Après plusieurs reports de la visite d'Etat qu'il devait effectuer entre le 2 et le 5 mai de l'année passée, et alors que Paris semblait avoir tourné la page, Abdelmadjid Tebboune a profité d'une communication téléphonique avec le président français Emmanuel Macron, pour la remettre à l'ordre du jour des relations entre les deux pays. Depuis l'annulation, en dernière minute, de la visite officielle que devait effectuer le président algérien à Paris les 2 et 5 mai de l'année 2023, l'Elysée semble avoir tournée la page du réchauffement des relations franco-algériennes tant les tensions entre les deux pays sont récurrentes. A Alger, on aime jouer à l'enfant gâté. Ancienne colonie française durant plus d'un siècle, l'Algérie cherche, non seulement à culpabiliser l'ancienne puissance coloniale de tous les méfaits engendrés par une occupation qui n'a pas fait que du mal, mais elle en fait un fond de commerce qu'elle gère très mal. De guerre lasse, Paris dut se résoudre à tourner le dos à un partenaire qui ne sait plus ce qu'il veut. Elle fait la sourde oreille à tous les sons parvenus d'Alger. Qu'ils soient bons ou mauvais. Il y a comme une certitude chez les Français, qu'il n'y a rien de sérieux du côté algérien tant on se montre versatile et inconstant. Alger ne manifeste pas la moindre volonté d'aller au bout des projets arrêtés en commun. Paris est allée jusqu'à envoyer la moitié de son gouvernement à Alger. Sans résultat. Moins de deux mois après la visite d'Emmanuel Macron en Algérie (fin août 2022), Elisabeth Borne, alors premier ministre de la France se rend à Alger, le 7 octobre, accompagnée de pas moins de 16 ministres. Parmi les membres de la délégation figurent des poids lourds dont Bruno Le Maire (Economie), Gérald Darmanin (Intérieur), Eric Dupond-Moretti (Justice), ainsi que la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, ou son collègue de l'Education nationale, Pap Ndiaye. La délégation française pensait donner corps à cette fameuse déclaration d'Alger pour un « partenariat renouvelé » entre les deux pays. Une déclaration signée avec Abdelmadjid Tebboune, par Emmanuel Macron, à l'issue de sa visite de 3 jours marquée par un bain de foule à Oran qui a provoqué pas mal de jalousie dans les hautes sphères du pouvoir algérien. Ce comité intergouvernemental de haut niveau algéro-français n'a débouché sur aucun projet concret. La réunion a fait chou blanc tout comme l'épisode de l'écriture de l'histoire commune des deux pays par un comité mixte. Si pour ce sujet, du côté français on a choisi Benjamin Stora, un historien de talent qui connaît que trop bien l'Algérie pour l'avoir vu naître, Alger, choisit un obscur conseiller qui n'a jamais traité de l'histoire et qui n'a pas la moindre publication digne d'intérêt. Il s'agit de Abdelmadjid Chikhi. A la copie présentée par Benjamin Stora, l'Algérien a répondu par dédain « on ne peut pas écrier ensemble l'histoire commune » déclara-t-il pour expliquer sa copie rendue toute blanche. Il a préféré aller raconter, à la tribune du parlement algérien, l'histoire d'un cygne qui aurait essuyé un tir de fusil d'un soldat français durant la guerre de libération, pour en faire un martyr et un héro de cette guerre. Une histoire, de plus burlesques, qui a soulevé une hilarité sans pareille chez les Algériens. La délégation dirigée par Madame Anne-Marie Descôtes, qui était accompagnée de ses plus proches conseillers, a bien fait comprendre que, du côté français, tout le monde s'active en coulisse à la réussite de la visite du locataire du Palais d'El Mouradia. Tous les détails sont passés en revue et on arrête le plan de la visite comme suit : Selon le protocole des visites d'Etat, le président algérien sera accueilli à l'aéroport par Emmanuel Macron avant de se rendre en hélicoptère à l'Esplanade des Invalides. Escorté par la garde républicaine, il devrait aussi descendre les Champs-Elysées pavoisés aux couleurs du drapeau national algérien. Il devrait être logé à l'Hôtel de Marigny, résidence des dirigeants étrangers lors des visites d'Etat. Autres moments forts de cette visite : le discours devant l'Assemblée nationale et la participation à un dîner d'Etat. Un programme de rêve pour Tebboune. Malheureusement pour lui, au lendemain de cette réunion, soit le 17 avril, Ahmed Attaf, le ministre algérien des Affaires étrangères annonce à son homologue