Alors que le monde n'a toujours pas pansé les plaies multiples et diverses creusées par la pandémie du Covid, et encore moins stoppé l'hémorragie économique causée par la crise de la guerre russo-ukrainienne, revoilà le spectre d'un énième cataclysme politico- militaire qui pointe à l'horizon. Il s'agit des tensions autour de l'île de Taïwan revendiquée par la gigantesque République Populaire de Chine comme l'une de ses provinces spoliées, au même titre que Hong-Kong qui lui a été rétrocédée, il y a à peine 25 ans, au terme de 155 ans d'occupation britannique. Après avoir longtemps réfréné ses ardeurs unionistes par crainte des inévitables représailles économiques, mais également militaires, que lui aurait valu toute tentative de récupération de Taïwan par la force, en temps de paix, lorsque l'Amérique et l'Occident étaient au faîte de leur toute puissance, la Chine se retrouve aujourd'hui enhardie par l'invasion russe en Ukraine qui a profondément rebattu les cartes géopolitiques, chamboulant au passage le salutaire mais très précaire équilibre des forces qui prévalait parmi les grandes Nations. Jugeant que la guerre en Ukraine lui ouvrait une précieuse fenêtre de titre pour solder à son avantage un contentieux territorial dont elle a longtemps retardé l'échéance, la Chine n'a eu de cesse durant les derniers mois d'arborer ses pectoraux face à Taïwan, et face au monde occidental. Autoproclamée protectrice éternelle de Taïwan, l'Amérique de Joe Biden a décidé d'aller à sa rescousse en dépêchant Nancy Pelosi, Présidente de la Chambre des Représentants, malgré les menaces de la Chine, faisant monter d'un cran les tensions entre Washington et Pékin. Bien que ce bras de fer de titans se passe très loin de nos frontières, le Maroc serait de nouveau amené à jouer l'équilibrisme diplomatique, pour sortir avec le minimum de dégâts, à l'image de son positionnement vis-àvis de la guerre en Ukraine. Car, si le partenariat avec les Etats-Unis, qui remonte au Traité de Paix et d'Amitié de 1787, est ancré dans les intérêts partagés dans plusieurs domaines, notamment militaire, au cours des soixante-deux dernières années, Pékin s'est également hissé au rang de partenaire stratégique pour le Royaume, qui fut le premier à s'engager à l'échelle régionale, en 2017, dans son initiative dite «One Belt, One Road» communément connue sous nos cieux par l'appellation exotique «Route de la soie». Une crise entre grandes puissances à gérer délicatement. Saâd JAFRI