En raison de la pandémie du Covid-19, l'économie marocaine devrait se contracter de 5% en 2020, avant de rebondir à 3,5% de croissance en 2021. Dans le nouveau rapport de transition 2020-2021 « The State Strikes Back » (L'Etat contreattaque), la BERD (Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement) souligne qu'à cause de la crise du Coronavirus et des mesures prises face à cette pandémie, l'économie nationale n'échappera pas à la récession. Déjà au deuxième trimestre 2020, la croissance s'est contractée de 13,8%. De façon générale, la Banque indique que le confinement généralisé a eu des conséquences désastreuses sur des secteurs clés comme le commerce de détail, le tourisme, les restaurants et la construction. Sauf pour le secteur agricole, dont la contre-performance est plutôt due à la sécheresse. Autre conséquences fatales du confinement : aggravation du taux de chômage pour atteindre 12,3% au deuxième trimestre de 2020. A l'inverse, l'inflation annuelle est restée faible à 0,6% en moyenne au terme des neufs premiers mois de 2020 en raison d'une baisse des prix des aliments et des transports. Chute des recettes touristiques et des envois de fonds de MRE Par contre, le déficit budgétaire se creuse, reflétant les retombées de la crise du Coronavirus. Il devrait atteindre 7,8% du PIB en 2020, contre 4,1% en 2019. Les recettes non fiscales diminuent, conséquence de la perturbation de l'activité économique due au verrouillage dans des secteurs clés. Pendant ce temps, les plans de relance budgétaire augmentent les dépenses, bien que les mesures aient été financées par des dons. De plus, la dette publique devrait augmenter à 75% du PIB à la fin de 2020. Les autres effets économiques les plus négatifs du Covid-19 sont une chute drastique des recettes touristiques, des exportations et des transferts de fonds des Marocains Résidant à l'Etranger (MRE). Néanmoins, les réserves en devises ont augmenté pour atteindre 32,0 milliards de dollars en octobre 2020, couvrant plus de 10 mois d'importations. « S'appuyant sur ses importantes réserves, qui assurent la stabilité du taux de change, Bank Al-Maghrib (la banque centrale) a élargi la marge de fluctuation du dirham en mars 2020 de +/- 2,5% à +/- 5% et la réduction des taux d'intérêt de 75% au total points en mars et juin 2020 en réponse à la crise du Covid-19 », ajoute la même source. Réponse politique au Covid-19 Pour faire face à cette crise sanitaire, qui n'épargne aucun pays au monde, la BERD souligne que les autorités ont mis en œuvre une série de mesures de riposte. Un fonds spécial doté d'un milliard de dollars a été créé en mars 2020 pour prendre en charge des dépenses de mise à niveau du dispositif médical, et de soutien aux entreprises et aux ménages. Le gouvernement a également annoncé un programme de soutien aux Très Petites et Moyennes Entreprises (TPME) qui fabriquent des produits et équipements médicaux. Parallèlement, pour réduire la volatilité du marché, Bank Al-Maghrib a appelé les établissements de crédit de suspendre toute distribution de dividendes ou de bénéfices des actionnaires... De plus, le plan de relance budgétaire de 120 milliards de dirhams a été annoncé en juillet. « Le gros du paquet comprendra des prêts bancaires garantis par l'Etat aux entreprises, y compris les entreprises du secteur public. Le reste prendra la forme d'un fonds d'investissement stratégique qui financera des projets d'infrastructure de partenariat. Un tiers de la valeur totale du fonds sera financé directement du budget de l'Etat, tandis que le montant restant doit être prélevé sur les investisseurs institutionnels », explique la même source. Dans le même sillage, la BERD rappelle que les autorités marocaines, pour faire face aux répercussions sociales et économiques de la Covid-19, ont procédé, le 7 avril, au tirage de toutes les ressources disponibles (environ 3 milliards de dollars) dans le cadre de l'accord au titre de la ligne de précaution et de liquidité (LPL). « C'est la première fois que les autorités utilisent les fonds disponibles dans le cadre de leur quatrième LPL consécutifs de deux ans depuis 2012. Les fonds ont été utilisés pour maintenir un niveau adéquat de réserves et atténuer les pressions sur la balance des paiements résultant de l'impact économique de la crise du Covid-19 ». Priorités clés pour 2021 Dans leur rapport, les experts de la BERD ont dressé les trois grandes priorités pour relancer l'économie marocaine en 2021. Ils estiment ainsi que les réformes pour