Fortement éprouvés par deux années de crise sanitaire, les opérateurs touristiques du Royaume croisent les doigts à l'approche de l'avant-saison estivale. Alors que s'égrène le compte à rebours des derniers jours du Ramadan, s'approche en même temps le début de l'avant-saison estivale 2022 qui commencera dès le mois de mai prochain. Cette échéance est d'autant plus importante qu'elle correspond à la fin de deux années de pandémie qui ont fortement éprouvé la résilience des opérateurs touristiques au niveau national et international. « Avec le recul, les dégâts de la pandémie sur le secteur s'avèrent colossaux. Durant ces deux années, les professionnels ont tenté de résister autant qu'ils ont pu, mais beaucoup n'ont pas pu traverser la crise. Des centaines d'entreprises ont dû définitivement fermer alors qu'un grand nombre de profils qualifiés se sont reconvertis à d'autres métiers. Ce sont des pertes sèches pour le tourisme marocain », explique Jamal Rezrazi, professionnel du secteur depuis les années 80. « La saison estivale 2022 cristallise actuellement beaucoup d'attentes de la part des professionnels qui ont pu maintenir leurs activités en dépit des préjudices qu'ils ont accumulés durant ces deux dernières années », poursuit M. Rezrazi. Plan d'urgence en cours « Suite aux levées des restrictions sanitaires et le redémarrage de l'activité touristique à l'international, associé à un travail étudié de promotion mené par l'ONMT, les signaux de reprise sont très positifs et nous tablons sur un retour aux flux d'arrivées réalisés en 2019. En effet, nous avons relevé une nette amélioration des taux d'occupation dans les Etablissements d'hébergement touristique (EHT), une amélioration qui s'accroît de jour en jour avec des perspectives prometteuses », nous confie pour sa part une source au ministère du Tourisme. L'autre aspect positif qui consolide les espoirs des professionnels est le plan d'urgence de 2 milliards de dirhams dédié au soutien de la relance du secteur. « Concernant l'appui de l'Etat d'un montant global de 1 milliard réservé à la mise à niveau des établissements d'hébergement touristique classés (EHTC), l'appel à manifestation d'intérêt a été lancé le 21 février, et les soumissions des dossiers ont été clôturées le 15 avril. Nous sommes actuellement en train de traiter les 495 demandes reçues », détaille notre source. Des indicateurs au vert « De même, nous avons accéléré les procédures de prise en charge par l'Etat de la taxe professionnelle des EHT ou celles des entreprises touristiques désirant bénéficier d'un moratoire au titre des crédits bancaires », précise notre interlocuteur. « Dès l'annonce par le gouvernement marocain de la réouverture de l'espace aérien du Maroc, les équipes de l'ONMT ont entamé une tournée dans les marchés stratégiques de la destination Maroc, pour rencontrer les tour-opérateurs internationaux (TUI, FTI Touristik, Global Karavan...) et les principaux partenaires aériens du Maroc, et acter avec eux une reprise imminente de leurs activités dans le Royaume », poursuit la même source. Un travail manifestement concluant puisque plusieurs compagnies leaders dans ce domaine ont annoncé des augmentations record dès l'été 2022, « à l'image de Ryanair qui dépassera de 50% la capacité de la même période en 2019, ou encore Transavia et Easyjet qui annoncent également des augmentations significatives respectivement de l'ordre de 40% et 11% pour la même période (2022) ». Promotion touristique 35 conventions ont été ainsi conclues avec 15 partenaires (tours-opérateurs internationaux et compagnies aériennes). « En parallèle, l'ONMT s'est mobilisé sur un autre axe stratégique de la reprise qui est la promotion de l'image de la destination Maroc en déployant deux campagnes de communication simultanées pour le tourisme national et international », rappelle notre source au ministère du Tourisme. « De son côté, la SMIT (Société Marocaine d'Ingénierie Touristique) s'est vue confier la gestion de deux programmes importants d'appui à l'investissement, à savoir le plan d'urgence pour le soutien du secteur du tourisme et le programme FORSA. Pour accompagner la mise en oeuvre de ces programmes ambitieux, la SMIT a désormais un nouveau modèle d'intervention qui vise l'amélioration de l'efficience de son action à travers notamment la dématérialisation de ses processus métiers, mais aussi l'élargissement de son périmètre d'intervention pour accompagner la promotion de la création de TPME touristiques, ainsi que la gestion des incitations en faveur de la dynamisation de l'investissement touristique », conclut notre interlocuteur. Oussama ABAOUSS Repères « Maroc, pays des lumières » Lancée il y a quelques jours au niveau de 19 marchés internationaux, la campagne et nouvelle marque internationale « Maroc, pays des lumières » vise à hisser le Maroc au rang des destinations touristiques mondiales les plus attractives, et à valoriser son image, notamment auprès des nouvelles générations de voyageurs. Cette campagne comprend trois volets principaux, à savoir la nouvelle identité visuelle de la marque marocaine, un court-métrage sur l'image de la destination, et plusieurs publicités.
