Alors que le débat bat son plein sur les réseaux sociaux à propos des tarifs qui seront appliqués à l'ouverture du zoo rénové d'Ain Sebâa, le Conseil de la ville de Casablanca vient de les approuver lors d'une session extraordinaire tenue jeudi 28 novembre. Une session qui a vu la validation des termes du contrat de gestion déléguée du parc zoologique fraichement réhabilité et dont la réouverture est prévue pour début 2025. « Les tarifs sont un sujet qui a suscité un large débat au niveau des commissions mais aussi sur les réseaux sociaux. En réhabilitant cet espace, le Conseil de la ville a voulu en faire un parc zoologique aux standards internationaux, sa duplicata identique existe à Valence en Espagne », explique Nabila Rmili, la maire de Casablanca en réponse aux critiques. Mauvaise surprise En effet, les Casablancais qui ont du attendre dix ans pour voir le parc zoologique de Ain Sebâa rouvrir ses portes, ont été surpris par les tarifs annoncés. Une longue attente qui s'est soldée par une « grande déception » comme l'estiment de nombreux internautes. Fixés à 80 DH/adulte, 50 DH/enfant, et 15 DH pour le parking, ces tarifs font déjà polémique car jugés « Exorbitants et nullement adaptés au pouvoir d'achat des Casablancais et des citoyens qui seront en visite à la capitale économique » commente Dr Bouazza Kherrati, président de la Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC). Dénonçant ces tarifs mais aussi le fait de céder ce patrimoine national à une société privée, Kherrati estime que « Ces tarifs n'aideront pas à la sauvegarde et à la promotion de ce patrimoine national. Tout au contraire, ils vont limiter le nombre des visiteurs. Ces choix tarifaires sont de mauvais augure. Ils démontrent une vision limitée dans le temps. Les gestionnaires veulent exploiter le zoo au maximum et risquent de le laisser tomber d'aussitôt si toutefois les recettes ne suivent pas», prévoit le président de la FMDC. Equation difficile Ces tarifs seront par ailleurs revus à la hausse à l'horizon 2029 pour atteindre 100 dirhams pour les adultes et 60 dirhams pour les enfants. Ceci alors que lors d'une session ordinaire tenue en octobre dernier, le Conseil de la ville avait approuvé un prix d'entrée au parc ne dépassant pas les 50 dirhams pour les adultes et à 25 dirhams pour les enfants de 5 à 12 ans. Le tarif d'entrée pour un groupe scolaire accompagné a été cependant fixé à 10 dirhams par élève et celui pour une famille accompagnée d'un enfant, à 120 dirhams. Nabila Rmili, la maire de Casablanca, a dévoilé aupravant, lors de la session d'octobre, les causes du retard de l'ouverture du parc zoologique Aïn Sebaa. La responsable a évoqué la difficile combinaison « service de qualité, selon les standards des parcs internationaux, et couverture d'un déficit de gestion de 20 millions de dirhams ». La réhabilitation du parc a nécessité un budget global de 250 millions de dirhams dont 130 millions de dirhams ont été mobilisés par le ministère de l'Intérieur, 80 millions de dirhams par le Conseil de la ville de Casablanca et 40 millions de dirhams par la région Casablanca-Settat. Le dilemme « Il faut savoir que la gestion de tels espaces relève de la responsabilité de l'Etat mais le Conseil de Casablanca a choisi de s'en charger car estimant que c'est un précieux patrimoine de la ville et un élément important de sa mémoire », note Rmili lors de la session extraordinaire. Concernant les tarifs, la maire a rappelé le « grand dilemme » auquel le conseil de la ville a du faire face. «On avait trois choix : Soit accorder la gestion du zoo aux spécialistes c'est-à-dire « Les eaux et forêts », le louer à une entreprise privée et « tirer profit » de cette opération ou assumer sa responsabilité en optant pour une gestion déléguée tout en s'acquittant du déficit budgétaire pour assurer sa continuité et sa maintenance. Le Conseil a opté pour le dernier choix », argumente Nabila Rmili. Cette dernière affirme par ailleurs que ce choix a permis d'éviter de « privatiser » le zoo et de voir les tarifs s'envoler pour atteindre « jusqu'à 500 dhs le billet », assure-t-elle, en insistant sur le caractère «raisonnable » des tarifs annoncés. « Qui va se rendre au zoo seul ? Les tarifs sont immédiatement revus à la baisse lorsqu'on s'y rend en famille ou en groupe. Le prix du billet adulte devient 60 dhs et enfant 40 dhs lorsqu'on s'y rend en groupe », relativise la maire de Casablanca. Un argumentaire qui ne semble pas convaincre. La Fédération marocaine des droits du consommateur estime que le parc zoologique, au-delà de son aspect «divertissement », est un patrimoine national qui devrait relever du ministère de la culture. « Le zoo doit être une structure à but non lucratif qui devrait être subventionnée par l'Etat et par le ministère de la culture. Ceci dit, la gestion d'un zoo ce n'est pas une mince affaire. Ça nécessite un grand savoir faire, des moyens logistiques importants et un gros budget pour le faire tourner selon les normes internationales en vigueur », explique Dr Kherrati qui est également vétérinaire. Mode de gestion D'après ce spécialiste, les zoos du monde sont généralement gérés par des conseils d'administration et non pas par des entreprises privées. « Dans ce conseil d'administration, sont représentés tous les départements en charge comme « Les eaux et forêts », le ministère de la culture, celui du Tourisme, les services de sécurité alimentaire tels l'ONSSA, le Conseil de la ville... Un directeur est chargé de gérer le zoo et de rendre compte à ce conseil », détaille Dr Kherrati. Pour ce dernier, si l'on doit toutefois déléguer la gestion à une entreprise privée, il faudrait le faire d'une manière partielle. « Pour assurer la pérennité du service, la protection et le développement de ce patrimoine national et surtout pour en assurer l'accessibilité à la population de la ville et à ses visiteurs », soutient le président de FMDC. « Sinon les Casablancais et les citoyens en général peuvent toujours choisir de ne pas s'y rendre si ces tarifs ne les arrangent pas. C'est un moyen efficace pour dire leur opinion », conclut Dr Kherrati. Pour rappel le contrat de gestion déléguée a été attribué à la société Dream Village, propriétaire du village écologique de Mohammedia. Selon les termes de ce contrat, le parc zoologique va abriter quelque 320 animaux de 75 espèces différentes. Ces « locataires » vont arriver progressivement dans un délai de six mois à compter de la date de déblocage des fonds par la Commune. Les recettes du gestionnaire proviendront principalement des ventes de billets d'entrée et du parking payant. Le projet comprend trois aires géographiques représentant l'Afrique, l'Asie et l'Amérique, une ferme pédagogique, une clinique vétérinaire, deux grands espaces de pique-nique, un restaurant, ainsi qu'une boutique et deux kiosques. Le Conseil de la ville s'est engagé à allouer un soutien financier annuel de 26 millions de dirhams au zoo. Une stratégie de soutien qui ne convainque nullement l'opposition. Cette dernière s'est montrée sceptique quant à son « efficacité » dans le rééquilibrage pérenne des coûts d'exploitation tout en garantissant l'accessibilité du zoo pour tous.