Ce mardi 2 août, après avoir nourrit le suspense, la présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis a atterri à Taïwan. C'est la première visite d'une telle ampleur de la part d'un dirigeant américain depuis 25 ans. Une visite qui constitue un outrage aux yeux de la Chine, qui avait maintes fois prévenu qu'un tel déplacement représenterait un véritable affront. Pékin a donc, logiquement réagi à l'arrivée à l'aéroport de Taïpei de Nancy Pelosi. Et cela de plusieurs manières. Pékin qui considère Taïwan comme faisant partie de son territoire et s'oppose à toute initiative donnant aux autorités taïwanaises une légitimité internationale, a donc convoqué l'ambassadeur des Etats-Unis en Chine, Nicholas Burns, pour s'expliquer. La Chine a aussi annoncé mercredi suspendre l'importation de certains fruits et poissons de Taïwan, ainsi que l'exportation de sable vers l'île. La Chine a dénoncé mardi l'attitude « extrêmement dangereuse » des Etats-Unis, peu après l'arrivée de la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi à Taïwan, territoire que Pékin considère comme l'une de ses provinces.
« Les Etats-Unis (...) tentent d'utiliser Taïwan pour contenir la Chine », a estimé le ministère chinois des Affaires étrangères dans un communiqué, ajoutant que Washington « ne cesse de déformer, d'obscurcir et de vider de tout sens le principe d'une seule Chine, d'intensifier ses échanges officiels avec Taïwan et d'encourager les activités séparatistes 'indépendantistes' de Taïwan. Ces actions, comme jouer avec le feu, sont extrêmement dangereuses ».
Mobilisation militaire Car la Chine ne s'est pas limitée à des mots pour réagir à la visite de Nancy Pelosi. Déjà alors que son avion approchait, la Chine avait envoyé plusieurs avions de chasse en direction du territoire taïwanais. En effet, la Chine a encore franchi une marche après les mots et le déploiement de forces armées, promettant une réponse militaire à l'affront américain. Pékin a ainsi annoncé dans la presse du régime qu'elle allait mener des « opérations militaires ciblées » en guise de rétribution à cette visite qui, selon elle, encourage les velléités d'indépendance taïwanaises. Une opération de l'armée qui vise à « défendre résolument la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale et à fermement contrecarrer les ingérences extérieures et les tentatives séparatistes d''indépendance de Taïwan' », a déclaré Wu Qian, un porte-parole du ministère chinois de la Défense. Plus tard dans la soirée, ont annoncé les autorités de Taïpei, une vingtaine d'avions militaires chinois sont entrés dans leur zone de défense aérienne. « 21 avions de l'armée chinoise (...) sont entrés dedans l'ADIZ (Zone d'identification de défense aérienne, plus large que l'espace aérien) du Sud-ouest de Taïwan le 2 août 2022 », a annoncé dans un communiqué sur Twitter le ministère taïwanais de la Défense.
Vers un bras de fer américano-chinois ?
Cela dit, les prémices d'un bras de fer et d'une démonstration de force de la part des deux superpuissances dans les heures à venir semblent pointer à l'horizon. Les Etats-Unis, eux, après avoir déjà fait décoller plusieurs chasseurs de leur base japonaise d'Okinawa (située à mi-chemin entre le principal archipel du Japon et Taïwan), ont envoyé plusieurs navires dans la région. Sur Twitter, la septième flotte américaine a notamment fait savoir que le porte-avions USS Ronald Reagan, qui croise dans la région depuis début juillet, se trouvait dans la mer des Philippines, au sud de Taïwan. Il est accompagné du destroyer USS Higgins, qui fait partie de son groupe aéroporté et qui dispose d'un important système de missiles, a précisé une responsable de l'US Navy ayant requis l'anonymat. Toutefois, dans une tentative de faire baisser la tension, la Maison Blanche, Joe Biden en particulier, ne soutient pas le voyage de Nancy Pelosi. Ce qui n'empêche pas le président US de reconnaître le droit indépendant de la femme politique américaine la plus haut placée à visiter Taïwan depuis 25 ans.
Le Japon s'est dit « préoccupé » des « actions militaires ciblées » promises par Pékin, en réaction à la visite à Taïwan de la présidente américaine de la Chambre des Représentants, Nancy Pelosi, dont certaines auront lieu à l'intérieur de la zone économique exclusive (ZEE) japonaise. « La zone maritime annoncée par la Chine pour les exercices militaires qui seront menés à partir du 4 août à midi inclut la ZEE du Japon », a déclaré le porte-parole du gouvernement nippon, Hirokazu Matsuno. Tokyo « a exprimé sa préoccupation auprès de la Chine, compte tenu de la nature des activités militaires », qui incluent « le tir de munitions réelles », a-t-il ajouté. « La paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan sont importantes non seulement pour la sécurité de notre pays, mais aussi pour la stabilité internationale », a jugé le représentant japonais. De son côté, la Russie -qui est ostracisée par le monde occidental depuis le début de l'invasion de l'Ukraine- a profité de la situation pour monter au créneau, réaffirmant son soutien à son allié tout en fustigeant l'attitude des Américains. Le ministère russe des Affaires étrangères a ainsi qualifié la visite de Nancy Pelosi de « provocation évidente ». Et d'ajouter que cela justifiait la réponse de Pékin, qui a , aux yeux de Moscou « le droit de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa souveraineté et son intégrité territoriale ».