Une étude ne fait pas le printemps, même culturelle, mais c'est un début peut-on dire... Au Parlement et au gouvernement comme à la CGEM, la mesure semble prise que seule l'action pourrait faire avancer les industries culturelles et créatives. La Fédération des Industries culturelles et créatives (FICC) vient de présenter une étude intitulée «Quelles transformations pour les ICC au Maroc : focus sur 4 filières, l'édition, le spectacle vivant, l'audiovisuel et la musique», menée en partenariat avec Wallonie Bruxelles International, un acteur du soft power du royaume de Belgique et de sa diplomatie culturelle. Sous cet angle, le président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Chakib Alj a ainsi déclaré que « la culture est devenue un enjeu stratégique à l'échelle du pays et du continent et a prouvé, à l'échelle mondiale, qu'elle est créatrice de richesse et d'emploi et qu'elle constitue un élément essentiel du soft power des nations ». La présidente de la Fédération des Industries culturelles et créatives (FICC), Neila Tazi est tout autant sinon encore plus explicite sur ce lien qui existe entre culture et diplomatie : «La culture profite à un ensemble de secteurs du point de vue de la dynamique culturelle, notamment le tourisme, la jeunesse, les collectivités territoriales, le développement des villes et la diplomatie». Le délégué général de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Motonobu Kasajima, mettra également l'accent sur cet aspect quand il affirme que «La naissance de la FICC a constitué une opportunité pour nous pour renforcer encore cette coopération active avec des acteurs de terrain», pour ajouter, en substance, que le partenariat avec la FICC constitue un moyen de renforcer le soutien à la professionnalisation du secteur des Industries culturelles et créatives. Comment s'est faite la jonction entre la Fédération des Industries culturelles et créatives et Wallonie-Bruxelles International ? Driss Ksikes, un des rédacteurs de l'étude, apporte son témoignage dans un entretien avec Médias 24 : « Etant avant tout des chercheurs mais également des acteurs culturels, nous trois ne voulions pas d'une étude d'experts qui resterait à usage unique ou restreint. D'où l'engagement de Wallonie-Bruxelles International (WBI), l'agence chargée des relations internationales Wallonie-Bruxelles, pour ce travail plus large qui avait vocation à être rendu public au Maroc, et donc mis à disposition de toutes les parties prenantes. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons sollicité ensemble, dans un deuxième temps, la Fédération des industries culturelles et créatives comme partenaire ». Sur un plan pratique et structurel, la présidente de la Fédération des Industries culturelles et créatives (FICC), Neila Tazi, est allée à l'essentiel : «Il est impératif d'engager des réformes d'une manière extrêmement rapide, notamment sur le plan législatif, à travers l'adoption de décrets suite au vote de la loi sur le crowdfunding, l'adoption de la loi sur les droits d'auteurs et la réforme du Bureau Marocain des Droits d'Auteurs (BMDA) qui représente un élément structurant du marché et de l'avenir des ICC». Dans ce cadre, Neila Tazi estime nécessaire de « doter » le secteur des industries culturelles « d'une vision » et de financements en rapport avec cette vision, rappelant que « le budget de la culture au Maroc n'a pas encore atteint le 1% du budget recommandé par l'Unesco », insistant sur le fait que « ce secteur a besoin de signaux, d'actes forts et d'actions concrètes dans les années à venir ». Le terme est lâché : plus que d'intentions (l'enfer n'est-il pas pavé de bonnes intentions ?), il s'agit d'entrer dans le vif du sujet par des actions concrètes aussi bien en aval qu'en amont, sur les plans industriel, commercial et de diplomatie culturelle. Les modèles d'actions concrètes qui donnent des résultats mesurables et probants existent au Maroc même. Le Plan Maroc Vert en Agriculture, Emergence en industrie... sont des phares qui peuvent guider favorablement le navigateur de l'océan culturel. Qui dit industrie dit entreprise de transformation qui n'a de raison d'exister que par sa capacité à être rentable pour elle-même et pour l'économie du pays. S'appuyer sur les subventions et les fonds publics, sans reddition des comptes, est un modèle qui a atteint depuis longtemps ses limites : il tue l'initiative pour trouver des solutions pérennes à la crise entrepreneuriale qui sévit dans les industries culturelles, annihile l'esprit de créativité et favorise la montée en puissance d'actions marginales qui parasitent l'action culturelle dans son ensemble, car fonctionnant selon un fantasme qui veut que, comme le dit si bien Jacques Lacan, « le haut vaut le bas, l'envers vaut l'endroit », alors que dans la réalité « Tout ne se vaut pas ! ». Abdallah BENSMAIN