Le Liban a toujours été la caisse de résonance du monde arabe. Les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux n'y avaient guère la côte ces dernières années. Et chacun croyait que les élections législatives du 7 juin allaient donner la victoire - même d'une courte tête - à l'opposition, le Hezbollah et son allié chrétien, le parti du général Michel Aoun. Il n'en a rien été. La coalition pro-occidentale au pouvoir, dite l'alliance du «14 mars» a gagné 71 des 128 sièges du Parlement. Composée du parti du Futur du sunnite Saâd Hariri, fils de Rafik Hariri, le président assassiné en 2005, du parti druze de Walid Joumblatt et des Forces libanaises du chrétien Samir Geagea, elle est de nouveau en position de former le gouvernement. En face, l'opposition - Hezbollah, Amal, une seconde formation chiite et le Courant patriotique libre de Michel Aoun - proche de la Syrie et de l'Iran, n'aura que 57 sièges. Première leçon du scrutin : il n'est plus si difficile au Liban, et probablement au Proche-Orient, de se dire pro-américain. L'arrivée de Barack Obama au pouvoir, ses discours d'ouverture (en particulier celui du Caire quatre jours avant les élections libanaises) ont changé l'état d'esprit d'une partie de la population. Cette décrispation marche de pair avec celle des différents pays de la région. L'Arabie Saoudite, parrain du sunnite Saad Hariri, s'est réconciliée avec la Syrie de Bachar el-Assad, qui soutient l'opposition. Mais pour la première fois lors d'une élection libanaise, Damas s'est gardée d'intervenir directement au pays du Cèdre. Parallèlement, le début de décrispation entre l'Iran et les Etats-Unis, a incité Téhéran, et donc le Hezbollah, à accepter sa défaite avec élégance. En dépit des nombreux votes achetés par le courant de Saad Hariri. «Je félicite le «14 mars» de sa victoire» a déclaré Hassan Nasrallah, le chef du parti de Dieu, au lendemain du scrutin. Une atmosphère qui favorise la constitution d'un futur gouvernement d'union nationale sans lequel le Liban ne peut être gouverné. Les crispations politiques libanaises qui ont bloqué le pays pendant dix-huit mois appartiendraient-elles au passé ? Pour les pessimistes, il n'en est rien. Au printemps 2008, le bras de fer entre le pouvoir et l'opposition (et le coup de force du Hezbollah qui avait fait descendre ses milices armés dans le centre de Beyrouth), avait été réglé par le Qatar et les accords de Doha. Ils avaient permis de sortir de l'impasse constitutionnelle et d'élire le président de la république, Michel Sleimane, un chrétien comme le veut la constitution. Après ce scrutin, l'opposition risque de revendiquer de nouveau une minorité de blocage (un tiers des portefeuilles ministériels) lui permettant de disposer d'un droit de veto sur les décisions gouvernementales. Le principal souci de Nasrallah : empêcher le «14 mars» de désarmer le Hezbollah en lui retirant son aile militaire placée sous l'autorité de l'armée libanaise. Pour les optimistes, ce risque sera surmonté par le président Michel Sleimane qui va ainsi jouer son rôle d'arbitre entre les deux camps, comme le prévoient les accords de Doha. Il pourrait même annoncer qu'il refuse le «tiers bloquant», dit-on à Beyrouth et inciterait les députés à choisir un Premier ministre sunnite - c'est la constitution - qui soit un homme de consensus ayant aussi l'appui de l'Arabie Saoudite, de la Syrie et de l'Iran. Un oiseau rare. Que Téhéran et Washington renouent le dialogue et les problèmes libanais seront plus aisément résolus. En ce sens, les élections iraniennes du 12 juin sont capitales.