La contre-offensive des forces libyennes pour reprendre les villes tombées depuis trois semaines aux mains des insurgés hostiles au régime de Mouammar Kadhafi s'est poursuivie jeudi alors que l'Occident hésite encore sur la façon de soutenir ces derniers. Le chef du Renseignement américain, James Clapper, a prédit que les forces kadhafistes, mieux équipées que les insurgés, finiraient par l'emporter. Le colonel Kadhafi est prêt à une lutte de longue haleine, a-t-il dit, et rien ne permet de penser qu'il renoncera au pouvoir. Saïf al Islam, fils de Kadhafi, a d'ailleurs confirmé que l'heure avait sonné de lancer une offensive militaire totale contre les insurgés et que des négociations avec eux étaient hors de question. La France est devenue la première puissance occidentale à reconnaître le Conseil national libyen (CNP) proclamé à Benghazi par les insurgés. Londres a suivi une ligne proche en qualifiant le CNP d'"interlocuteur valable" avec lequel il a dit souhaiter "travailler étroitement". Mais les ministres européens des Affaires étrangères réunis à Bruxelles, même s'ils ont réaffirmé leur souci de voir Kadhafi quitter le pouvoir, sont apparus divisés sur cette question. La représentante de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a estimé qu'il ne fallait pas se précipiter "de matière unilatérale dans la reconnaissance de certains groupes" . "De notre point de vue, toute reconnaissance devrait être menée par la Ligue arabe et discutée à l'Onu. Cela de doit pas être une décision unilatérale", a ajouté son porte-parole . CHARS, AVIONS, NAVIRES BOMBARDENT RAS LANOUF Catherine Ashton, qui assistait à une réunion simultanée des ministres de la Défense de l'Otan dans la capitale belge, a aussi fait valoir que toute initiative européenne sur l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne en Libye devait être prise en étroite coordination avec l'Onu et la Ligue arabe. Le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a précisé que toute opération militaire, dont la mise en place d'une telle zone, devrait répondre à trois critères: le besoin démontrable d'une intervention, un mandat clair et un soutien dans la région. Lors du sommet européen qui aura lieu vendredi, toujours à Bruxelles, la France proposerait un plan d'action stratégique pour arrêter la répression meurtrière du soulèvement en Libye, a déclaré un des émissaires du CNL reçus dans la matinée par le président Nicolas Sarkozy. Sur le terrain, à l'est de Tripoli, les chars, avions et navires libyens ont bombardé les positions des insurgés à Ras Lanouf, qui abrite un important terminal pétrolier, a rapporté un rebelle, faisant état de plusieurs morts. La télévision officielle a annoncé que les insurgés avaient été chassés du port et de l'aéroport d'Es Sider, un autre terminal pétrolier, 40 km à l'ouest de Ras Lanouf. Les insurgés ont aussi signalé un raid aérien sur Mars el Brega, un troisième terminal pétrolier, situé à 90 km à l'est de Ras Lanouf, tendant à indiquer que les loyalistes ont non seulement stoppé la progression des anti-Kadhafi vers l'ouest mais aussi reconquis du terrain vers leurs bastions orientaux. ZAOUIAH CERNEE DE TOUTES PARTS Même si les combats autour des terminaux pétroliers du golfe de Syrte font rage, rien n'indique que les forces kadhafistes cherchent à détruire leurs installations. Mais les cours du pétrole n'en continuent pas moins leur envolée. Les autorités libyennes refoulent les tankers des ports à cause du tarissement des dépôts de pétrole dû à des perturbations de l'approvisionnement en raison des combats. A l'Ouest, les forces loyalistes encerclent la localité dévastée de Zaouiah, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale, où les insurgés continuent à résister malgré les combats meurtriers des jours derniers. "Les forces gouvernementales cernent Zaouïah de toutes parts. On ne sait pas qui contrôle le centre. Cela change tout le temps. Les combats se déroulent rue par rue", a rapporté un exilé qui a pu entrer en contact avec un proche dans les faubourgs de la ville. Les insurgés, portés jusqu'à présent par l'espoir qu'ils pourraient conclure à Tripoli leur avance à partir de leur bastion de Benghazi, admettent désormais leurs difficultés à tenir leurs positions face à un adversaire disposant d'une puissance de feu supérieure. LES ARMES "REDOUTABLES" DE KADHAFI "Kadhafi pourrait l'emporter. Avec des avions, des chars, des mortiers et des roquettes. Ce serait bien qu'il y ait une zone d'exclusion aérienne", a déclaré un insurgé. Le département américain de la Défense a dit examiner "toute une gamme" d'options militaires, dont une telle zone d'exclusion. Le général américain Raymond Odierno a affirmé que, en cas de consensus international, la mise en place de cette zone ne prendrait que 48 heures. Mais, soulignant, elle aussi, la nécessité d'un feu vert de la communauté internationale, la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, a exclu toute action unilatérale de Washington, qui, selon elle, pourrait avoir des "conséquences imprévisibles". Elle a fait part en outre de la préoccupation des Etats-Unis devant la possible détention d'armes chimiques par le régime de Kadhafi, ainsi que d'autres "choses redoutables" qu'il pourrait bien avoir dans son arsenal. A Genève, le Comité international de la Croix-Rouge a déclaré que la Libye était en train de plonger dans une guerre civile avec un nombre croissant de victimes. (Reuters)