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Abdelmajid Fassi Fihri : « Le projet de Loi de Finances est un projet ordinaire pour un contexte extraordinaire »
Publié dans L'opinion le 11 - 11 - 2020

Crise de la Covid-19, Loi des Finances 2021, réforme des lois électorales et engagement de la jeunesse, Abdelmajid Fassi Fihri fait l'examen d'une année législative charnière.
- Quelle est votre lecture de ce projet de Loi des Finances qui a soulevé beaucoup de critiques de l'Opposition et notamment du Parti de l'Istiqlal ?
- A la lecture du projet de Loi de Finance 2021, il me semble évident que le gouvernement n'a pas pris la mesure de l'urgence dans laquelle se trouve notre pays. Ce projet contient des propositions qui auraient pu être introduites dans la Loi de Finances rectificative de juillet dernier. Il contient des failles qui me paraissent édifiantes. Le fait qu'il n'y ait aucune allusion à la transition numérique qui doit s'opérer dans notre pays en est un exemple saillant. Aucune allusion non plus à la transition écologique. Il est nécessaire également d'investir dans l'innovation et le monde du savoir et de la connaissance, mais le budget alloué à la recherche scientifique est dérisoire par rapport aux ambitions du Maroc.
- Le PLF prévoit 4,8% de reprise de croissance en 2021, est-ce crédible à vos yeux compte tenu de la récession que connaît actuellement le pays ?
- Aujourd'hui, le chiffre des contaminations augmente de manière permanente, contrairement à la première phase de confinement qui a débouché sur la période estivale avec un virus moins virulent. Il faudra attendre cette fois-ci le mois de Mai pour envisager une accalmie. Ainsi, durant les sept prochains mois, le gouvernement sera probablement amené à prendre des mesures plus restrictives pour endiguer la pandémie, ce qui aura une incidence certaine sur l'activité économique. Il y a déjà un net recul de la confiance des ménages avec 85% d'entre eux qui n'arrivent plus à épargner. Le secteur tertiaire, qui vit essentiellement de la mobilité des personnes, tel que le tourisme, qui est un des piliers de l'économie marocaine, vit une crise sans précédent.
- Le gouvernement a annoncé 2000 postes pour l'Education et 1500 pour la Santé, est-ce sérieux de la part de l'Exécutif, sachant que le personnel médical est en sous-effectif ?
- Il est tout d'abord inacceptable que le gouvernement n'ait pas pu consacrer une subvention au personnel de la Santé qui se retrouve en première ligne contre le virus et qui pleure ses morts aujourd'hui, alors qu'il a pu le faire pour le monde de la Culture. C'est la responsabilité directe du chef du gouvernement d'ajuster les priorités de son action. Les 1500 postes sont insuffisants en plus du fait que des sujets essentiels telles que les conditions de travail, les pénuries de matériel, ou encore la nécessaire réorganisation des différents services, sont complètement mis de côté. En ce qui concerne l'Education, le recours massif au recrutement de contractuels est une pratique à laquelle nous nous opposons depuis le début car elle ne fait qu'accentuer la vulnérabilité de ce secteur déjà très fragile.
- Une année nous sépare des prochaines élections, le risque d'abstention massive n'a jamais été aussi important. Quelles sont vos prévisions pour le taux de participation sachant que la conjoncture de la pandémie pourrait le réduire davantage ?
- D'ici là, espérons qu'un vaccin aura été trouvé qui réduira de manière substantielle la portée du virus. Je pense que si l'organisation des trois scrutins (législatif, communal et régional) se fait le même jour, le taux de participation sera élevé, car la participation aux élections locales est toujours plus forte que pour les scrutins nationaux, donc la participation aux communales et régionales portera celle des législatives. Cependant, il ne faudra pas se tromper d'analyse, le taux de participation augmentera par simple effet mathématique mais ne traduira aucunement un intérêt plus accru de la population pour la politique.
- La jeunesse demeure fortement éloignée de la politique pour ne pas dire révulsée, malgré les encouragements, le taux d'inscription reste très mineur, comment vous expliquez cela ?
