Avouons-le, les dés étaient jetés d'avance. Jeudi, jusqu'en début de soirée, les discours voulaient que le départ de Moubarak soit immiment, plus même, que le président cèderait sa place après quelques heures. Vers 16h30, la télévision nationale avançait que Hosni Moubarak s'adresserait au peuple le soir-même, juste quelques minutes après la sortie médiatique de l'armée qui venait de tenir son haut conseil et qui déclarait que tout serait fait pour protéger les intérêts et «appuyer les demandes légitimes» du peuple. Une bouffée d'air qui a encore attisé la révolte des Egyptiens réunis à la place Tahrir, mais devant laquelle plusieurs analystes en relations internationales dans le monde se sont élevés pour dire que s'avancer sur de tels scénarios serait des plus dangereux si jamais il s'avérait que le peuple nourrissait de faux espoirs. Aux alentours de 17h, l'armée se déployait petit à petit sur la place Tahrir, et la déclaration du ministre égyptien de l'Information selon laquelle le Rais ne comptait pas céder son siège avait recommancé à chauffer les foules. Signalons que le premier ministre égyptien, Ahmed Chafik, était le premier à dévoiler que le scénario de la démission de Moubarak était «l'objet de discussions» et que «la situation sera rapidement clarifiée», comme il le déclarait au 17e jour du soulèvement populaire. Dans le même ordre d'idées relatives à un départ volontaire du président égyptien, le secrétaire général du Parti national démocratique (PND), Hossam Badrawi, a indiqué, jeudi, qu'il «espère que le président Hosni Moubarak va transférer le pouvoir au vice-président Omar Suleyman». La démission imminente du Rais n'entrainerait, dans ce cas, aucune rupture majeure dans la continuité du staff au pouvoir depuis 30 ans. Les protestations ont pour leur part gagné l'ensemble du pays, de même que l'armée est sortie pour la première fois de sa neutralité passive en publiant un premier communiqué dans lequel elle «menace» de ne plus rester les bras croisés face aux menaces d'insécurité grandissante qui pèsent sur le pays. Or, la menace est plus adressée au pouvoir qu'à l'égard des manifestants, synonyme probablement de la position de cette même armée qui, au fil de ses discours, durcissait davantage le ton vers le régime Moubarak, probablement aidant à le pousser vers la sortie. Malgré le flou qui persiste sur l'acceptation ou non des manifestants de cette passation de pouvoir entre Moubarak et son vice-président nommé il y a deux semaines, la prise du pouvoir par l'armée sera momentanément légale. La constitution égyptienne permet en effet dans ce genre de circonstances exceptionnelles à l'appareil militaire de prendre les commandes provisoirement. La loi suprême de ce pays permet aussi à l'armée de reprendre les choses en main et préparer des futures élections. Le sort des instances législatives égyptiennes sera aussi connu d'avance, au cas où l'armée décide de mettre en exécution sa stratégie d'entrée dans la scène politique. Le parlement égyptien sera dissout pour des éventuelles élections en mois de septembre prochain, date à laquelle le dernier mandat expire. Dans la foulée, la position des Etats Unis a aussi donné lieu à son lieu de commentaires. Obama, quelques jours plus tôt, invitait Moubarak à «écouter le peuple», pour que, jeudi, la CIA mêla sa voix à celles des dirigeants égyptiens de cette «révolution» pour pencher vers le départ du Rais le soir-même. L'Arabie saoudite est aussi entrée en ligne en soutenant ouvertement le président contesté et en dénonçant «l'ingérence des autres états». L'alliance stratégique des trois pays et leur rôle d'apaisement dans la région ne permet pas cependant ce genre de divergences de vues, au moment ou les saoudiens ont ouvertement proposé leur soutien moral et financier à l'Egypte en cas de sanctions américaines. La position de l'opposition islamiste égyptienne prête elle aussi à confusion à l'heure actuelle. Gêné apparemment par la demande américaine de voir le rais partir, et le refus de s'aligner sur cette position n'a pas permis à la mouvance islamiste la plus importante opposition clandestine du monde arabe refuse d'étaler une opinion claire à propos de sa future participation politique qui pourrait bien renverser plusieurs préjugés véhiculés jusqu'à présent sur la nature du changement politique en Egypte. Invasion sur la Toile Moubarak s'adressera aux Egyptiens, ce soir. Probablement un discours enregistré. Ces quelques mots inscrits sur le mur du fameux groupe «Nous sommes tous des Khaled Saïd», créé sur Facebook, ont provoqué un véritable tollé sur la Toile, jeudi, à l'heure où les regards de milliers de personnes à travers le monde entier, étaient rivés vers la Place Tahrir au Caire. 60, 80, 116, 120... difficile de donner un nombre puisque les internautes sont hyperactifs et les commentaires se multiplient à vue d'œil. En quelques secondes, plus de 100 personnes commentaient ou marquaient le statut du groupe par lequel tout a commencé. C'est dire la puissance du web et particulièrement des réseaux sociaux dans cette révolution populaire. À noter que le groupe compte depuis la libération de son fondateur, Wael Ghoneim, emprisonné pendant 12 jours, quelques 600.000 abonnés. Un nombre encore en croissance. À quelques Tweets de là, les liens fusent : vidéos, photos, commentaires, etc... des milliers d'internautes de part le monde, ont suivi en instantané l'évolution de cette révolution et surtout de l'annonce du discours de Hosni Moubarak, créant ainsi un véritable Buzz sur la Toile. Un seul mot revient sur tous les claviers : Egypt ! La réactivité des réseaux sociaux est telle que les médias d'information (télévision, radio et même la presse écrite) s'en sont inspirés. Histoire d'avoir les «toutes» dernières nouvelles du terrain.