Et de 1 pour le Mouvement du 20 février. Le principal mouvement contestataire du pays s'apprête à célébrer, jour pour jour, l'anniversaire de sa création. Une commémoration que les initiateurs de la mouvance veulent artistique, joyeuse et proche des citoyens. « De nombreuses activités sont prévues par les coordinations au Maroc et à l'étranger. L'idée commune est de mettre en avant l'aspect culturel et artistique comme canal d'expression de nos revendications. Un hommage sera rendu à nos victimes de la lutte pour la dignité du peuple Marocain mais, dans l'ensemble, nous souhaitons privilégier l'aspect festif. Après tout, le fonds de commerce de ce mouvement est l'espoir », nous explique Abdellah Abaakil, membre du mouvement. Mais l'heure est-elle à la joie pour un mouvement que de nombreuses voix disent aujourd'hui mourant . Abaakil nuance en affirmant que « tout dépend de quel Mouvement du 20 février nous parlons ». Pour lui, le Mouvement du 20 février activiste dans une logique protestataire pacifique s'est, sans aucun doute, essoufflé et est sérieusement réduit. « Des militants du mouvement ont été jetés en prison, harcelés, noyautés par les services, durant les 12 derniers mois. Ils ont abandonné leurs familles et leurs emplois afin de réaliser un changement profond dans la société Marocaine et les institutions du pays. Aujourd'hui, le sentiment régnant est d'être coincé entre le marteau de la répression féroce, d'une part, et l'enclume d'une population privée de l'espoir d'un changement démocratique pacifique et qui aura de plus en plus recours à la violence pour exprimer ses revendications », nous explique le militant. Et de citer Taza, Beni Mellal ou encore Salé comme exemples. Mais par contre, ajoute notre source, la mouvance M20 a encore de beaux jours devant elle. Les réseaux constitués et la volonté de ne plus se laisser faire reste vivants et pourront, à terme, contribuer à un véritable changement démocratique et social au Maroc. Dans les villes comme Casablanca, où le mouvement a pu gagner difficilement la création de comités de quartier, l'étincelle pourra être maintenue. Le slogan « Mamfakinch » reste d'actualité. « Les manifestations hebdomadaires ont été maintenues après les élections, auxquelles il faut ajouter toutes les actions dans les quartiers et les actions spécifiques. Je ne sais pas ce qu'il faut faire pour se faire entendre davantage. Nous ne sommes pas restés silencieux », se défend le militant. La trahison des élites Mais le mouvement, répond-il toujours aux aspirations des citoyens ? Les militants du M20F diront que oui, sans distinction de classe ou d'orientation idéologique, la finalité étant la liberté, la dignité et la justice sociale. « Après, il peut y avoir des divergences sur les choix qu'a fait le Mouvement du 20 février, en termes de stratégie et de lecture des évènements tels que le référendum constitutionnel ou les élections législatives anticipées, afin d'obtenir une réponse à ces aspirations », dit notre interlocuteur. Et d'ajouter que ce qui a terriblement nui à l'efficacité du Mouvement du 20 février est que « nous avons cru, naïvement, que nous disposions, contrairement aux dictatures de la région, de relais capables de porter ces revendications, et là je pense aux partis politiques, aux syndicats et à la société civil. C'est bien la trahison des élites qui a fait échouer l'espoir de changement. Il nous reste à tirer les leçons de cette expérience ». Mais une chose demeure sûre, le Mouvement du 20 février a permis l'émergence de véritables ressources humaines, jeunes et créatives, longtemps mises sous l'éteignoir. Sans leader ? « Ce serait plutôt un motif de fierté pour ce mouvement que d'avoir rompu avec l'archaïsme du Zaïm omnipotent », dit Abaakil. Dépourvu d'esprit constructif et sans ligne programmatique ? « N'est-ce pas dans la nature même d'un mouvement de contestation que de refuser les compromis et plus encore, les compromissions. Le Mouvement du 20 février n'a jamais prétendu remplacer les partis, les syndicats et la société civile, et cette dernière critique montre bien à quel point nous manquons de structures d'intermédiation dotées d'une véritable légitimité, pour en arriver à exiger d'un mouvement de contestation de jouer ce rôle », analyse notre source. La parole retrouvée Le Mouvement du 20 février, s'il n'a pas réussi à réaliser le changement espéré, aura joué le rôle de révélateur du véritable bilan : un champ politique et social en ruines et une résistance à tout changement démocratique, aussi modéré soit-il. « Par la simple pression pacifique, il aura, sur le plan politique, fait échouer le plan du RCD marocain, en pulvérisant le plan PAM, sur le plan social, dans la panique, obtenu des créations de postes pour les diplômés chômeurs et des augmentations de salaires des fonctionnaires dont ne rêvaient même plus un champ syndical corrompu et, sur le plan des libertés, a ouvert un champ d'expression libre inédit, même s'il reste fragile, au Maroc », résume Abaâkil. Et de finir en précisant que quel que soit son destin par la suite, c'est aux citoyens maintenant de prendre la relève. Quel regard porter sur le PJD? Pour le M20F, le discours du PJD au sujet de la corruption ne diffère pas du discours officiel, axé principalement sur les aspects moraux et servi depuis des décennies. « Je m'attends à ce que le gouvernement nous serve des procès de quelques lampistes de service en guise de lutte contre la corruption, le fond restant à l'état de slogan », prédit Abaakil. « De l'avis de tous, la corruption au Maroc n'est pas qu'endémique mais bel et bien systémique. Elle relèverait plus du racket mafieux que d'une quelconque maladie morale de notre société et, à ce titre, elle est un outil d'exercice d'un certain pouvoir, avec ses conséquences désastreuses sur l'économie du pays. Cette divergence de vues est plus qu'une nuance entre nous et le discours officiel du gouvernement », tranche le militant.