La 12e édition du Festival national du film de Tanger a joué sa dernière séquence, samedi 29 janvier à l'issue de neuf jours et neuf nuits entièrement consacrés au 7e art. «Fragments», documentaire troublant de Hakim Bellabes, a été récompensé par le Grand Prix. Eclairage. Hommes et femmes d'image issus du Maroc, d'Europe et du Moyen-Orient ont suivi avec un intérêt jamais démenti les 19 longs-métrages et 19 courts vers lesquels leurs regards ont convergé. Ces lieux qui ont «Un air de famille», comme le cinéma Roxy et son grand écran ayant contenu l'ensemble des opus qui concourraient en compétition officielle, la salle de conférence de l'hôtel Chellah, où les cinéastes ne pouvaient échapper au «Couperet» de la critique dès le lendemain de la présentation de leurs films, ou encore le bar «Number One», niché aux abords de l'hôtel Rembrandt, à l'ambiance festive espagnole propre à la ville du Détroit. Refuge des uns et des autres, ou chaque cinéaste est entouré de son clan, ses fidèles, comédiens et artistes rassemblés autour du «Parrain», avec lequel ils préfèrent échanger en terre conquise, à la tombée du jour, une fois l'opération de déminage de la matinée achevée, l'inévitable conférence où tout peut arriver et qu'ils ne peuvent aborder en «Affranchis» : «Le Mépris», «Tout ça pour ça», «Guerre et Paix», «Autant en emporte le vent», «Vol au-dessus d'un nid de coucou», «De battre mon cœur s'est arrêté»… On ignore comment un Hicham Lasri réagit après coup, suite à l'invective d'un critique au sujet de son film, «The End» : «Votre film est un navet monumental !». On regrette les coups d'éclats de Nabil Lahlou, lors de la conférence destinée à «Mirages» de Talal Selhami, puisqu'ils ne s'adressent en rien au film. Lahlou, était-il habité par le personnage de Zarathoustra, pièce qu'il avait adaptée de «Ainsi parlait Zarathoustra», que l'on doit à Nietzsche ? On aime la densité unique de ce festival, la possibilité d'échange formidable et de confrontation digne de «La Guerre des Roses». Particulièrement pour les cinéastes forcés d'avoir «Le goût des autres», se croisant du point de l'aube jusqu'à la fin du jour : ils déjeunent, dînent, se regardent en chiens de faïence, vont et viennent dans le même hôtel, visionnent les films de leurs homologues, s'interrogent sur leurs failles, suivent l'attention un temps portée sur eux, passant ensuite à d'autres. Eux, qui sont accoutumés à diriger les comédiens, vivent au rythme et selon les règles de ce festival national, exercice de haute leçon humaine pour cet espace dédié à l'amour du septième art, «Pour le meilleur et pour le pire». «Fragments» d'une «Courte vie» Place au palmarès et à «Courte de vie», de Adil Fadili, superbe objet filmique, court-métrage multi-primé : récompensé par le prix de la critique et du grand prix. Comme «Fragments» de Hakim Bellabes, documentaire très touchant filmé durant vingt-trois ans, qui a obtenu le grand prix du long-métrage et celui de la critique. Les prix du montage et de la musique ont été attribués à «My Land», de Nabil Ayouch. Ce documentaire d'une rare force est traversé par la musique originale de Adil Aïssa, le montage est réalisé par Ruth Litan, Keren Ben Rafael et Safaa Baraka. Le prix de la photographie a récompensé «Mirages», de Talal Selhami, et Mohamed Selam, dit Luce, son photographe. Le comédien Omar Lotfi, découvert dans «Casanegra», en 2008, toujours à Tanger, a été couronné par le prix d'interprétation masculine dans «Libre d'aimer» de Abdelhay Laraki. Quant à Myriem Raoui, elle a obtenu le prix d'interprétation féminine pour «Mirages». «The End» de Hicham Lasri a obtenu le prix spécial du jury, et «La 5ème Corde» de Salma Bargach, le prix de la mention spéciale et celui du son. Voilà ami lecteur, nous étions loin d'un «Jour de silence à Tanger», et proches «Des jours et des lunes», les trente personnages étant, ici, les 38 opus…