Le projet de loi relatif à la protection sociale a été adopté par les Conseillers en Commission des Finances, avant d'être soumis au vote en séance plénière. Une réforme qui devrait déboucher sur un régime social universel, radicalement différent de celui d'aujourd'hui. Détails. « Révolution sociale », « progrès social », « prémices de l'Etat social au Maroc », c'est ainsi que plusieurs observateurs et hommes politiques qualifient le projet de généralisation de la couverture sociale sur l'ensemble des Marocains. Ce chantier gigantesque, initié par SM le Roi lors du discours de l'ouverture de la session parlementaire d'automne, avance dans le circuit législatif. Suite à son adoption au Conseil des ministres le 11 février, le projet de loi-cadre 09.21, relatif à la protection sociale, a été validé par la commission des Finances à la Chambre des Représentants, lors d'une réunion, tenue lundi, en présence du ministre de l'Economie et des Finances Mohammed Benchaâboun. Le vote a été précédé par une discussion et une présentation de l'argentier du Royaume. Un texte dont le gouvernement a fait une priorité et dont il veut accélérer l'adoption vu son importance pour l'avenir du pays et de ses citoyens, avant la fin de la session parlementaire. Des sources proches du dossier nous ont confié que le texte de loi sera voté par les Conseillers lors d'une séance plénière, si ce n'est ce mercredi, au cours de cette semaine, avant d'être transféré à la Chambre des Représentants. Vers un régime social universel Né d'une ambition royale, le projet de généralisation de la couverture sociale vise à doter l'ensemble des citoyens d'une protection contre les risques sociaux (maladie, vieillesse, chômage, dangers liés à l'enfance, etc.). Quatre principes président à cette réforme, tels la solidarité, la non-discrimination à l'accès aux services sociaux et la participation de tous les acteurs étatiques concernés dans les politiques sociales. Ce projet devrait être opérationnel au bout de cinq ans, de manière progressive. D'abord, il sera procédé à l'élargissement des bénéficiaires de l'assurance maladie obligatoire, entre 2021 et 2022, pour atteindre 22 millions de bénéficiaires supplémentaires, à savoir des agriculteurs, des artisans, et des travailleurs non-salariés. Ensuite, la période 2023-2024 sera consacrée à la généralisation des allocations familiales au profit de 7 millions d'enfants en âge de scolarité. En vertu de cette réforme, toutes les catégories professionnelles vulnérables, même celles non déclarées, ou travaillant dans l'informel, auront droit à une retraite d'ici 2025, sachant qu'une assurance-chômage sera mise en place en faveur des personnes ayant un emploi stable. Un coût de 51 milliards Estimé à 51 milliards de dirhams, dont 14 milliards pour la généralisation de l'AMO, ce chantier royal sera financé en partie par le budget de l'Etat au titre des prochaines lois des Finances, en plus des fonds qui proviendront de la Caisse de compensation, comme l'indique l'article 13 du projet de loi. Outre cela, le gouvernement a eu recours à des financements extérieurs pour soutenir ce projet, dont un prêt de 400 millions de dollars accordé par la Banque Mondiale. Le directeur de la région Maghreb Jeshko Hentschel nous avait indiqué dans une précédente interview que cet appui est destiné à la mise en place du registre social unifié, qui servira comme plateforme d'identification des nouveaux bénéficiaires du nouveau régime social. En outre, l'instance de Bretton Wood compte assister techniquement le gouvernement pour réussir ce dispositif. Une refonte du système social s'impose Cette généralisation de la couverture sociale devrait déboucher sur un régime social universel et unifié, qui inclura tous les programmes sociaux mis en place par les précédents gouvernements, tels que le programme « Tayssir », la Caisse de Cohésion sociale et le programme « RAMED ». Le nouveau système reposera sur les cotisations des personnes ayant déjà un emploi et déclarées dans les régimes actuels (CNSS et CNOPS). Il est question ici des cotisations salariales et patronales. Quant aux artisans, commerçants, et autres travailleurs non-salariés, soumis au régime forfaitaire, ils vont pouvoir cotiser tout simplement à travers la contribution professionnelle unique (CPU) que le gouvernement a mise en place dans le PLF 2021. Il s'agit d'une contribution qui regroupe des taxes (IR et taxes communales), en plus d'un droit complémentaire de prestation sociale. Concernant les personnes vulnérables qui ne peuvent pas cotiser à l'image des ramedistes, c'est l'Etat qui va les prendre en charge complètement. Selon le ministre de l'Economie et des Finances, le financement de cette réforme s'appuie sur deux dispositifs. Le premier consiste en un système d'affiliation (28 MMDH), qui concerne les personnes ayant la