« Les revenus des banques africaines ont connu une nette amélioration. Certains acteurs, affichent même aujourd'hui des revenus supérieurs à avant la pandémie, et ce du fait de l'augmentation des volumes, mais aussi des taux d'intérêt et de la stabilité des coûts liés aux risques », note une étude du cabinet McKinsey autour de la productivité bancaire. Le même document ajoute « le rendement des fonds propres (ROE) des banques africaines, à l'exception de celles du Kenya, demeure encore inférieur par rapport aux niveaux enregistrés avant la pandémie, malgré un fort rebond constaté en 2021 ». Dans le détail, la rentabilité des cinq plus grands marchés bancaires d'Afrique (Afrique du Sud, Egypte, Kenya, Maroc et Nigeria) a connu un déclin constant, avec une baisse moyenne de 2 points au cours des six dernières années. L'Egypte a connu la plus forte baisse (-9,5 pp) en termes de rentabilité, suivie de l'Afrique du Sud (-2,7 pp). Les données fournies par McKinsey montrent aussi que le Nigéria est la seule grande économie africaine à avoir connu une augmentation de son ROE bancaire depuis 2016 (3,6 pp), sous l'effet d'une baisse du coût du risque suite aux réformes économiques opérées après la récession de 2015-2016, mais aussi de la reprise partielle des prix du pétrole. «Les banques africaines sont coûteuses à gérer : elles possèdent un ratio coût/actif moyen compris entre 4 et 5 %, soit deux fois plus élevé que celui de la moyenne mondiale. En même temps, l'environnement économique dans lequel de nombreuses banques africaines opèrent est souvent caractérisé par des taux de bancarisation et par des ratios prêts/dépôts beaucoup plus faibles, ce qui signifie que les pools de revenus bancaires plus petits et donc moins d'économies d'échelle. Cela invite plus que jamais les banques du continent à revoir leur base de coûts et leurs modèles opérationnels, en particulier si elles souhaitent continuer à investir dans la technologie et encourager l'inclusion bancaire », explique François Jurd de Girancourt, directeur associé du bureau de McKinsey à Casablanca qui dirige le pôle de compétences institutions financières de McKinsey en Afrique. Six opportunités à saisir L'étude réalisée par McKinsey invite ainsi les banques africaines à viser des gains de productivité de l'ordre de 25 à 30 %. Le cabinet suggère de recentrer les efforts de productivité autour de six domaines. Pour la banque détail, McKinsey préconise de s'ancrer davantage dans la réalité « phygitale ». Il souligne que le niveau d'adoption du numérique au sein des banques africaines n'a atteint que 20 à 30 % au moment où en Amérique latine et en Asie par exemple, l'adoption du numérique est estimée à l'ordre de 50 % voire même 75% dans d'autres marchés. Le spécialiste recommande également de viser le « zéro opérations manuelles » surtout qu'il existe un potentiel d'automatisation de plus de 50 % pour ce qui est des fonctions centrales liées à la vente ou à l'administratif (SG&A) alors qu'une partie importante de la chaîne de valeur bancaire en Afrique dépend encore des tâches manuelles. Autres suggestions phares : Passer de back-office à « partenaire à forte valeur ajoutée » au niveau des fonctions centrales et support avec l'intégration d'une mentalité plus orientée « client », et aussi accélérer l'adoption des nouvelles technologies. McKinsey met l'accent aussi sur la nécessité pour les banques d'être plus flexibles en repensant l'utilisation qu'elles font de leurs actifs physiques. « De tels changements des conditions de travail offriront aux employés un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée et pourraient avoir un impact positif sur la diversité, l'équité et l'inclusion des équipes, ainsi que sur les performances de celles-ci », insiste l'étude en question. McKinsey propose également de se concentrer davantage sur l'automatisation et la collaboration numérique en matière d'achats. « Si les banques africaines commencent à appréhender leur productivité à partir de ces six domaines critiques, alors elles pourront réussir à optimiser leur base de coûts, mais aussi mieux allouer leurs ressources financières vers leurs segments de croissance, tout en réagissant plus efficacement face à l'érosion du ROE. Elles parviendront en outre à réduire le coût du service apporté aux consommateurs, ce qui est nécessaire pour faire progresser l'inclusion financière », conclut déclare Jurd de Girancourt.