Quelque millier de soldats israéliens avaient attaqué, avec drones et bulldozers, Jénine et son camp de Réfugiés, laissant derrière eux une douzaine de martyrs, plus d'une centaine de blessés, cent maisons démolies et des kilomètres de conduites d'eau potable détruites. Un représentant européen a critiqué samedi Israël pour son raid meurtrier à Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée, qui remet en question, selon lui, la "proportionnalité" de l'usage de la force par l'armée israélienne durant l'opération. Le représentant de l'Union européenne pour les territoires palestiniens, Sven Kuehn von Burgsdorff, s'exprimait à l'occasion de la visite sur place d'une délégation de fonctionnaires des Nations unies et de diplomates de 25 pays. "Nous sommes préoccupés par le déploiement d'armes et de systèmes d'armes qui remettent en question la proportionnalité de (l'usage de la force par) l'armée pendant l'opération", a-t-il déclaré. "Ce cycle de violence doit cesser, il ne peut plus durer. S'il n'y a pas de solution politique au conflit, nous serons encore là dans une semaine, dans un mois, dans un an, sans que rien n'ait changé", a ajouté le diplomate européen. Ses remarques font écho à celles du chef de l'ONU, Antonio Guterres, qui a déclaré jeudi que les forces israéliennes avaient fait un usage excessif de la force lors de l'opération de 48 heures, la plus importante qu'Israël ait menée dans le territoire palestinien depuis des années.
"L'escalade n'est pas la réponse"
"L'escalade n'est pas la réponse" aux "préoccupations légitimes d'Israël pour sa sécurité", a souligné jeudi le secrétaire général de l'ONU, dénonçant son "usage excessif de la force" lors de l'opération militaire en Cisjordanie occupée cette semaine. "Je comprends les préoccupations légitimes d'Israël pour sa sécurité. Mais l'escalade n'est pas la réponse. Cela renforce la radicalisation et conduit à un cycle de violence et d'effusion de sang qui s'aggrave", a déclaré Antonio Guterres à la presse, revenant sur l'opération qui a lieu en début de semaine à Jénine. "Restaurer l'espoir du peuple palestinien dans un processus politique sérieux, conduisant à une solution à deux Etats et à la fin de l'occupation, est la contribution essentielle d'Israël à sa propre sécurité", a-t-il ajouté. "Les frappes aériennes et les opérations terrestres d'Israël dans un camp de réfugiés bondé ont représenté la pire violence en Cisjordanie depuis des années, avec des conséquences importantes sur les civils", a-t-il décrit, jugeant que les frappes aériennes "sont en contradiction avec des opérations de maintien de l'ordre". L'opération, en début de semaine, au cours de laquelle 12 Palestiniens et un soldat israélien ont été tués, a mobilisé des centaines de soldats ainsi que des drones et des bulldozers de l'armée dans la ville de Jénine et le camp de réfugiés adjacent, bastion de groupes armés palestiniens. Cent Palestiniens ont été blessés lors du raid, selon le ministère palestinien de la Santé. Samedi, des représentants des Nations unies ont lancé un appel de fonds pour aider à la reconstruction du camp de réfugiés.
Plusieurs kilomètres de canalisations d'eau et d'égouts détruits
"Pour rétablir les services et augmenter l'aide aux enfants, nous avons besoin d'argent", a déclaré Leni Stenseth, commissaire général adjoint de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), regrettant que les fonds collectés étaient insuffisants. Les infrastructures du camp ont été gravement endommagées au cours de l'opération militaire: huit kilomètres de canalisations d'eau et trois kilomètres de canalisations d'égouts ont été détruits, selon les Nations unies. Plus de 100 maisons ont été endommagées et un certain nombre d'écoles ont également été légèrement endommagées. Le camp de réfugiés est l'un des plus pauvres et des plus densément peuplés de Cisjordanie, avec quelque 18.000 personnes vivant sur seulement 0,43 km2. "Je vous demande instamment d'envisager d'annoncer dès que possible votre soutien au travail que nous allons accomplir ici, dans le camp de Jénine, au cours des semaines et des mois à venir", a ajouté Mme Stenseth. Depuis le début de l'année, le conflit israélo-palestinien connaît un net regain de tensions après l'entrée en fonctions, fin décembre, d'un des gouvernements les plus à droite de l'histoire d'Israël, dirigé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Le nord de la Cisjordanie a connu une récente vague d'attaques contre des Israéliens ainsi que des violences anti-palestiniennes de la part de colons juifs. Près de trois millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967. Environ 490.000 colons juifs y habitent aussi dans des colonies que l'ONU juge illégales au regard du droit international.
Abbas ordonne le déploiement de ses forces de sécurité à Jénine Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a ordonné à ses forces de sécurité de commencer à se déployer à Jénine dès dimanche. Lors d'une discussion interne à Ramallah, il a averti le chef des services de renseignement palestiniens, le général Majed Faraj et ses hommes, que si les forces de sécurité n'agissaient pas rapidement, le Hamas pourrait prendre le contrôle à Jénine de la même manière qu'il l'a fait à Gaza en 2007. Des sources de haut rang à Ramallah ont déclaré que Mahmoud Abbas avait sévèrement réprimandé les responsables sécuritaires pour avoir perdu le contrôle du camp de réfugiés et de la ville de Jénine. Il a souligné leur incapacité à protéger deux des dirigeants du Fatah : Mahmoud al-Aalul et Azam al-Ahmed, qui ont été expulsés d'un cortège funèbre. Il a été convenu d'un changement fondamental de la sécurité dans la région de Jénine, car il s'agit d'une condition nécessaire pour recevoir les fonds d'aide à la reconstruction de Jénine promis par les Emirats arabes unis (15 millions dollars) et l'Algérie (30 millions de dollars). La difficulté majeure dans la mise en œuvre de la nouvelle politique palestinienne concerne la scission interne du mouvement Fatah à Jénine. Mahmoud Abbas a ordonné de trouver un moyen de faire entrer ses forces de sécurité dans le ville sans conflit.