La chute du régime syrien de Bachar Al-Assad marque un tournant majeur dans l'histoire récente du Moyen-Orient, redessinant profondément la carte géopolitique de la région. Pendant plus d'une décennie, il avait résisté à la guerre civile déclenchée par les printemps arabes de 2011, au prix d'un conflit sanglant qui a dévasté la Syrie. Le 8 décembre, une coalition de rebelles a finalement contraint Bachar Al-Assad à la fuite, mettant fin à son règne. La Syrie occupait une position stratégique dans l'équilibre des forces régionales, servant de pivot à l'axe Téhéran-Damas-Beyrouth. Ce corridor géopolitique permettait à l'Iran d'étendre son influence jusqu'au Liban en soutenant le Hezbollah. La chute du régime d'Assad représente un coup d'arrêt pour les ambitions iraniennes, réduisant la capacité de Téhéran à maintenir ses lignes d'approvisionnement à travers l'Irak et la Syrie. Le Hezbollah, déjà fragilisé par la guerre contre Israël et les crises économiques au Liban, se retrouve désormais isolé. Pour l'Iran, la perte de la Syrie comme allié stratégique remet en question sa stratégie de domination régionale et force une redéfinition de ses priorités. Cette évolution profite en partie à d'autres acteurs régionaux, notamment la Turquie et Israël, qui perçoivent dans la chute d'Assad une opportunité de renforcer leurs positions stratégiques. La Turquie, qui a joué un rôle actif dans le soutien à certaines factions rebelles, cherche à établir une zone d'influence dans le nord de la Syrie. Cela lui permettrait de contenir les aspirations des Kurdes syriens, perçus comme une menace directe pour sa sécurité nationale. De plus, Ankara espère tirer parti de cette situation pour se positionner comme un acteur incontournable dans les négociations sur l'avenir de la Syrie, tout en équilibrant ses relations avec la Russie et les Etats-Unis. Pour Israël, la chute d'Assad constitue une avancée majeure dans sa stratégie visant à réduire la présence iranienne en Syrie et à sécuriser ses frontières. Depuis plusieurs années, Israël mène des frappes ciblées contre des infrastructures iraniennes et des milices pro-Téhéran en Syrie. L'Irak, de son côté, se trouve dans une position délicate. La chute d'Assad pourrait forcer Bagdad à réévaluer ses relations avec l'Iran, particulièrement si les milices chiites pro-iraniennes, qui opèrent près de la frontière syro-irakienne, perdent leur soutien logistique. La frontière syro-irakienne, un point clé du corridor iranien, devient ainsi un terrain stratégique où se joueront de nouvelles batailles d'influence. Sur le plan international, la chute du régime syrien met en lumière les ajustements stratégiques des grandes puissances. La Russie, principal soutien d'Assad pendant la guerre civile, pourrait réduire son engagement en Syrie, surtout si elle parvient à négocier un accord sur ses intérêts en Ukraine ou ailleurs. Cependant, Moscou cherchera probablement à maintenir une présence pour préserver ses bases militaires et son accès à la Méditerranée. Par contre, la nouvelle administration Trump semble vouloir suivre une double stratégie : réduire la présence militaire directe des Etats-Unis dans la région, tout en renforçant les alliances pour contenir l'Iran et stabiliser le Moyen-Orient. L'administration Trump privilégiera ainsi une approche indirecte, visant à élargir les Accords d'Abraham à d'autres pays arabes, notamment l'Arabie saoudite et plusieurs Etats qui sont déjà engagés dans des négociations secrètes. En parallèle, les Etats-Unis envisageraient de promouvoir la création d'une sorte d'OTAN du Moyen-Orient, une coalition militaire régionale dotée de moyens significatifs, mais dans laquelle le rôle américain se limiterait à un soutien logistique et stratégique. Cette approche reflète la volonté de Washington de réorganiser ses priorités globales, en transférant une partie de la responsabilité de la sécurité régionale à ses partenaires. Au Maroc, la diplomatie, domaine éminemment régalien incarné par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, s'est distinguée par une tradition séculaire d'équilibre et de discernement, œuvrant à la défense intransigeante des intérêts stratégiques du Royaume d'abord, tout en consolidant son rayonnement à l'échelle régionale et internationale. Le Maroc s'affirmera de plus en plus comme un acteur clé dans la promotion de la paix, du dialogue et du développement régional, tant souhaité. La chute de Bachar Al-Assad ne marque pas seulement la fin d'un régime autoritaire, mais aussi le début d'une ère de transformation profonde au Moyen-Orient.