L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo comparaît aujourd'hui devant la Cour pénale internationale. Il est le premier ancien chef d'Etat remis à la CPI. La première comparution est une pure formalité. L'audience ne doit pas durer plus d'une heure. Il s'agit simplement de vérifier l'identité de Laurent Gbagbo et de s'assurer qu'il est informé des charges qui pèsent contre lui. Pour un véritable procès, il faudra encore attendre plusieurs mois. Ce n'est que lors d'une deuxième audience que les charges seront confirmées et que les juges décideront si oui ou non, les éléments de preuves avancés par l'accusation sont assez solides pour organiser un procès. Le transfert de Laurent Gbagbo à La Haye est intervenu dans le cadre d'une enquête sur les violences post-électorales en Côte d'Ivoire. Dans le mandat d'arrêt qu'ils ont émis, les juges de la CPI ont indiqué qu'il y a « des motifs raisonnables de croire que les forces pro-Gbagbo ont lancé des attaques généralisées et systématiques contre les civils à Abidjan et dans l'ouest du pays au lendemain de la présidentielle, à partir du 28 novembre 2010 ». Selon le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, le conflit entre les deux camps a fait au moins 3 000 morts, auxquels s'ajoutent 520 arrestations arbitraires. Difficile réconciliation Concernant l'implication de l'ancien président ivoirien, celui-ci « aurait engagé sa responsabilité pénale individuelle, en tant que coauteur indirect, pour quatre chefs de crimes contre l'humanité à raison de meurtres, de viols et d'autres violences sexuelles, d'actes de persécution et d'autres actes inhumains », selon la CPI. Mais pour le moment, alors que l'enquête suit son cours, « il est présumé innocent jusqu'à preuve de sa culpabilité, et bénéficiera de tous les droits et opportunités pour se défendre », a tenu à souligner le procureur de la CPI dans son communiqué. Pour rappel, les violences ont ensanglanté la Côte Ivoire pendant de longs mois après la présidentielle de novembre 2010, jusqu'à la capture de Laurent Gbagbo le 11 avril à Abidjan. Après cette arrestation, l'ancien chef d'Etat a été placé en résidence surveillée à Korhogo, dans le nord de la Côte d'Ivoire. Laurent Gbagbo a toujours refusé de reconnaître la victoire de Ouattara à l'élection présidentielle de novembre 2010, résultat entériné par la communauté internationale. Suite à son transfert à la CPI, le Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Laurent Gbagbo a annoncé mercredi qu'il suspendait sa participation à « tout processus de réconciliation ». A Abidjan, la comparution de l'ancien président devant la justice divise, déclenchant la colère dans les quartiers pro-Gbagbo et la joie dans les quartiers pro-Ouattara. « La décision de poursuivre seulement le président déchu à ce stade risque d'être explosive sur le terrain », a commenté Francis Dako, coordinateur pour l'Afrique de l'ONG Coalition pour la Cour pénale internationale, dans un communiqué, en mettant en garde contre une « justice des vainqueurs ». Les crimes du camp Ouattara Pendant les violences post-électorales, les forces pro-Ouattara ont- elles aussi commis de nombreux crimes. « Si le cycle de la violence en Côte d'Ivoire doit s'arrêter, il faut que la justice soit impartiale et qu'il y ait une justice pour les victimes des deux côtés », a ainsi affirmé Reed Brody, directeur de l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch. Dans ce sens, le procureur de la CPI a affirmé : « Nous rassemblons les preuves de manière impartiale et indépendante, et présenterons d'autres cas devant la justice, quelle que soit l'appartenance politique ».