‘Après avoir brillamment interprété le rôle de Chahzamane dans 1001 nuits, Ayoub Layoussifi, 31 ans, enfile le costume de commissaire dans Les griffes du passé avant de passer derrière la caméra pour porter à l'écran, Sayda al Hora*, gouvernante de Tétouan au 16e siècle.' L'Observateur du Maroc et d'Afrique . En 2002, vous partez à Paris pour suivre des études en maths, puis vous virez de bord pour vous orienter vers le cinéma. D'où vous vient cette passion pour le 7e art ? Ayoub Layoussifi : Les films m'ont toujours fait rêver. D'ailleurs, mon père était un grand cinéphile, et c'est lui qui m'a filé le virus depuis tout petit. Il m'a fait découvrir des grands classiques américains, et tout ceci m'a rattrapé une fois en France. J'ai donc crée mon association de théâtre, j'ai appris sur le tas, j'ai tout experimenté jusqu'au jour où je me suis orienté vers l'acting, j'ai pris des cours à l'Actor Studio et j'ai décroché un Master 2 en Réalisation et création à Paris. Qu'est ce qui vous plait dans l'acting ? Ça me permet de découvrir des choses sur moi-même, des émotions que j'expérimente. Je me trouve un point commun avec chaque personnage que je joue et j'essaie de le ramener vers moi. Dans le film d'A. Darkaoui « Les griffes du passé » (2015), je joue le rôle d'un commissaire, et en fouillant dans mon enfance, je me suis rendu compte que je rêvais d'être policier. J'ai même interprété un travesti, je me suis maquillé, épilé,... J'aime l'idée de se surpasser, ne pas avoir peur d'être moche, efféminé ou alcoolique. J'ai déjà interprété un looser et je me nourris des grands acteurs comme Al Pacino, notamment son rôle de drogué dans Panique à Needle Parc. Les anti-héros ne me font pas peur et il faut prendre des risques si le rôle est profond. Souvent les rôles composés sont plus faciles à interpréter que les rôles qui peuvent paraître simples ? On s'éclate plus avec les rôles composés, parce que ce sont les plus difficiles. On va aller chercher au plus profond de nous au niveau émotion. Quand je prépare un rôle, je sors dans la rue, j'essaie de cibler une personne donnée et j'observe. Quand je devais interpréter un travesti, j'ai visionné plusieurs films, et le rôle de Jared Leto dans The Dallas Buyers Club était juste incroyable ! Vous venez de réaliser la série historique « Sayida Hora » qui sera bientôt diffusée sur Médi1 TV. Qu'est ce qui vous a séduit dans le projet? L'idée de réaliser a toujours été en moi. Ca me permet de m'exprimer d'une autre manière. Même si je suis devenu français depuis peu, là où j'irais, je serais toujours marocain, j'aurais une identité marocaine. Les films de A. Kiarostami sont irano-iraniens, pourtant, il habite en Angleterre. On a tous une identité qu'on trimballe avec nous. Je serais toujours l'acteur, le réalisateur marocain. Lorsque A. Mouatassim m'a proposé le projet, j'étais ravi. Ce qui me fascinait, c'était parler de notre histoire marocaine, de personnalités qui ont marqué le Maroc, j'étais intrigué par le fait que c'était une femme qui avait gouverné au 16e siècle et qui a tenu tête à des occupants portugais et espagnols, et qui était forte et dont la légende disait qu'elle était pirate, alors que je ne la connaissais pas ! Quelle a été la chose la plus difficile pendant le tournage ? Le jeune réalisateur canadien Xavier Dolan disait : on n'a jamais assez de temps et jamais assez d'argent. Au Maroc, on n'a pas beaucoup de moyens pour faire des séries historiques à l'américaine, on n'a ni la culture ni le niveau intellectuel ni les scénaristes ni les moyens financiers pour. De plus, il y a les imprévus du tournage, le projet est très ambitieux et on n'arrive pas encore à refléter la réalité et la mettre au service de la fiction. Le film Birdman d'Alejandro Inarritu est une vraie leçon de cinéma, quand le héro rentre dans un bar, tout le monde est concerné, ils ont le souci du détail ; nous, lorsqu'on filme un personnage dans un café, les figurants sont statiques, et si on ne soigne pas cela, on n'aura pas un cinéma de qualité ! Ceci étant, j'ai eu la chance de tourner avec de très bons comédiens. Ma hantise c'était que mon histoire soit crédible et que mon fil rouge soit respecté du début jusqu'à la fin. Mon souci, c'était d'avoir bouclé la boucle. Qu'est ce qui vous plait le plus, jouer l'acteur ou être réalisateur ? C'est comme si vous me dîtes : t'aimes plus ton père ou ta mère ? J'aime les deux, je m'exprime dans les deux. Sauf que c'est une différente façon d'expression. Ca me procure énormément de plaisir, d'ailleurs, je me suis éclaté en tournant la scène où un marchand français se fait tuer, surtout quand le gars lui plante l'épée et lui dit : Selem 3lik Don Juan, cette réplique est inspirée d'une scène du Parrain : The God Father says hello ! Si on ne prend pas de plaisir, on ne fait rien ! La tension bloque la réflexion, l'inspiration et l'imagination. Si on use de trop de références, on tombe dans le piège de l'imitation. On n'imite pas mais on s'inspire. Rien ne se crée, tout se transforme. Le but du jeu, c'est copier avec intelligence. En plus, c'est une façon de rendre hommage à un réalisateur donné, la touche personnelle, c'est d'inventer autre chose. Quand je vois dans Birdman, un plan séquence qui dure 8 mn, c'est juste incroyable, et si j'ai un jour envie de faire un plan séquence pour m'éclater, pourquoi pas ? Les acteurs qui vous inspirent ? M. Brando, Al Pacino, De Niro, Johny Depp, M. McConaughey, ce dernier donne une identité propre à chaque personnage qu'il interprète. Il crève l'écran, il n'a pas peur ni de paraître moche ni de se surpasser physiquement ! La série, The true détective où il joue un flic, m'a d'ailleurs inspiré pour jouer le rôle du commissaire dans « Les griffes du passé ». Et pour ce qui est des réalisateurs ? J'aime les films policiers, noirs, genre Hitchkoch, j'adore son suspens, les rebondissements dans ses histoires, les crimes parfaits. Il y aussi les incontournables Copolla et Kubrick. Vos projets ? J'ai entamé la 2e saison de 1001 Nuit. Sinon, j'ai un projet de court métrage. J'aime beaucoup travailler avec les gamins, ils sont plus naturels, les adultes perdent leur côté instinctif et naturel en grandissant, et deviennent mécaniques. Stanislavski disait : « il ne faut pas jouer, il faut être » ✱