Le pari de la destination Maroc L'attractivité de la destination Maroc auprès des touristes étrangers est un facteur déterminant pour la bonne santé du secteur touristique national. Avec la reprise de l'activité, le Royaume regagnera une clientèle internationale « habituelle », mais pourra également compter sur une augmentation des arrivées de certains pays. C'est le cas notamment de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne dont les tour-opérateurs ont choisi de privilégier la destination « Marrakech » dans leur offre de produits touristiques. L'info...Graphie Conjoncture 2022, année prometteuse pour l'activité du secteur touristique
Dans sa dernière note de conjoncture (mars 2022), la Direction des Etudes et des Prévisions Financières (DEPF) estime que le secteur du tourisme a clôturé l'année 2021 sur une évolution positive de ses principaux indicateurs malgré la fermeture des frontières en décembre de la même année. « Le flux des arrivées à la destination marocaine s'est accru de 34% à fin 2021, pour un total de plus de 3,7 millions de touristes. (...) Par ailleurs, malgré la forte baisse enregistrée par les recettes touristiques en janvier 2022 (-58,6%), en raison de la fermeture des frontières nationales le long de ce mois, l'évolution de l'activité du secteur s'annonce plus favorable pour l'année 2022, et ce, depuis la réouverture des frontières nationales en date du 7 février. En effet, le nombre de passagers accueillis dans les aéroports nationaux du 7 au 28 février est de l'ordre de 660.045 passagers dont 50% sont des voyageurs internationaux. Le trafic international des voyageurs par voie aérienne a récupéré 72% de son niveau durant la même période de 2019 », précise la DEPF.
Promotion Des offres dédiées pour encourager les MRE et les touristes locaux
La relance du secteur touristique durant la saison estivale 2022 passe également par la mise en place d'offres attractives destinées aux Marocains résidents à l'étranger et aux touristes locaux. « Au vu de l'importance que revêt ce marché, une étude a été menée en collaboration avec l'ONMT afin d'identifier les exigences du client marocain concernant le produit touristique national. Suite à cette étude et dans le cadre de nos programmes visant à assurer une adéquation entre l'offre et la demande, le ministère encourage les investissements dans les produits touristiques les plus demandés par les touristes marocains, ainsi que la création de stations touristiques avec des offres tarifaires adaptées au pouvoir d'achat des touristes nationaux », explique notre source au ministère du Tourisme. « Je tiens également à rappeler que l'ONMT a mené une large campagne de promotion intitulée « Netla9awfebladna », dédiée à la promotion du tourisme interne auprès des Marocains, qu'ils soient locaux ou résidents à l'étranger », explique notre interlocuteur. « Aussi, le ministère du Tourisme collabore avec le ministère de l'Economie et des Finances pour le lancement des chèques-vacances en tant que mécanisme offert par l'employeur en vue d'encourager le tourisme interne, sachant que le référentiel juridique est déjà opérationnel. Toutes ces mesures, associées au travail fait en concertation avec la Confédération Nationale du Tourisme (CNT) pour la relance du secteur, optent pour une forte implication des opérateurs afin de développer des offres spéciales », précise notre source.
3 questions à Jamal Rezrazi, professionnel de l'hôtellerie « La grande majorité des professionnels est actuellement très optimiste »
Avec son recul de quarante ans de métier, Jamal Rezrazi, professionnel du secteur touristique dans la région d'Agadir, nous livre sa perspective sur l'avant-saison estivale 2022. - Quel est l'état d'esprit qui prédomine en ce moment auprès des opérateurs touristiques dans le contexte actuel ? - Après près de deux années qui ont enregistré un impact substantiel sur le secteur et les opérateurs, je peux dire que la grande majorité des professionnels est actuellement très optimiste. La reprise des vols commerciaux en février dernier a permis de relancer graduellement le secteur. L'allégement des restrictions sanitaires et les efforts consentis par le gouvernement sont également autant de facteurs positifs qui permettent aux opérateurs de reprendre leurs activités en espérant que cette saison sera une occasion de rattraper le temps perdu. - Quels sont les facteurs qui peuvent éventuellement freiner la reprise du secteur ? - Je pense que malgré l'allégement des mesures sanitaires, il reste encore certaines dispositions qui peuvent agir comme des freins pour une activité optimale. C'est le cas par exemple de la nécessité pour les touristes étrangers qui ont déjà des pass sanitaires de faire des tests Covid avant d'entrer dans le territoire. Plusieurs pays ont levé cette exigence et permettent aux voyageurs d'entrer dans leurs territoires du moment qu'ils sont vaccinés. D'autre part, il serait également judicieux de prendre en considération l'environnement urbanistique à l'approche de l'été. À Agadir par exemple, il y a actuellement beaucoup de chantiers qui peuvent constituer une nuisance pour le confort des touristes. Ce serait idéal si ces chantiers pouvaient se terminer rapidement comme il serait bien avenu que des solutions soient trouvées pour les unités touristiques fermées ou dont la construction est à l'arrêt et qui font tache dans le paysage ou sont source de nuisances pour les riverains. - Que pensez-vous des mesures entreprises par le ministère du Tourisme pour appuyer la relance du secteur ? - Il y a certainement eu un progrès notable depuis quelques mois eu égard à la diversité et à l'importance des mesures mises en place dans ce sens. Cependant, les unités d'hébergement touristique de petite et moyenne taille ont du mal à soumissionner pour bénéficier de l'aide de l'Etat, car les exigences administratives sont trop contraignantes pour elles. Ces entreprises sont pourtant celles qui ont été le plus touchées par la crise. Je pense qu'il serait pertinent de prendre en considération leurs capacités et spécificités en assouplissant les conditions imposées pour bénéficier des aides. Recueillis par O. A.