Arrivée dimanche soir à Accra, la capitale du Ghana, la délégation d'affaires marocaine a pris ses marques avant le lendemain, première journée officielle de la semaine de la quatrième Caravane de l'export, qui reliera Accra, à Cotonou (Bénin) et à Lomé (Togo), avant de terminer dans la capitale angolaise, Luanda. Avant de partir, les 90 entreprises marocaines candidates à l'export ont reçu une rapide formation sur la façon de faire négoce avec l'Afrique, les conceptions et les approches n'étant pas les mêmes de part et d'autre du Sahara. Zineb Chabbi, chargée de mission chez Delta holding ,explique par exemple que « quand on fait du commerce avec les pays africains anglophones, on doit adapter son produit à la demande locale et ne pas arriver avec un produit fini selon ses propres conceptions. On ne peut pas non plus s'appuyer sur des normes marocaines, donc françaises, car eux se fient aux normes anglosaxones ». Mais au-delà de ça, « l'Africain ne peut plus accepter de voir arriver d'autres nationalités comme en terre conquise, avec leurs gros sabots. C'est à nous de nous présenter avec une approche plus fine de coopération ou de partenariat par exemple», développe-t-elle. Plus prosaïquement, Mounir El Jaffari, chargé du département des affaires politiques d'Afrique australe et occidentale pour le ministère des Affaires étrangères ayant vécu sept ans au Ghana, raconte cette anecdote : « j'étais en retard à un rdv, je saute dans un taxi mais le chauffeur ne voulait pas démarrer tant que je n'avais pas négocié le prix qu'il m'avait annoncé au départ. A la fin de la course et donc de nos négociations, il a accepté 7 cédis, alors qu'il en demandait 15. Lui faisant part de mon étonnement alors que j'étais prêt à lui donner 15 cédis sans discuter en montant dans son taxi, le chauffeur me répond, si on ne négocie pas, on n'a pas fait de business et j'ai perdu ma journée. J'ai gagné 7 cédis mais je les ai mérités !». Mourad Mekouar, DG de M2t, Maroc traitement de transactions, et consul honoraire d'Angola au Maroc participe pour la première fois à la Caravane de l'export mais a déjà installé une de ses filiales à Dakar (Sénégal). Pour lui, « ce n'est pas si facile que ça de s'exporter, c'est facile d'ouvrir mais bien plus compliqué dans l'organisation et la productivité, justement parce que leurs conceptions des affaires et du temps sont totalement différentes de la nôtre ». Tout le monde s'accordera à vous dire qu'en Afrique, on ne se donne pas rdv à 14h, mais « dans l'après-midi », et que le premier arrivé peut attendre l'autre pendant des heures sans s'en inquiéter. « Les Africains suivent leur propre rythme et ont une façon très simple et très spontanée de faire des affaires», ajoute, Mounir El Jaffari. Ce qui n'empêche pas de trouver des personnes « très qualifiées », rassure Mourad Mekouar, « même s'il y en a peu et qu'elles coûtent cher». Alors que le Maroc exportait vers le Ghana, des produits à hauteur de 71 millions de dollars en 2010, le Ghana ne nous vendait que pour 2,5 millions de marchandises. C'est en ce sens que la délégation marocaine de cette quatrième Caravane de l'export préfère désormais se tourner vers la coopération et le partenariat, afin que les deux pays avancent et se développent simultanément et réciproquement, ont estimé les deux parties lors du discours de présentation de la mission de Maroc Export.«Le secteur de la pêche est l'un de ceux pour lesquels le Maroc pourrait nous aider» ,avance Alexander Dadzawa porte-parole de l'Agence ghanéenne pour la promotion des exportations. «Nous exportons beaucoup de poisson congelé et l'expérience du Maroc en ce domaine nous intéresse», développe-t-il, avant d'annoncer l'intérêt croissant du Ghana envers tous les métiers de services. De leurs côtés, Hannah S. Tetteh, la ministre du Commerce extérieur ghanéenne et Saâd Benabdallah, le patron de Maroc Export ont tous les deux appuyé l'importance de collaborer, dans tous les domaines (énergie, BTP, nouvelles technologies, banque et services financiers, industrie pharmaceutique, etc.) en joint-ventures, en partenariats et en collaboration, pour créer des opportunités mutuelles entre les deux pays, et ne plus être dans une simple relation vendeur-client. Pour s'installer en Afrique, « il faut être capable, après, de suivre la filiale, il ne s'agit pas simplement de créer et d'oublier, il faut être derrière, suivre, standardiser les procédures », témoigne l'entrepreneur. « Au Sénégal, nous n'employons que des locaux mais on envoie des équipes tous les deux mois, pour une dizaine de jours à chaque fois, pour faire des audits, vérifier la comptabilité, l'aspect commercial, le marketing, la technique, pour s'assurer que les choses tournent de manière adéquate». Le consul d'Angola, qui a également récemment ouvert une autre filiale de sa société de transactions à Paris n'estime pas que ça coûte plus cher de s'installer en Afrique, « c'est juste un peu plus compliqué. Mais il faut le faire parce que ça marche. Aujourd'hui, les volets de croissance sont en Afrique et l'industrie marocaine ne trouvera pas les mêmes relais de croissance en Europe ».