visites annulées de José Manuel Albares, les relations entre Madrid et Alger restent marquées par une défiance profonde et structurelle. Si des ajustements pragmatiques ont permis de relancer certains échanges économiques et sécuritaires, la crise diplomatique demeure en suspension latente, confinant les deux pays à un équilibre instable où l'hostilité feutrée le dispute à la nécessité de maintenir un dialogue minimal. Une réconciliation de façade La reprise des discussions bilatérales se heurte à une rigidité dogmatique de part et d'autre. La nomination en décembre 2023 d'Abdelfettah Daghmoum comme ambassadeur d'Algérie à Madrid, si elle a pu être interprétée comme un signe d'apaisement, ne s'est pas traduite par une relance effective du traité d'amitié, de bon voisinage et de coopération de 2002, toujours gelé. La rencontre entre José Manuel Albares et son homologue algérien Ahmed Attaf, en marge du G20 de Johannesburg le 21 février n'a produit aucun effet tangible sur le différend de fond. Alger maintient une position intransigeante, conditionnant tout rétablissement intégral des relations diplomatiques à une "clarification" de la position espagnole sur le Sahara . Madrid, de son côté, s'efforce d'éluder la confrontation frontale et mise sur la persistance de liens économiques stratégiques pour désamorcer progressivement la crise. Or, cette approche graduelle se heurte au caractère lunaire du régime algérien, qui perçoit toute atténuation rhétorique espagnole sur le dossier saharien comme une manœuvre dilatoire plutôt qu'un véritable infléchissement. Pedro Sánchez, pourtant artisan du réalignement diplomatique de l'Espagne en faveur du Maroc, n'a toujours pas été convié à Alger et l'éventualité d'une visite officielle royale de Felipe VI reste un horizon hautement spéculatif malgré les marques de considération dont le chef de l'Etat espagnol a fait l'objet de la part d'Abdelmadjid Tebboune. Un dialogue contraint par des intérêts sécuritaires et énergétiques Si la tribulation politique perdure, l'impératif sécuritaire et les interdépendances énergétiques imposent un pragmatisme de circonstance. La lutte contre les réseaux migratoires clandestins et les menaces djihadistes au Sahel demeurent un domaine de coopération qui s'impose vu la fragilité du dispositif sécuritaire euro-méditerranéen. Sur le plan énergétique, la continuité du flux gazier via Medgaz reflète des relations commerciales asymétriques entre les deux pays. En dépit de tensions prolongées, l'Algérie, et en raison de ses faibles réserves financières, a maintenu son statut de premier fournisseur de gaz naturel de l'Espagne tandis que les restrictions commerciales unilatéralement imposées par Alger en juin 2022 ont été levées en novembre 2024. Toutefois, cette reprise n'a pas permis de retrouver les niveaux d'avant-crise. Certains secteurs stratégiques, notamment la céramique valencienne, peinent toujours à regagner leur place sur le marché algérien ce qui témoigne d'une remise en marche sélective des flux commerciaux. À ce stade, le malentendu ne se résorbe pas : il se métamorphose. La réhabilitation progressive des interactions commerciales et sécuritaires ne saurait occulter l'absence de toute avancée substantielle sur le plan diplomatique. L'Algérie, soucieuse de ne pas se retrouver simultanément en confrontation avec l'Espagne et la France, ménage des marges de flexibilité sans toutefois renoncer à son intransigeance doctrinale sur la question du Sahara. L'Espagne, quant à elle, mise sur l'usure du temps pour éviter toute escalade frontale avec Alger tout en approfondissant son alignement stratégique sur Rabat. Derrière le pragmatisme affiché se joue, surtout, une partie d'échecs diplomatique où chaque partie dissimule une méfiance latente et une absence totale de vision commune sur l'avenir des relations hispano-algériennes. Ce n'est pas une réconciliation, mais une trêve armée.