Au lendemain de l'invasion de l'Ukraine par les troupes de Russie, une grande unanimité internationale s'est faite autour de la nécessité urgente de riposter par des sanctions financières et économiques. Durant toute l'histoire politique de ces 70 dernières années, aucune agression d'un pays contre un pays tiers n'a soulevé autant d'oppositions et de réactions hostiles contre l'agresseur. Les attaques contre l'Irak en 2003, et celles contre la Libye, en 2011, pour ne citer que celles-la, se sont faites au mépris de la Charte des Nations- Unies, des lois et du droit international. Spontanément, et dans un même élan, les Occidentaux ont convenu d'abord de trois types de mesures: financières, économiques, et commerciales. 1- Sur le plan financier, il s'agit de : - Geler tous les avoirs de Poutine, ceux de son ministre des Affaires étrangère, Sergueï Lavrov, ceux des proches de Poutine, ainsi que ceux de toute l'oligarchie russe à l'étranger ; - Geler tous les avoirs de la Banque centrale russe auprès des banques américaines et européennes ; - Enfin d'exclure les banques russes du système international de paiements, le fameux « SWIFT». Rappelons brièvement que le système « SWIFT », fondé en 1973, est l'un des plus importants réseaux de messagerie bancaire et financier mondiaux. S.W.F.T. est l'acronyme anglais de «Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication ». Cette création, faite à Bruxelles, est une des pierres fondatrices de la financiarisation de l'économie, désormais décorrélée de la référence au précieux métal-l'or. La société assure plusieurs tâches, tels le transit des ordres de paiement entre banques, les ordres de transferts de fonds de la clientèle des banques, les ordres d'achat et de vente de valeurs mobilières... etc. Le tout grâce à une messagerie standardisée, permettant une communication rapide, confidentielle et peu coûteuse entre établissements financiers. Cette décision, malgré son impact psychologique très fort, est extrêmement difficile à mettre en place aussi rapidement que le souhaitaient les politiques, et surtout loin de faire l'unanimité des utilisateurs de ce système de paiements, soit environ 11.000 établissements répartis dans 200 pays. Les pays déclarés opposés à cette decision sont notoirement dépendants au gaz russe : l'Italie, la Hongrie, Chypre, mais surtout l'Allemagne, dont les importations en gaz proviennent à 55% de la Russie, un chiffre en hausse de 15 points depuis 2012, selon le dernier rapport «Statistic Review of World Energy». Selon le site de l'association nationale russe Rosswift, la Russie serait le deuxième pays, après les Etats-Unis, en nombre d'utilisateurs avec quelque 300 banques et institutions russes membres du système. Plus de la moitié des organismes de crédit russes sont représentés dans Swift. De plus, et selon l'avis de plusieurs spécialistes, la portée de l'exclusion de la Russie du système SWIFT serait limitée en raison de ses réserves de changes. La Russie qui avait anticipé l'hypothèse d'un durcissement des sanctions, a eu de la part de la Banque centrale russe, et afin de rendre l'économie russe moins dépendante à l'égard du Dollar américain, a eu de part de la Banque centrale russe un vrai processus de diversification avec la devise chinoise -le yuan- et surtout l'or. D'autre part, selon d'autres experts, sortir un pays aussi important que la Russie d'un système financier international, pourrait accélérer le développement d'un système concurrent, avec la Chine et l'Inde par exemple, auxquels se joindraient d'autres pays à la Russie ou la Chine. Toutes ces mesures et bien d'autres, si elles ont un impact psychologique certain, en particulier sur la population russe, pour l'inciter à se soulever contre Poutine, les effets sur les économies occidentales sont bien réelles celles-ci. Toutes les places financières ont connu des baisses importantes: à Paris, le CAC40 a perdu 1,39% de sa valeur, à Frankfurt l'indice boursier a chuté de 0,74. Toutes les valeurs bancaires ont été sérieusement impactées par la crise russo-ukrainienne, en particulier celles portant sur les valeurs techniques ou bancaires. La baisse la plus importante a été enregistrée sur l'action de la Société Générale (-9,92), la BNP (-7,47). Les actions des industries automobiles également ont connu des chutes importantes, en particulier celles de RENAULT, fortement représentée en Russie. Les Occidentaux n'ont certainement pas envisagé tous les effets collatéraux, tant sur leurs propres économies, que sur leurs populations, en termes de pouvoir d'achat et de liberté de manoeuvre. Quant aux Russes, toutes ces grandes décisions ainsi que leur durcissement ne changeront rien à leur situation -déjà misérable. Je crains que toute cette panoplie de rétorsions contre Poutine n'affecte plus le pouvoir d'achat du peuple russe, que Poutine et son entourage. La Rouble continue sa chute vertigineuse, ayant perdu à ce jour plus de 30% de sa valeur, faute d'un soutien rapide et massif par la banque centrale russe (cf annexes). Poutine semble accorder peu de crédit à toutes ces mesures de rétorsion décidées par le monde occidental (exclusion de la Russie de toutes les manifestations sportives internationales, l'exclusion de tous les réseaux sociaux, tels « YouTube », « WhatsApp », etc...). Après ce premier succès sur le plan militaire par la destruction de près de 90% du potentiel militaire de l'Ukraine, Poutine semble aujourd'hui plus que jamais déterminé à aller jusqu'au bout de son objectif: forcer l'Ukraine et ses alliés à s'assoir avec lui à une table de négociations, et surtout obtenir la « démilitarisation » de l'Ukraine, ce voisin véritablement encombrant qui menace sa sécurité. Dr Mohammed LANSARI Consultant international Annexes: Variations historiques du Rouble par rapport à l'Euro et le Dollar 1-Variation de la rouble par rapport à l'Euro sur 5 jours : 26.98%. (Passant de 92,018 roubles le 23/02 à116.718 le 01/03) 2-Variation de la Rouble par rapport au Dollar, sur 5 jours : 38,96% (Passant de 81,064 rouble le 23/02 à 112,646 roubles le 02/03)