- Il y a de multiples facteurs qui expliquent cette réticence, notamment cette impression chez les jeunes de ne jamais ressentir concrètement les effets des mesures annoncées par le gouvernement. Aussi, ils ne s'identifient pas à la classe politique qu'ils considèrent vieillissante, usée et utilisant un discours trop conventionnel et donc incapable de comprendre leurs attentes. Ils sont également repoussés par un certain nombre de pratiques que l'on retrouve au sein de certains partis politiques. Il y a un réel conflit générationnel entre les partis et la jeunesse marocaine. La révolution technologique et l'apparition des réseaux sociaux ont créé un nouvel univers, un nouveau paradigme que les partis politiques n'ont pas encore réussi à appréhender de manière effective.
- Concernant la modification du mode de scrutin, la réforme du mode de calcul du quotient électoral provoque un désaccord profond entre les partis, quelle est la position du Parti de l'Istiqlal ?
- Il y a deux thèses qui s'affrontent. La première consiste à se baser sur le nombre d'électeurs qui ont voté pour calculer le quotient électoral. L'autre thèse considère qu'étant donné que l'inscription sur les listes électorales n'est pas automatique, la personne qui s'est inscrite a fait une démarche volontariste dans le but d'aller voter, et vu que le vote blanc n'est pas comptabilisé, l'électeur peut ne pas vouloir se déplacer, mais adopte bel et bien une position politique claire. Ainsi, la décision de prendre en compte les personnes inscrites sur les listes dans le calcul du quotient électoral est recevable.
Recueillis par Anass MACHLOUKH
Encadré
Covid-19 : le gouvernement se livre à une gestion hasardeuse et improvisée
Dès le début de la pandémie, l'équipe de Saâd Dine El Othmani n'a pu prendre véritablement en main la crise sanitaire en se résignant à une improvisation impuissante. C'est en tout cas le constat du Parti de l'Istiqlal dont les composantes, cadres, conseillers et députés dont fait partie Abdelmajid Fassi Fihri. Lors de son intervention lundi à la Chambre des Représentants dans la séance des questions orales au Gouvernement, le député istiqlalien a critiqué l'iniquité de l'Exécutif dans sa politique de soutien aux catégories impactées par la crise, appelant à accorder davantage d'attention au personnel de la Santé. En outre, Il a fait état d'une défaillance de communication du Gouvernement qui exacerbe le sentiment d'improvisation et conduit au relâchement des citoyens. M. Fassi Fihri a appelé à revoir la place de la prévention contre la Covid-19 dans la communication officielle et associer la société civile dans la prise de décision.
Repères
Les partis politiques : un bouc-émissaire ?
Au milieu de la crise de confiance qui secoue notre pays, Abdelmjid Fassi estime qu'il existe une défiance généralisée à l'égard des politiques. Les jeunes ne font pas confiance aux partis politiques, au Parlement, au gouvernement ainsi qu'aux autres institutions publiques, et ceci est corroboré par les chiffres du HCP. Selon le député, il faut que les partis politiques fassent émerger des profils intègres et compétents. Autant l'intégrité est un facteur fondamental, elle n'est plus suffisante aujourd'hui. Elle doit être accompagnée de compétence et de méritocratie, estime-t-il.
L'Istiqlal, le PAM et le PPS signent un mémorandum commun
A l'approche des échéances électorales, les trois partis de l'Opposition, à savoir l'Istiqlal, le PAM et le PPS, ont convenu d'unifier leur vision de la réforme des lois électorales en présentant un mémorandum commun au ministère de l'Intérieur. Parmi les propositions : organiser simultanément les élections locales et législatives en une seule journée, établissement des listes locales des jeunes et des femmes, mettre en place une commission indépendante chargée des élections et l'intégration des MRE dans le vote et la représentation nationale.
Gestion de la Covid-19 : les trois partis forment une commission d'enquête
Fortement déçus par la gestion de la crise sanitaire par le Gouvernement, l'Istiqlal, le PAM et le PSS ont annoncé conjointement la formation d'une commission d'enquête parlementaire pour vérifier si l'Exécutif a veillé sur le respect de la justice territoriale dans sa gestion de la crise.


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