réaliser la transformation numérique sont urgentes à la lumière de la crise du Covid-19. Des mesures sont nécessaires pour promouvoir l'accès universel aux télécommunications... L'accent doit également être mis sur l'administration électronique et les services numériques et financiers. La seconde grande priorité a trait aux mesures visant à améliorer les portefeuilles de prêts des banques. « La valeur de l'encours des prêts bancaires augmente, reflétant les efforts du gouvernement pour garantir le maintien de la disponibilité du crédit pour les emprunteurs et éviter les difficultés de remboursement pendant la crise du Covid-19 », s'est réjoui la BERD. Enfin, pour la troisième grande priorité, il est nécessaire de promouvoir l'intégration commerciale et les chaînes de valeur mondiales. Pour cela, la Banque recommande de faire face aux obstacles actuels à l'intégration commerciale, par le renforcement des accords commerciaux avec l'Union Européenne, l'Afrique subsaharienne et l'Union du Maghreb Arabe. A quand les recommandations de la CSMD ? Malgré ces mesures, la BERD estime que d'autres chantiers, jugés prioritaires, tardent encore à voir le jour. Il s'agit, entre autres, d'un nouveau modèle de développement dont les recommandations de la Commission Spéciale du Modèle de Développement (CSMD) ne sont pas encore élaborées à cause, bien-entendu, de la crise sanitaire. « Compte tenu de la crise du Covid-19, la CSMD n'a pas encore rendu ses conclusions et recommandations », est-il expliqué. Côté pronostics, la BERD prévoit une contraction de l'économie marocaine de 5% en 2020, avant de rebondir à 3,5% de croissance en 2021. Une reprise qui pourrait être favorisée par une expansion de l'exploitation minière. « La baisse de la production chinoise de phosphate pourrait profiter au Maroc, deuxième producteur mondial de cette substance », souligne la Banque. A. CHANNAJE Encadré Le PIB dépasse les 1.000 milliards de DH ? Le PIB a doublé entre 2000 et 2019 pour atteindre plus de 1.000 milliards de dirhams (MMDH), a fait savoir le ministre de l'Economie, des Finances et de la Réforme de l'administration, Mohamed Benchaâboun. « Sur le plan macroéconomique, les investissements publics ont triplé pour atteindre 80% de taux de réalisation durant les quatre dernières années, tandis que le PIB par habitant a doublé », a relevé Benchaâboun dans sa réponse suite aux interventions des groupes et groupements parlementaires lors de la séance plénière relative au projet de loi de finances (PLF) au titre de l'exercice 2021 à la Chambre des Représentants. Et de noter l'amélioration du taux de chômage qui a affiché une baisse de 13,4% à 9,2% et celui de la pauvreté qui est passé de 15,3% à 4,8%. Cependant, le ministre a pointé du doigt les défaillances au niveau de l'infrastructure économique, constatées lors de la crise actuelle. Repères Stratégie Génération Green 2020-2030 Dans le présent rapport, la BERD fait le point sur la stratégie Green Generation 2020-2030. Une stratégie, lancée en février 2020, qui vise à préparer les conditions propices à l'émergence d'une nouvelle génération de classe moyenne agricole, à travers l'amélioration du revenu au sein des ménages actifs dans le secteur agricole, la garantie de la protection sociale et l'élargissement des cibles de l'assurance agricole pour protéger les exploitations agricoles contre les dangers liés aux changements climatiques. Cette stratégie a aussi pour objectif d'encourager les agriculteurs à investir davantage, d'améliorer les conditions de leur travail et de diminuer les écarts entre le Salaire Minimum Agricole Garanti (SMAG) et le Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG). Cette nouvelle stratégie de développement du secteur agricole repose sur deux fondements concernant l'élément humain et la poursuite de la dynamique du développement agricole. L'agro-industrie contribue à plus 27% au PIB Selon le président de la Fédération nationale de l'agroalimentaire (FENAGRI), Abdelmounim El Eulj, le secteur agro-industriel demeure un secteur clé pour l'économie marocaine en termes de sécurité alimentaire, de croissance et de commerce extérieur. Il contribue aujourd'hui à plus de 27% du PIB du Royaume et regroupe environ 27% de l'ensemble des unités industrielles, soit 2.000 entreprises. Le secteur a contribué à la création de plus de 83.000 emplois entre 2014 et 2019 et les exportations du secteur ont évolué entre 2014 et 2019 de plus de 38%, ce qui démontre la grande dynamique de cette industrie.