Les forces fidèles à Mouammar Kadhafi ont poursuivi leur avancée vendredi vers l'est du golfe de Syrte et annoncent une victoire prochaine sur les rebelles, que l'Union européenne semble ne pas savoir comment soutenir. Les hésitations des dirigeants des Vingt-sept, réunis au sommet à Bruxelles, sont apparues dans leurs premières déclarations, renvoyant toute décision d'ordre militaire à l'Onu et à la Ligue arabe. Sur la route côtière reliant les principales villes de Libye, l'aviation loyaliste continue de pilonner les positions rebelles. Des soldats de Kadhafi arrivent par air, mer et terre et, après trois semaines d'un conflit indécis, font rapidement reculer les insurgés, à la puissance de feu bien inférieure. L'armée régulière a réussi à pénétrer dans le centre de Ras Lanouf, ont annoncé les rebelles qui tenaient fermement ce port pétrolier du golfe de Syrte depuis quelques jours. Le premier point de contrôle rebelle a été repoussé à une vingtaine de kilomètres à l'est de Ras Lanouf, a dit Youssef Mohannad, combattant insurgé, à Reuters. Des bombardements ont été rapportés sur al Ouqaïlah et Marsa el Brega, à l'est de ce barrage. Ces informations semblent confirmer l'offensive de grande ampleur annoncée la veille au soir par Saïf al Islam, un des fils de Mouammar Kadhafi. Les possesseurs de téléphones portables libyens ont été prévenus par le régime que "la libération" des villes d'Ajdabiyah et Benghazi, dans l'Est, était proche. "QUE FONT-ILS ?" Dans l'Ouest, les rebelles semblent encore contrôler Misrata, troisième ville du pays. Une violente bataille se joue à Zaouïah, ville stratégique à l'ouest de Tripoli et théâtre d'un carnage, selon des témoignages d'habitants. Parallèlement, le régime tente d'empêcher de nouvelles manifestations en cette journée hebdomadaire de prière. La sécurité a été renforcée dans le quartier de Tajoura à Tripoli, épicentre de la contestation dans la capitale libyenne. "Il y a eu des arrestations la nuit dernière", a dit à Reuters un expatrié libyen ayant joint des proches à Tajoura. La télévision officielle a demandé aux habitants des villes tenues par les rebelles de ne pas se rassembler pour la prière dans les lieux publics, affirmant que "des mercenaires et des bandes criminelles" menaçaient leur sécurité. Dans le camp des rebelles, combattants et hommes politiques commencent à désespérer d'obtenir une aide étrangère. "Où sont les Occidentaux ? En quoi nous aident-ils ? Que font-ils ?", s'énerve un combattant. Moustafa Abdel-Jalil, président du Conseil national libyen (CNL), a exhorté la communauté internationale "à prendre ses responsabilités". "Les Libyens sont en train d'être balayés par l'aviation de Kadhafi. Nous demandons depuis le début une zone d'exclusion aérienne, nous voulons un embargo maritime", a-t-il dit à la BBC, réclamant également des armes et une aide humanitaire. "ISSUE RAISONNABLE" Dans leurs premiers commentaires en ouverture du sommet européen à Bruxelles, les dirigeants des grandes puissances s'accordent à réclamer le départ immédiat de Kadhafi, au pouvoir depuis 41 ans, mais se refusent à le faire partir par la force. "Nous voulons tout faire pour limiter la souffrance du peuple libyen mais nous devons réfléchir attentivement aux mesures que nous prenons, pour qu'elles débouchent sur une issue raisonnable", a dit la chancelière Angela Merkel. Nicolas Sarkozy, qui demeure le seul chef d'Etat européen à avoir reconnu le CNL comme représentant du peuple libyen, a usé de précautions en proposant des "actions ciblées purement défensives" et "à la condition expresse que les Nations unies le souhaitent, que la Ligue arabe l'accepte et que les autorités libyennes que nous souhaitons voir reconnues le désirent". Le Premier ministre suédois, Fredrik Reinfeldt, a résumé la prudence apparemment de vigueur à Bruxelles en estimant que "toute discussion sur une intervention militaire revient au Conseil sécurité de l'Onu, à la Ligue arabe, à l'Otan et n'est pas de la responsabilité de l'Union européenne". La Ligue arabe se réunit samedi mais un accord en vue d'une action commune est incertain en raison des objections syriennes. L'Union africaine, courtisée par Kadhafi, a rejeté une intervention étrangère mais enverra sous peu une délégation de cinq chefs d'Etat en Libye pour tenter de négocier une trêve. (Reuters)