capacité de participer au financement de la couverture sociale, tandis que le deuxième dispositif (23 MMDH) est basé sur la solidarité et concerne les personnes n'ayant pas la capacité de participer au financement. Les procédures de cotisation seront simplifiées pour les travailleurs indépendants et les non-salariées. CNSS et CNOPS, vers une fusion ? La réforme sociale proposée par le gouvernement prévoit également une réforme de la gouvernance des organismes gestionnaires, à savoir la CNSS et la CNOPS. Bien que le projet de loi se contente pour l'heure d'annoncer une convergence des différents régimes existants, le sort des deux établissements reste inconnu. Des sources parlementaires, bien informées, nous ont certifié que l'hypothèse d'une fusion de la CNSS et la CNOPS en un pôle unique reste le scénario privilégié. Or, rien n'est encore entrepris, à en croire des sources au sein de la CNSS, qui nous ont indiqué qu'aucune démarche n'a été entamée jusqu'à présent. Ceci dépend de la version finale du projet de loi qui sera voté par les députés. Ce qui est sûr, c'est que le dernier mot reste au ministère de l'Economie et des Finances, auquel il incombe de décider cela dans le cadre de décrets d'application. Anass MACHLOUKH Trois questions à Rahhal Mekkaoui « Le projet de généralisation de la couverture sociale est une révolution » Rahhal Mekkaoui, Conseiller istiqlalien et président de la Commission des Finances et du développement économique à la deuxième Chambre, a répondu à nos questions sur le projet de loi relatif à la protection sociale, voté par ladite Commission. - Le projet de loi tant attendu a été discuté et voté au sein de la commission que vous présidez, quelle est votre lecture du texte proposé par l'Exécutif ? - En fait, je tiens à préciser que le projet de loi voté en commission est une concrétisation des hautes instructions royales, contenues dans les discours du trône et de l'ouverture de la session parlementaire. Il s'agit d'une véritable révolution sociale qui aura lieu dans notre pays, dont les discours royaux ont tracé les grandes lignes. Pour notre part, on ne peut que saluer les retombées positives d'un tel chantier. - La réforme stipule une refonte du régime social avec la mise en place d'une instance commune chargée de gérer le nouveau système, ceci veut-il dire la fusion des organismes gestionnaire actuels ? - Le projet de loi 09.21 n'énonce que les grandes lignes de la réforme, et en fixe les principaux objectifs, or, les modalités de sa mise en œuvre sur le plan technique, dont celles auxquelles vous faites allusion, feront l'objet de décrets d'application. Il s'agit de modifier plusieurs lois organiques relatives au système de sécurité sociale actuel dans son ensemble. Ceci reste du ressort du gouvernement. - Après le vote favorable de la commission, quand y aura-t-il le vote définitif ? - En principe, après la discussion de la loi et son vote au niveau de la Commission, une séance plénière est programmée, mercredi, où l'ensemble des Conseillers s'y prononceront, pour qu'elle soit ensuite transférée à la Chambre des Représentants. Recueillis par A. M Encadré Registre social unique, mode d'emploi
Avec plus de 120 programmes de soutien et de protection sociale, allant de la subvention de produits de première nécessité aux mécanismes de protection ciblés pour les catégories les plus défavorisées, le Royaume dispose théoriquement d'une foison de mécanismes de soutien social. Il n'empêche que, sur le terrain, il est presque impossible pour l'Etat d'avoir une vision générale et claire des bénéficiaires de ces prestations. Une situation qui a poussé l'Exécutif à lancer ce projet de registre universel qui, selon le calendrier du gouvernement, devrait être opérationnel en 2024. Un dispositif qui s'articule autour de 3 piliers : le registre social unique, le registre national de la population et l'agence nationale des registres. Pour le registre de la population, il reposera en grande partie sur l'utilisation des données biométriques et identitaires via la mise en place d'un Identifiant digital civil et social (IDCS). Le Registre social unique ou RSU centralisera, pour sa part, les informations socio-économiques des ménages éligibles aux programmes sociaux. Un outil qui devrait permettre d'éviter les doublons, d'éliminer les doublons ou encore les identités fantômes qui polluent les mécanismes existants d'aides sociales. L'inscription au RSU pourra se faire de manière volontaire, sans pour autant que l'inscription se traduise par une éligibilité automatique aux prestations des programmes sociaux. Les ménages souhaitant intégrer le listing du RSU devront renseigner des données d'identification du ménage (lieu de résidence, IDCS des membres de la famille) ou encore des informations sur les capacités socio-économiques du ménage et son pouvoir d'achat.