Gradins désertés, tribunes abandonnées, rien que l'écho des frappes des joueurs et des mots hurlés par les entraîneurs qui font encore du vacarme dans les stades. Gradins désertés, tribunes abandonnées, rien que l'écho des frappes des joueurs et des mots hurlés par les entraîneurs qui font encore du vacarme dans les stades. Voici à quoi ressemblent les matchs de foot à l'ère du coronavirus, où l'irremplaçable joueur numéro 12 n'est plus là. La reprise à huis clos Covid-19 et mesures de restriction sanitaire l'obligent, les matchs de football ont repris, mais à huis clos. Fini les «allez jouez !», «toujours on va gagner». Même ces tifos créatifs, conceptualisés pour dessiner de beaux tableaux autour des gradins, ne peuvent plus impressionner les spectateurs et motiver les joueurs, au temps du coronavirus. Les rencontres footballistiques pré-corona se déroulaient dans une ambiance assez conviviale, aussi bien dans les gradins que sur la pelouse, notamment avec le brouhaha du public, les banderoles des ultras ainsi que leurs tifos reflétant leur grande capacité de créativité et leur attachement à leur équipe préférée. Les joueurs sont loin d'être les seuls acteurs du ballon rond touchés et contrariés par la propagation du Covid-19. L'absence des supporters a pesé lourd également sur les membres des ultras qui ne peuvent plus encourager leurs équipes comme avant et vivre leur passion à fond. Très dur à accepter ! Pour un membre des ultras Winners, le groupe de supporters affilié au Wydad de Casablanca, ne plus pouvoir accéder aux stades fut très dur à accepter pour tous les amis qui sont branchés au mouvement Ultras, vu que le stade était le lien «avec notre équipe de cœur» et un espace pour renouer avec notre passion et évacuer l'énergie négative. S'agissant des initiatives lancées par certaines ultras durant la période de l'état d'urgence sanitaire, il a affirmé, dans une déclaration à la MAP, que les ultras du Wydad ont lancé une campagne afin de venir en aide aux personnes âgées ou malades dans les quartiers de Casablanca, en leur livrant de l'alimentation ou des médicaments, faisant part également de l'initiative de collecte de dons qui a connu un franc succès à l'échelle nationale. Il a, en outre, estimé qu'il faut continuer à inciter les joueurs à se donner à fond même en dépit de cette conjoncture exceptionnelle, notamment à travers des vidéos d'encouragement, des communiqués ainsi que des messages de soutien. Une période difficile Pour sa part, le journaliste et sociologue Abderrahim Bourkia a fait savoir qu'en ces temps de crise sanitaire, les ultras et les supporters les plus fervents sont malheureux et incapables de vivre à fond leur passion et vivent une période difficile. «En manque et en détresse de ne pouvoir s'adonner aux chants derrière leurs gardiens de but, les ultras restent mobilisés derrière leur club par des actions concrètes», a-t-il noté, ajoutant que celles-ci sont soit formulées directement dans des banderoles déployées devant les locaux du club ou des «tags» dans les quartiers populaires des farouches défenseurs. Evoquant l'esprit solidaire dont les ultras ont fait preuve durant cette crise sanitaire, le sociologue a relevé que les ultras ne sont pas déconnectés de ce qui se passe autour d'eux, puisqu'ils font partie de la société, soulignant que leur élan de solidarité s'est traduit par des actions concrètes, montrant l'autre visage des supporters qui ne se réduit pas à «des machines hurlantes» ou des groupes qui s'adonnent à des actes de violence. S'agissant des nouveaux modes adoptés par les ultras pour soutenir leurs équipes à distance, M.Bourkia a indiqué que l'activisme ultra s'est déjà bien adapté à la situation et la mobilisation est toujours de mise dans les discussions individuelles entre familles et amis et collectivement visibles sur les réseaux sociaux, à travers des communiqués, des écrits et des vidéo-conférences avec joueurs et dirigeants. «On trouve même des pétitions et des manifestations de prise de positions à l'égard des décisions de clubs, des «hashtag» pour faire valoir un droit ou exprimer un mécontentement ou une opinion», a-t-il conclu. Une nouvelle méthode a été envisagée afin de pallier le vide et motiver les joueurs, en créant artificiellement une atmosphère des stades pleins, à travers la diffusion durant le match des chants des supporters et des bruits d'ambiance, ingrédients indispensables pour un grand spectacle. (MAP) 3 questions à Abderrahim Bourkia, sociologue Absence des ultras Le journaliste, sociologue et responsable de la filière «Sciences Politiques et Gouvernance» à Mundiapolis, Abderrahim Bourkia, répond aux questions de la MAP sur les effets de l'absence des ultras des stades, dans le cadre des mesures de restriction imposées pour limiter la propagation du coronavirus, ainsi que sur les nouveaux modes pour encourager leurs équipes à distance. - Quelles sont les nouvelles créations des ultras pour supporter leurs équipes à distance ? - En ces temps de crise sanitaire, les ultras et les supporters les plus fervents sont malheureux et incapables de vivre à fond leur passion et endurent une situation inédite et difficile. Certes, les supporters ne vont plus au stade, en manque et en détresse de ne pouvoir s'adonner aux chants derrière leurs gardiens de but, mais ils restent mobilisés derrière leur club par des actions concrètes, soit formulées directement dans des banderoles déployées devant les locaux du club ou des «tags» dans les quartiers populaires des farouches défenseurs, ou une présence dans les réseaux sociaux. Ces espaces sont très prisés par les supporters et les ultras pour suivre les actualités des clubs et surtout faire des commentaires des résultats, des recrutements... Dans le cadre de l'usage des sites et réseaux sociaux, les supporters rentrent en interaction «à distance». D'abord, certains supporters font des montages en vidéo ou en image sur les rivaux, se moquant de leur déboire, et pour les montrer dans des positions insolites, les autres antagonistes ripostent et puis les discussions s'animent et n'en finissent pas. La guerre médiatique des supporters ne s'arrête pas et chaque jour un lot de vidéos et de photos est soumis aux commentaires des usagers de la toile. L'interaction entre les groupes et les supporters rivaux se prolongent. - Que pensez-vous du volet solidaire dévoilé par certains ultras à travers la collecte de dons et le lancement des campagnes de solidarité ? Les ultras ne sont pas déconnectés de ce qui se passe autour d'eux. Ils en font partie et sont produits de la société et bien évidement, en ces temps difficiles, l'élan de solidarité s'est traduit par des actions concrètes qui montrent l'autre visage des supporters, qui ne se réduit pas à «des machines hurlantes» ou des groupes qui s'adonnent à des actes de violence. En effet, les supporters au Maroc, entre autres, ont participé à la collecte des dons aux nécessiteux et ont distribué des denrées alimentaires aux plus démunis, et certains ont fait des banderoles et des «tags» pour soutenir les soignants et le personnel qui sont au premier front de la lutte contre la pandémie. - Comment le mouvement ultra s'est-il adapté à la nouvelle situation ? L'activisme ultra s'est déjà bien adapté à la situation. C'est vrai, qu'ils sont malheureux et en «manque» d'être au stade qui est désormais leur vraie place. Cependant, leur mobilisation est toujours de mise dans les discussions individuelles entre famille et amis, ainsi qu'elle est collectivement visible sur les réseaux sociaux, à travers des communiqués, des écrits et des vidéo-conférence avec joueurs et dirigeants. On trouve même des pétitions et des manifestations de prise de positions à l'égard des décisions de clubs de la fédération et des «hashtag», pour faire valoir un droit ou exprimer un mécontentement ou une opinion. Recueillis par B. R.