française Catherine Colonna, par un coup de fil que « le président Tebboune souhaite reporter sa visite à une date ultérieure ». Motif : les « livrables » ne sont pas suffisants. Autrement dit, il n'y aura pas grand-chose à faire au cours de cette visite. Il fallait attendre plus de trois mois pour entendre le président algérien justifier cette annulation qu'il qualifie de report. Au cours d'une réunion avec des représentants de la presse algérienne, le 5 août, il dit à ce sujet « Nous attendons le programme de cette visite de la part de la présidence française. Elle est toujours maintenue ». Et d'ajouter : « Nous ne sommes pas tombés d'accord sur le programme de cette visite. Une visite d'Etat a des conditions et doit déboucher sur des résultats. Ce n'est pas une visite touristique. » Un argument qui tient difficilement la route sachant que depuis quatre ans qu'il est au palais d'El-Mouradia, le bilan du président Tebboune ne contient pas une seule réalisation aussi modeste soit-elle. « Les raisons de l'annulation de la visite d'Etat à Paris d'Abdelmadjid Tebboune sont à chercher ailleurs », confie un analyste fin connaisseur des arcanes du pouvoir algérien. « En Chine ou en Russie ou au Portugal, Tebboune n'a rien obtenu de concret. Les accords signés lors de ces visites sont restés de simples vœux pieux. Non pas par la faute des partenaires, mais tout simplement parce que l'économie algérienne souffre d'un alarmant immobilisme que les dirigeants du régime algérien refusent de reconnaître. » ajoute notre analyste. « L'annulation de la visite de Paris ne vient pas de Tebboune mais des véritables décideurs. Et cela tout le monde le sait. Si cela ne tenait qu'à lui, il appelle de tous ses vœux pour se rendre en visite d'Etat et vivre tout le faste qu'elle recouvre » conclut notre source. On sentait, chez le chef de l'Etat algérien, le désir d'effecteur cette fameuse visite lorsqu'à l'occasion du nouvel an 2024, il consacra la primeur de ses vœux, à son homologue français. Des vœux exprimés de vive voix par téléphone. Un fait sans précédent que Tebboune n'a pas hésité à inscrire dans les annales des relations algéro-françaises. C'était, pour lui, une occasion idoine pour relancer le sujet de sa visite parisienne. Un peu plus de deux mois se sont écoulés sur cette communication et le téléphone sonne au palais d'El-Mouradia. Au bout du fil, Emmanuel Macron. Le président algérien est tout heureux. Il s'accroche au téléphone, pour évoquer moult sujets, selon le communiqué de la présidence de la république algérienne, repris par tous les médias algériens. « Lors de cet appel, le président de la République a exprimé sa profonde inquiétude concernant les développements de la situation en Palestine occupée, en particulier à Gaza ». Le communiqué ajoute « les deux présidents ont également évoqué les perspectives économiques communes profitables aux deux pays, notamment dans les domaines de l'agriculture, de l'énergie, des terres rares et de l'industrie ferroviaire ». Et de conclure par le plus important aux yeux du pouvoir algérien « Les deux présidents ont, enfin, convenu, de la visite officielle du président de la République en France, qui aura lieu à la fin septembre, début octobre, la date officielle de la visite devant être fixée ultérieurement ». Il vient de décrocher la timbale. Nonobstant le sérieux réchauffement des relations franco-marocaines marqué par la prise de position franche et sans la moindre ambiguïté sur la question du Sahara, le président Tebboune tenait vaille que vaille à se rendre en France avant la fin de son mandat prévue pour le début du mois de décembre prochain. Il ne sera nullement fait de reproches aux Français de tout ce qu'ils ont entrepris avec leur « ennemi marocain » qui a fait montre d'une grande intelligence dans la gestion de la crise qui a traversé ses relations avec Paris. Constatant qu'ayant tout perdu et rien gagné en multipliant les tensions avec la France, les vieux dirigeants de « l'Algérie nouvelle » en envoyant Tebboune parader sur l'avenue des Champs Elysées cherchent avant toute chose à gagner le silence de la France à la prochaine présidentielle qui sera, comme toutes les précédentes, marquée par la fraude électorale et la désignation d'un pantin à la tête de l'Etat algérien. Et que gagnerait la France dans ce cas de figure ? On le saura avec le temps.