LAHOUCINE AZAZ PRESIDENT DE LA FEDERATION NATIONALE DE LA BOULANGERIE ET PÂTISSERIE AU MAROC (FNBPM) ENTRETIEN REALISE PAR HAYAT KAMAL IDRISSI L'Observateur du Maroc. Comment évaluezvous votre dernière réunion avec Mohamed El Ouafa, ministre des Affaires générales et de la gouvernance? Lahoucine Azaz. À la Fédération, nous sommes plutôt satisfaits de notre réunion du vendredi 15 novembre 2013 avec le ministre chargé des affaires générales. Durant les 6 heures qu'a duré cet échange intense entre ce dernier et les 26 délégués régionaux de la Fédération venant de toutes les régions du royaume, nous avons pu renouveler nos revendications et spécialement celle concernant la validation du contrat-programme 2011-2015 signé du temps du gouvernement Abbas El Fassi. Nous estimons qu'il est temps de valider ce contrat-programme qui est nécessaire pour maintenir la compétitivité des boulangers et éviter que certains professionnels ferment boutique. Sans oublier la paix sociale qui est intimement liée à la stabilisation des prix du pain. Lors de cette réunion, la Fédération a d'ailleurs insisté sur la nécessité pour le gouvernement d'honorer ses engagements relatifs à ce contrat et qui consiste en la mise à niveau, la modernisation et la structuration du secteur avec à la clé, l'amélioration de la situation des professionnels et des propriétaires de boulangeries et de pâtisseries, outre la réduction des coûts à travers la promulgation d'une tarification électrique incitative pour les unités de production, l'encouragement et le soutien des boulangers via les réductions fiscales, la résolution des problèmes liés à la sécurité sociale et ceux relatifs à la hausse des prix de la farine. Sans oublier la grande question de la révision à la hausse du prix du pain. Nous avons également soulevé la question de la formation et l'activation de la construction de l'école de boulangerie dont le foncier est déjà disponible à Sidi Bernoussi à Casablanca. Le matériel et le plan étant prêts, il ne reste que le lancement des travaux par le ministère de l'Emploi et de la formation professionnelle. Après cette première réunion, la hausse du prix du pain est-elle toujours à l'ordre du jour ? Il faut dire que les revendications des boulangers ne sont pas le fruit du hasard et ne datent pas d'hier. Nous n'avons que trop attendu la réaction du gouvernement de Benkirane dans sa première et deuxième versions. Depuis la signature du contratprogrammeen octobre 2011 et l'arrivée du nouveau gouvernement, les choses n'ont pas trop bougé. Même après notre réunion avec Najib Boulif, alors ministre des Affaires générales et la constitution d'une commission interministérielle, le stand by a perduré alors que le secteur souffre de plus en plus de la flambée des prix des ingrédients et des différents intrants. Ceci sans parler des autres anomalies et de la concurrence déloyale de l'informel qui ont causé la faillite de nombreux professionnels. Profondément conscients de la délicatesse de la question du prix du pain, les boulangers ont pris sur eux durant de longues années pour assurer cette « stabilisation » des prix qui, avouons-le, n'a plus aucune raison d'être. Car à l'instar de tout produit de consommation, le pain doit se soumettre à l'équation universelle : coût + marge = prix. Si le prix de 1,20 DH n'a pas bougé depuis plus de dix ans maintenant, le coût de la farine, du carburant, du sucre et des différents intrants ontpar contre flambé. Le niveau de vie des Marocains a également évolué et même la culture du pain a complètement changé. Les citoyens sont prêts aujourd'hui à débourser ce qu'il faut pour consommer un pain de bonne qualité et avec de bons ingrédients. À la Fédération, nous avons profité de la proximité de notre clientèle pour mener une étude de terrain afin de sonder le marché, mieux connaître ses attentes et surtout prévoir sa réaction en cas d'augmentation du prix du pain. Je vous assure que le consommateur n'y voit pas grand mal et la trouve logique car compréhensif par rapport à la flambée générale des prix de toutes les denrées. Cette future augmentation sera de l'ordre de 10 à 30 centimes selon les régions. Le ministre El Ouafa affirme que vous n'avez nullement le droit d'augmenter le prix sans l'accord préalable du gouvernement... Je tiens à rappeler que contrairement à ce que l'on pense, le prix du pain est libre.Seule la farine subventionnée ou le pain dit social sont soumis à un prix réglementaire. En ce qui concerne cette augmentation variable, elle dépend logiquement de l'emplacement et de la région de chaque boulangerie. Il est inconcevable qu'une boulangerie installée dans un quartier populaire procède à des augmentations pareilles à celles pratiquées par un autre professionnel installé dans un quartier huppé. Ils n'ont pas les mêmes coûts de production, ça va de soi et parfois ils n'ont pas la même qualité du produit et le même savoir faire. J'estime en tant que boulanger, que la qualité doit se payer et c'est finalement le consommateur qui reste le seul arbitre. C'est à lui d'acheter un pain et pas un autre. Votre Fédération a choisi un moment assez délicat pour ressortir la carte de l'augmentation du prix du pain. Votre sortie ne serait-elle pas plutôt politique ? Comme précédemment expliqué, notre sortie a été motivée principalement par la conjoncture qui est aussi difficile pour les boulangers que pour les autres composantes de la société et de l'économie marocaine. Nous ne vivons pas en marge de toutes les mutations qui font bouger le Maroc actuellement. Et naturellement, notre Fédération est traversée par différents courants politiques qui cohabitent entre eux et qui font prévaloir en premier lieu l'intérêt du secteur, de la profession et des consommateurs. Je vous confirme que toutes les couleurs se confondent à la FNBPM pour se parer d'une seule et unique teinte, celle du pain.