L'appel du Président syrien, Bachar al-Assad, pour la reprise des négociations de paix avec Israël, sans conditions préalables, est intervenu à un moment délicat, aussi bien pour l'adminitration Bush, de plus en plus déstabilisée par son enlisement irakien; que pour le gouvernement Olmert, qui n'arrive pas à se guérir des séquelles de la guerre du Liban. En dépit de la distance «verbale» prise par le président Bush, le rapport Baker /Hamilton, semble pour le moins le déstabiliser. Il a même créé ce que les analystes politiques américains considèrent comme étant un «choc historique». Notamment, concernant la vision de l'élite américaine envers le conflit israélo-arabe. L'idée de l'absence d'influence sur la découverte d'une solution au problème palestinien, est devenue le principal point du rapport. Cette idée s'est avérée la plus profonde voire la plus dangereuse, selon le Premier ministre et de toute la droite israélienne. Notamment ceux qui, tout de suite, l'avaient rejeté. Ce, comme s'ils l'acceptaient cela dit, admettre l'étape prochaine qui comprendra la concentration des pressions américano- européennes sur l'Etat hébreu en faveur des palestiniens. Parallèlement, les observateurs estiment que si les récentes déclarations de Tony Blair contre l'Iran étaient presque menaçantes, celles évoquant la Syrie demandaient, en revanche, un fin décryptage. Comme si quelque chose, à l'heure actuelle, se passait entre Damas et Washington. Premièrement sur la forme, on remarque l'existence d'une activité diplomatique assez dynamique menée par des membres du Congrès, sénateurs et députés des deux grands partis, républicain et démocrate. Des délégations comprenant des figures de proue comme l'ancien candidat démocrate à la présidence, John Kerry, qui avait rencontré, mercredi dernier au palais des Mouhajirines, à Damas, le président, Bachar al-Assad. Le sénateur déclara à la suite de cette réunion qui avait duré plus de deux heures que l' «administration Bush commettra une grave erreur en tentant d'écarter la Syrie de ses négociations en cours sur la région du Moyen-Orient. Dans les prochains jours, la capitale des Omeyyades recevra un autre sénateur qui sera cette fois républicain. Néanmoins, certains milieux diplomatiques européens, notamment français, commencent à se poser les questions sur le fait qu'un dialogue américano-syrien a, d'ores et déjà, démarré «sous la table». Ce, parallèlement avec le go-be@tween des membres du Congrès. La France de Jacques Chirac, d'après le Premier ministre italien, Romano Prodi, reste la seule à s'opposer à l'ouverture de son pays, de l'Allemagn et et de la Grande- Bretagne, à la Syrie. En tout état de cause, il faut noter que les recommandations Baker/ Hamilton, font déjà leurs effets sous différentes formes, à certains niveaux. Dans ce contexte, il est logique de souligner qu'une grande puissance telle que les Etats-Unis ne pourra faire marche arrière, du jour au lendemain. Elle aura besoin de temps et de tractations pour le faire. Mais la dynamique américaine interne qui a donné naissance à ce rapport, est devenu un évènement politique central par excellence. Ce qui devra laisser les analystes politiques conclure qu'une nouvelle étape sur le plan de la politique des Etats-Unis, a bel et bien, commencé. Et, par là, passer à une phase supérieure. Celle de la recherche des issues aussi bien sécuritaire que politique ; commençant par l'Irak et le Liban, dans le but d'atteindre le dossier israélo-syrien. Pour ce qui est de ce volet, l'ancien secrétaire d'Etat, Collin Powel, affirme que les contacts sont en cours, au moment même, où le rapport Baker/ Hamilton était en cours de préparation. Les diplomates américains en poste dans certains pays du Proche-Orient, plus particulièrement à Amman et à Beyrouth, parlent d'indices qui émergeront incessamment. En premier, le probable recours de Washington à une tentative d'apaisement politique avec Damas, tout en poursuivant la pression graduelle sur l'Iran. Il est vrai que la théorie basée sur la séparation entre Damas et Téhéran ne tient pas debout, surtout lorsqu'on sait la dimension de la relation stratégique entre ces deux pays. Ce que connaissent parfaitement les Occidentaux les plus concernés par la région. Mais le fait d'accorder, à nouveau, certaines priorités syriennes une importance significative au niveau des deux politiques, américaine et européenne, ne peut que renforcer Damas au sein de son axe avec l'Iran. Une situation qui s'est affaiblie non seulement depuis la mort de feu Hafez al-Assad- qui considérait que la définition des politiques d'alliance avec le Liban et la Palestine, était sa principale mission et non celle de l'Iran-, mais aussi, après la chute de Bagdad en 2003. Un fléchissement qui s'est encore consolidé avec le retrait syrien du Liban. Ce qui a donné l'avantage aux Iraniens pour diriger l'axe. En dépit de ce constat, le développement des évènements, notamment au Liban, a montré que «l'anneau syrien» dans l'axe syro-iranien est le plus important du cercle libanais et palestinien. Si l'ouverture des Etats-Unis vis-à-vis de la Syrie, et non envers l'Iran, se concrétise