Suite à une rencontre productive avec Aziz Akhannouch, le nouveau président kenyan, William Ruto, entend pousser la coopération bilatérale au plus haut niveau possible. Détails. Il semble que rien ne peut altérer la volonté de deux pays de se rapprocher. En dépit de tout, le Maroc et le Kenya affichent de plus en plus d'affinités et partagent une sympathie mutuelle depuis l'arrivée du nouveau président William Ruto au pouvoir. Très différent de son prédécesseur, Uhuru Kenyata, le nouveau maître de Nairobi a pris soin de faire comprendre à tout le monde qu'il veut ouvrir une nouvelle page avec le Royaume. Depuis son investiture, le dialogue politique entre les deux pays s'est nettement amélioré. En témoigne la dernière rencontre qu'il a eue avec le Chef du gouvernement, Aziz AKhannouch, en marge du Sommet « Dakar 2 » au Sénégal. Dans une ambiance on ne peut plus cordiale, les images sont là pour l'attester, la réunion a été productive. Il suffit de lire la déclaration du président Ruto pour s'en rendre compte. «Nous nous engageons à accélérer et à renforcer nos liens stratégiques dans l'intérêt commun des citoyens des deux pays», a-t-il écrit sur son compte Twitter, tout en rappelant que «le Kenya et le Royaume du Maroc entretiennent des relations économiques profondément enracinées, en particulier dans les domaines du commerce, de l'agriculture, de la santé, du tourisme et de l'énergie».
Vers une nouvelle ambassade ?
Or, pour passer à la vitesse supérieure, beaucoup de choses restent à faire, sachant que l'état actuel de la coopération bilatérale n'est pas à la hauteur des aspirations. Force est de constater que le volume des échanges ne dépasse pas 256,06 millions de dirhams ces dernières années. Conscient de cela, le président Ruto compte élever la représentation diplomatique de son pays au Maroc au rang d'ambassade. À en croire des médias locaux, comme «The East African», qui en ont fait l'annonce le 27 janvier, le Kenya envisage d'ouvrir prochainement une ambassade au Maroc. Nairobi, rappelons-le, est représenté au Royaume par un simple Consulat Honoraire. En sus de l'ambassade, une Chambre de commerce commune devrait voir le jour, les discussions sont lancées depuis 2020. Depuis lors, les visites de délégations d'hommes d'affaires des deux côtés se font de plus en plus nombreuses.
Par ailleurs, la nouvelle ambassade kenyane, selon les mêmes sources, devrait être inaugurée avant même la fin de l'année. Une décision qui n'a été ni confirmée et ni infirmée par les autorités marocaines.
Il ne s'agit pas, en effet, d'une décision fortuite puisqu'elle s'inscrit dans le cadre d'un plan plus large, dont le but est d'étoffer le réseau diplomatique kenyan en Afrique du Nord et de l'Ouest. L'administration kenyane considère le Maroc comme l'un des acteurs les plus influents dans la région, avec lequel il faut coopérer davantage. Rabat et Nairobi semblent dans la même longueur de vue et porteurs de visions proches l'une de l'autre de ce que devrait être l'avenir de l'Afrique. Un avenir où la coopération économique mutuellement bénéfique entre Etats africains est le socle du panafricanisme. Une vision totalement opposée avec celle de son prédécesseur qui était proche de l'Algérie et soutenait le front polisario, avec lequel le nouveau président a pris ses distances. Tout le monde se souvient de l'étrange geste du nouveau président lors de son investiture. Aussitôt investi, il n'a pas manqué d'annoncer dans un tweet que son pays va couper les liens diplomatiques avec le front séparatiste, dont le chef, Brahim Ghali, a été présent lors de ladite cérémonie. «Le Kenya annule sa reconnaissance (...) et prend des mesures pour réduire la présence de cette entité dans le pays», avait-t-il écrit le 14 septembre dans ce fameux tweet qu'il a supprimé quelques heures plus tard, semant ainsi la confusion. Le président kenyan n'a pas manqué de clarifier sa position sur la question du Sahara, lors d'une interview accordée à «France24» quelques jours plus tard, en marge de l'Assemblée Générale des Nations Unies. William Ruto s'y est montré prudent en déclarant que son pays s'aligne sur la position de l'ONU.
En dépit de l'indécision du Kenya à trancher, il est clair que le nouveau président compte en finir avec les turpitudes du passé et les manœuvres de coulisses. Nairobi a été connu pour être l'un des alliés de l'Algérie qui manigançaient contre les intérêts du Maroc au sein de l'Union Africaine.
Anass MACHLOUKH
Trois questions à Orlando Simba « L'opinion publique kenyane ignore l'Histoire de la question du Sahara »
Orlando Simba, membre du Congrès panafricain du Kenya, présidé par la fille du président William Ruto, a répondu à nos questions.
Peut-on parler d'une véritable dynamique entre les deux pays ?
- En examinant les relations maroco-kenyanes durant les dernières années, on s'aperçoit que la question du Sahara a toujours été un facteur de blocage sur la voie du rapprochement entre les deux pays. Le Maroc défend légitimement sa position. C'est au gouvernement marocain et aux habitants locaux de trancher ce problème. Actuellement, il y a une dynamique qui s'est instaurée entre les deux pays, qu'il convient de préserver en pariant sur le business et le renforcement du dialogue.
- Comment le conflit du Sahara est perçu au Kenya ?
- Personne ne peut nier qu'il n'y a eu, à travers l'Histoire, qu'un seul Royaume qui a exercé sa souveraineté sur cette région. C'est là qu'il faut agir. Il est important de faire connaître cette Histoire à l'opinion publique kenyane qui l'ignore complètement. Donc, la communication est indispensable. A mon avis, on ne peut pas imaginer une Afrique forte, puissante et capable de se relever avec des micro-Etats qui foisonnement ici et là au détriment de pays qui se voient décomposés. Ce n'est pas ainsi qu'on va parvenir à l'unité africaine, dont le Maroc est l'un des bâtisseurs, sachant qu'il a abrité la Conférence de Casablanca en 1961. - Pensez-vous que le président Ruto va finir par révoquer la reconnaissance du polisario ? - Je pense que le président a été clair lorsqu'il a fait savoir qu'il allait couper les liens avec le polisario. Bien que cette déclaration fût supprimée, je trouve qu'il faut capitaliser sur cette volonté pour aller de l'avant. Il faut que le Maroc parle davantage à la classe politique et diplomatique pour montrer le bien-fondé de sa cause. C'est, à mon avis, une stratégie gagnante pour convaincre notre gouvernement de se désintéresser du polisario. En effet, gardons en tête que la fille du président Ruto s'est rendue au Maroc et avait pris part au Forum «Medays». C'est un message fort que le Kenya s'intéresse au Maroc et à tisser davantage de liens avec lui.