Et si les huit autres pays riverains du Nil obtenaient une modification du règlement de partage des eaux. Ce que l'Egypte appelle ses «droits historiques» sur ce fleuve fait référence à deux accords. Le premier a été signé en 1929 avec la Grande-Bretagne, alors puissance coloniale des pays situés sur le Nil, en amont de l'Egypte ; il confère au Caire un droit de veto sur les projets hydrauliques de ces pays. L'autre lie, depuis 1959, l'Egypte et le Soudan. Il accorde à l'Egypte 55,5 milliards de mètres cubes par an, et au Soudan, 18,5 milliards. Plus des deux tiers environ de la capacité du Nil sont ainsi monopolisés. Depuis le début du XXe siècle, les huit autres pays africains riverains du Nil s'insurgent contre ce statu quo. Le Burundi, la République démocratique du Congo, l'Éthiopie, l'Érythrée, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie et l'Ouganda réclament un partage plus équitable. Mais les négociations avec l'Egypte et le Soudan sont demeurées stériles. Ces dernières années, les réunions ont été de plus en plus orageuses. Le 14 avril dernier, les négociations sur le partage des eaux du Nil, à Charm-El-Cheikh, se sont soldées par un échec. Etrange destin que celui du Nil ! Ce fleuve de l'ère pharaonique, «sacré» pour les Egyptiens, est issu du lac Victoria. Il s'enfle en traversant certains territoires africains et prend le nom de Nil Blanc. A Khartoum, au Soudan, il reçoit le Nil Bleu et poursuit sa marche vers l'Egypte, tandis que son volume s'accroît. * « L'Egypte est un don du Nil », Hérodote. Est-il besoin de rappeler que, sans lui, l'Egypte n'aurait pas son delta, ses 4 % de terres agricoles enfoncées dans un immense désert et ne pourrait pas subvenir aux besoins en eau de ses 80 millions d'habitants ? «L'Egypte est un don du Nil», écrivait l'historien grec Hérodote. L'Egypte estime que toute modification du statu quo serait un coup terrible pour un pays qui souffre déjà de pénurie d'eau. Au Caire, où la population atteint désormais 17 millions d'habitants, bien des quartiers sont parfois privés d'eau pendant plusieurs jours. Ce qui a provoqué, au cours de l'été 2007, dans les quartiers déshérités, de violentes manifestations de colère. La principale cause de cette crise étant, selon les spécialistes, l'explosion démographique. Un Égyptien naît toutes les 27 secondes et les infrastructures ne suivent pas, les usines de déssalinisation de l'eau de mer sont trop coûteuses. Cependant, les autres pays africains, oubliés lors des partages de l'eau du Nil au XXe siècle, n'ont plus l'intention d'accepter leur sort. Ils ont décidé d'élaborer et de signer un accord-cadre, avec ou sans son consentement, le 14 mai. L'Egypte a décidé de relever le défi. Le 19 avril, lors de la séance parlementaire consacrée à ce problème, le ministre de l'irrigation, Mohamed Allam, affirmait : «L'Egypte prendra toutes les mesures nécessaires pour défendre ses droits». La rupture des relations diplomatiques ne serait pas une solution et l'on voit mal l'Egypte déclarer la guerre à ses voisins africains. Dans un premier temps, privilégiant la conciliation, l'Egypte a soumis à des experts étrangers, spécialistes en droit international, le dossier des eaux du Nil. Ceux-ci sont d'accord pour dire que les accords de 1929 et de 1959 ne peuvent pas être rayés d'un trait de plume. L'Egypte et le Soudan s'efforcent désormais de ramener à la table des négociations les huit autres pays riverains du Nil avant le 14 mai, date à laquelle ces derniers menacent de signer un accord-cadre sans tenir compte des accords précédents. En cas d'échec, Le Caire a averti qu'il ne tiendrait aucun compte du nouvel accord et, selon les experts, l'Egypte pourrait porter l'affaire devant le tribunal international de La Haye. «Nul ne pourra porter atteinte aux droits historiques de l'Egypte sur les eaux du Nil. C'est une question de vie ou de mort pour notre peuple. Ce fleuve est notre seule ressource hydraulique et couvre 95 % de nos besoins. En revanche, les autres pays riverains du Nil possèdent d'autres ressources hydrauliques, et ne les exploitent pas», a déclaré Moufid Chéhab, ministre des Affaires juridiques et parlementaires, à la mi-avril devant les députés de l'Assemblée du peuple pour une fois unis.