dans les prochains mois, cela dit que le principal objectif de la direction syrienne consistera alors à mettre fin à la période où le sort de son régime était menacé. Plus précisément, depuis le retrait de ses troupes du Liban et l'accusation de certains de ses responsables d'avoir assassiner l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Tergiversations et hésitations Plusieurs indices sont apparus récemment en Israël concernant le choix de négocier avec la Syrie et non avec les Palestiniens. Cela a été même remarqué au sein de la droite israélienne. Néanmoins, il semble que le gouvernement d'Ehud Olmert attend encore un peu. Il tente d'adapter son orientation dans ce sens à l'avancée réalisée par l'administration américaine. Le dialogue n'a pas été, jusque- là- confié officiellement à qui de droit à Washington. En d'autres termes, il n'est pas passé du Capitole à la Maison-Blanche. D'autre part, l'appel du président syrien, adressé au gouvernement israélien afin de reprendre les négociations de paix a mis les dirigeants à Tel-Aviv à la croisée des chemins. Il ne dessine pas uniquement les contours de son avenir dans la région, mais donne également une idée de la situation ; notamment, en Palestine, au Liban et en Syrie. Ce, malgré le refus officiel émanant du Premier ministre israélien à cet appel ; prenant pour alibi le souhait de ne pas provoquer l'administration américaine qui, soi-disant s'oppose à une telle initiative. La polémique qui s'est déclenchée au sein de l'Etat hébreu sur ce point, reflète une réalité politique contraire à la position officielle. Nous remarquons, depuis environ une semaine, qu'une quasi-unanimité formée de la gauche et de droite israélienne ainsi que d'experts et même de militaires, appelle explicitement le pouvoir à prendre au sérieux l'offre syrienne avant de donner une réponse hâtive. Le changement intervenu sur la position israélienne envers la négociation avec la Syrie est du à plusieurs facteurs sur le plan régional. Nombreux analystes politiques estiment que la liaison de l'aval israélien avec le feu vert américain, montre une faiblesse et une perturbation au sommet de l'establishment. Pis encore, ils précisent que ce n'est pas, la première fois, que les intérêts des Etats-Unis sont en contradiction avec ceux d'Israël. Ainsi, les appels répétés, en provenance de Damas et de son président, pourraient être la dernière chance de l'éloigner de l'Iran. Et, par là, la pousser à arrêter son soutien aux organisations hostiles à Israël, telles que le Hezbollah et Hamas. D'autre part, le gouvernement israélien devra entendre les émissaires européens qui avaient récemment visité Damas, et rencontré Bachar al-Assad. Ces derniers affirmant le sérieux de ses intentions à l'égard de l'instauration de la paix. Certaines personnalités politiques sont allées très loin dans la critique de la dépendance d'Olmert à George Bush. «Il ne devra pas être un employé chez une administration qui souffre de l'échec cuisant de son projet aussi bien en Irak qu'en Palestine», soulignent ces analystes. Ils se moquent également des alibis fournis par les opposants aux négociations avec la Syrie. Ceux-ci, qui tiennent à dire que les objectifs de l'«agressivité» de paix de Damas consistent à déstabiliser les relations entre Washington et Tel-Aviv. Mais rien ne pourra perturber l'alliance stratégique entre ces deux parties. Le 2 ème facteur qui a joué un rôle significatif dans la consolidation du camp soutenant la négociation avec la Syrie : l'échec de l'armée israélienne dans sa dernière opération au Liban ; également la croissance de l'influence de l'Iran qui pourrait se doter de l'arme nucléaire dans deux ans au plus tard. Le refus du gouvernement israélien de la proposition syrienne veut dire pour les deux pays concernés, la fermeture de la porte devant une solution qui mettra fin à l'occupation du plateau du Golan. Une telle éventualité pourra pousser la Syrie vers la confrontation militaire. Les experts s'attendent, le cas échéant, à l'explosion d'une guerre régionale dans deux ou trois ans ; plus précisément, après que Téhéran, l'allié de Damas, aurait son arme nucléaire. Une guerre qui, malgré la suprématie israélienne, sera destructive pour tout le monde. Mais, elle aboutira au retour à la table des négociations après que chaque partie ait renforcé son emprise sur les cartes qu'elle détient ; ce, au détriment même de la mort et de la destruction qui envahiront la région. En tout état de cause, le changement dans l'attitude des Israéliens ne pourra dépasser l'appel pour étudier sérieusement la proposition syrienne ; ce, sans pour autant discuter rapidement les horizons de la solution attendue de la reprise des négociations. En d'autres termes, trancher du sort du plateau du Golan. Il est probable que l'opinion publique israélienne soit prête à négocier avec la Syrie. Mais ce qui n'est pas certain, c'est qu'elle ne soit pas avec la restitution du Golan annexé. Elle est donc, jusque-là, avec le test des intentions syriennes et non avec toute concession accordée au régime syrien. Ce dernier, qui pourrait vouloir manœuvrer pour briser son isolement.