Joe Biden veut "finir le travail", rendre à l'Amérique populaire sa "fierté" et à la nation divisée son "unité". Le président US qui brigue un second mandat a livré, mardi devant le Congrès, un discours aux accents de campagne. Si l'exercice du "discours sur l'état de l'Union" est généralement un exercice compassé, rythmé par les ovations du parti présidentiel, le démocrate de 80 ans a dû cette fois composer avec les invectives de certains parlementaires de la droite radicale. D'humeur combative, visiblement détendu, Joe Biden a répondu par quelques plaisanteries, sans se détourner de son message: "Nous devons être la nation que nous avons toujours été quand nous étions au sommet. Optimiste. Pleine d'espoir. Tournée vers l'avenir". Là même où des partisans de Donald Trump ont tenté, le 6 janvier 2021, d'empêcher le Congrès de certifier son élection, le président a estimé que la démocratie américaine, certes "meurtrie", restait "inviolée et préservée". L'ancien président a d'ailleurs commenté mardi en direct le discours de Joe Biden sur son réseau social, Truth Social, lui décernant même un rarissime compliment: "Je m'oppose à la majorité de ses politiques, mais il a mis des mots sur ce qu'il ressentait et a bien mieux terminé la soirée qu'il ne l'avait commencée", a-t-il salué. Tout au long de son discours, Joe Biden s'est présenté en président qui "comprend" les fins de mois difficiles, consacrant l'essentiel de son allocution de plus d'une heure aux problèmes de la vie quotidienne.
Œuvrer pour une classe moyenne écrasée
Promettant d'œuvrer pour les "oubliés" de la croissance, ceux que le précédent président et actuel candidat Donald Trump a su en partie séduire, Joe Biden a déploré: "Durant des décennies, la classe moyenne a été écrasée". "Et, au fil du temps, nous avons perdu autre chose. Notre fierté. Notre confiance en nous", a-t-il regretté, en promettant de les rétablir. A la peine dans les sondages, il a joué la carte du pragmatisme, faisant l'article, dans les détails les plus précis, de ses grands projets de loi censés ramener des emplois et des usines, et faciliter la vie des consommateurs. Il a aussi appelé les républicains à le rejoindre pour adopter toute une série de grandes réformes - tout en sachant pertinemment qu'il ne sera jamais suivi par les parlementaires les plus radicaux, dont dépend le parti républicain pour contrôler la Chambre des représentants. Joe Biden a réclamé une interdiction "pour de bon" des fusils d'assaut, de lourdes taxes sur les milliardaires et les multinationales, un plafonnement du prix de l'insuline, une régulation dure des géants de la tech qui "mènent des expériences sur (les) enfants et siphonnent les données des adolescents pour alimenter leurs profits". Le président a aussi fait applaudir les parents de Tyre Nichols, jeune homme afro-américain mort après avoir été passé à tabac par des policiers à Memphis. Et jugé que l'Amérique ne "pouvait pas se détourner" du problème des violences policières.
Dans le camp du président, on se réjouit franchement: "Joe Biden doit être ravi, c'était un coup de maître", a applaudi David Axelrod, ancien conseiller de Barack Obama. Joe Biden sait bien que, selon les sondages, les Américains ne veulent pas d'un second match entre lui et Donald Trump en 2024.
L'Amérique "agira" pour protéger "sa souveraineté"
Mais là où le républicain se présente en homme providentiel, seul capable de sauver l'Amérique d'un "déclin" généralisé, le démocrate fait le pari que son message d'optimiste en chef finira par fédérer. Alors qu'il y a un an, Joe Biden, s'exprimant quelques jours après l'invasion de l'Ukraine, avait beaucoup insisté sur les questions internationales, il est cette fois passé assez rapidement sur le sujet. Le président américain était surtout attendu sur la Chine: l'affaire du ballon chinois abattu samedi après avoir survolé le territoire américain pendant plusieurs jours lui vaut des reproches de faiblesse à droite. L'Amérique "agira" si Pékin "menace sa souveraineté", a-t-il alerté, appelant toutefois, là aussi, à "l'unité" entre démocrates et républicains pour gagner la "compétition" avec Pékin. Après le discours, la Chine a assuré qu'elle défendrait "avec fermeté" ses intérêts tout en appelant Washington "à travailler" avec elle "pour ramener les relations bilatérales sur la voie d'un développement sain". Invitant les parlementaires à ovationner l'ambassadrice ukrainienne, présente dans la salle, Joe Biden a promis que les Etats-Unis soutiendraient l'Ukraine "aussi longtemps qu'il le faudra". Le ballon chinois ferait partie d'un vaste programme de surveillance militaire Le renseignement américain pense que le ballon espion chinois récemment abattu fait partie d'un vaste programme de surveillance dirigé par l'armée chinoise. Ce programme, qui comprend un certain nombre de ballons similaires, est en partie exécuté depuis la petite province chinoise de Hainan, ont déclaré des responsables à CNN. Les Etats-Unis ne connaissent pas la taille précise de la flotte de ballons de surveillance chinois, mais des sources affirment que le programme a mené au moins deux douzaines de missions sur au moins cinq continents ces dernières années, dont une demi-douzaine se seraient déroulés dans l'espace aérien américain. Depuis que des débris du ballon, abattu par les Américains, ont été récupérés dans la mer mardi, ils sont étudiés par une équipe d'élite d'ingénieurs du FBI. Ces experts cherchent à comprendre autant que possible les capacités techniques du ballon, notamment le type de données qu'il pourrait intercepter et collecter, à quels satellites il était lié et s'il présente des vulnérabilités que les Etats-Unis pourraient exploiter. Le commandant du US Northern Command, le général Glen VanHerck, a reconnu lundi face à la presse que les Etats-Unis avaient "des lacunes concernant leurs connaissances dans le domaine", ce qui avait permis aux ballons de traverser l'espace aérien américain sans être détectés. La Chine continue, de son côté, à soutenir que l'engin abattu par les Etats-Unis était un ballon météo dévié de sa route.