Retracer le parcours de Sir Benjelloun n'est pas une tâche aisée. Evoquer sa nature humaine ne l'est pas non plus. au Maroc, Othman Benjelloun est un homme qu'on ne présente plus. Et pour cause : il est sur tous les fronts et son nom est sur toutes les lèvres. S'il a fait fortune dans les assurances (RMA Watanya) et la banque (BMCE bank), l'homme est un vrai capitaliste qui sait prendre (et mesurer quand même) les risques et investir dans des créneaux diversifiés, comme les télécoms (Meditelecom), la distribution, les NTIC, le tourisme (Risma), le transport (CTM, Régional Airlines, M'Dina Bus), etc. Tout compte fait, Othman Benjelloun trône aujourd'hui sur une fortune estimée à plusieurs milliards de dirhams. Faut-il dès lors s'interroger sur le secret de cette success-story à la marocaine. La réponse tient en un mot : anticipation. L'homme sait en effet dénicher les bonnes affaires mais aussi et surtout être en phase, sinon, en avance sur son temps. Pour s'en convaincre, il suffit de souligner son appétit incommensurable pour tout ce qui est nouvelles technologies de l'information et de la communication. L'homme, octogénaire dégage un look dans l'air du temps. Cheveux platines et lissés débordant sur la nuque, il donne l'air d'un jeune adulte prêt à en découdre avec le plus jeune des loups de la finance. Il est l'exemple du banquier accompli. Banquier engagé A son âge, il a encore de l'énergie à revendre. Mais il y a une autre facette qui fait aussi le secret, et la réussite de ce «banquier engagé» : c'est son côté humain tout court. Au-delà de son statut de businessman, Othman l'homme a su se forger une personnalité aujourd'hui adulée par bon nombre de se compatriotes. Son patriotisme (il est d'ailleurs porteur du Wissam Alaouite) est couplé d'un souci social qui ne se dément pas. Dernier acte citoyen en date : la décision prise récemment par le Groupement professionnel des banques marocaines (GPBM), dont il est le président, de consacrer une hausse de 750 dirhams bruts à partir du 1er juillet 2011 au profit de l'ensemble du personnel des institutions bancaires de la place, soit au total 33 000 personnes. Et ce n'est pas tout, l'accord porte également sur la baisse du taux d'intérêt des prêts au logement (3,5 % contre 3,75 % précédemment), l'augmentation de 11% de la prime de panier (+ 20 dirhams), la régionalisation des œuvres sociales et la promotion de la formation. «Cet accord concilie les intérêts bien compris des institutions bancaires et des salariés à un moment où les banques sont appelées à fournir davantage d'efforts pour le financement de l'économie et des projets structurants et porteurs», commente M. Benjelloun. Les mauvaises langues diront que cette augmentation intervient dans un contexte spécial de revendications et de tensions sociales. Mais ce serait méconnaître les qualités humaines du banquier et ses actions sociales depuis belle lurette. Pas plus tard qu'au début de l'année, il a décidé en son âme et conscience de faire profiter, via une prime, le personnel de Méditelecom du jackpot de la cession des parts de FinanceCom et de la CDG à France Télécom (40% du capital). Pas de limites A fin mai chaque employé de Meditel a reçu une prime de cession de 40 000 DH brut, soit 24 000 DH net. Le coût de l'opération se chiffre ainsi à 40 millions dirhams. Des sources bien informées avancent que c'est M. Benjelloun qui a le premier répondu favorablement à la demande du personnel exerçant une pression sur ses associés pour faire aboutir l'opération. Alors que la Fondation BMCE Bank fait déjà des émules dans le milieu associatif à travers ses multiples actions dans le monde rural par le biais du programme Medersat.com, les prouesses sociales du président de la holding FinanceCom fontdes envieux. Signe de la haute estime qu'il porte pour cette Fondation, la présidence de son épouse Leila Meziane Benjelloun, herself. Un engagement qui en dit long sur le caractère d'un homme qui a su concilier entre le monde pénible et très dur de l'argent et des affaires et celui de l'action sociale. La Fondation BMCE Bank qui a pour mission de promouvoir l'éducation en milieu rural défavorisé et de valoriser la langue et la culture amazighe à travers la construction et l'équipement d'un vaste réseau d'écoles publiques appelé «Medersat.com», œuvre dans ce domaine voilà maintenant seize ans. Et ce, moyennant la mise en place d'un dispositif éducatif et pédagogique moderne et efficace. Cette organisation vise l'amélioration de la qualité de l'enseignement et d'apprentissage au préscolaire et au primaire. Aujourd'hui, elle compte un réseau de 60 écoles «Medersat.com», 136 unités de préscolaire. Son rayonnement a dépassé les frontières, puisqu'elle compte 3 écoles en Afrique subsaharienne, notamment au Sénégal, au Congo et bientôt au Gabon. A travers les multiples ramifications de son holding à l'étranger, l'homme est passé maître dans la diplomatie économique. Faut-il rappeler ses investissements en Europe (Londres, Paris et Madrid), en Amérique du Nord (La Sillicon Valley) ou encore en Afrique, où l'on ne compte plus le nombre des ouvertures de bureaux et autres succursales. L'homme est allé encore plus loin en s'implantant dans l'Empire du milieu, la Chine. «Notre groupe, BMCE Bank, a résolument fait le pari chinois depuis déjà 6 ans! Dans un contexte de diversification de l'économie marocaine, de ses sources d'échanges et d'investissements, s'implanter à Pékin permet d'offrir les services d'un observatoire de nombreuses opportunités économiques et financières prévalant en Chine, de recueillir des informations in situ sur la réalité économique, culturelle et sociale si riche de ce pays, et, ainsi, de disposer d'un outil de promotion de l'investissement réciproque sino-marocain», écrit M. Benjelloun dans une tribune publiée récemment dans un quotidien casablancais. Avant de conclure: «Comment, pourrait-on, en effet, aborder, non pas LE marché chinois mais LES marchés chinois si nous n'étions pas présents physiquement, si nous ne disposions pas d'un véhicule privilégié de communication sur les atouts et potentialités du Royaume». Et patriote avec tout ça. Chakir Arsalane Sucess stoy Né en 1931, Othman Benjelloun est le fils de Haj Abbas Benjelloun, un commerçant qui a fait fortune dans l'import-export durant le protectorat. Après des études à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, il retourne au Maroc en 1959. Il rejoint alors son frère aîné Omar Benjelloun qui a diversifié les avoirs familiaux en investissant dans la sidérurgie, l'aluminium, le montage automobile, etc. En 1988, Il rachète la Royale Marocaine d'Assurances (RMA), une compagnie fondée en 1949 par dix nationalistes, dont son père. En 1995, et grâce aux fond de la RMA, il profite du programme de privatisation entamé par le Maroc pour lancer une opération d'achat sur la Banque marocaine pour le commerce extérieur qui devient la BMCE Bank. En 1998, il rachète la compagnie d'assurances Al Wataniya. Il s'oriente ensuite vers l'étranger, en rachetant 35% de Bank of Africa (3e groupe bancaire de l'Union économique et monétaire ouest-africaine), puis crée en 2007 MediCapital Bank, un établissement financier au cœur de Londres.