Des milliers de manifestants se sont à nouveau rassemblés jeudi soir sur la place Tahrir, au Caire, dans l'attente fiévreuse des résultats de l'élection présidentielle, quatre jours après la fin des opérations de vote en Egypte. Réunis à l'appel des Frères musulmans, qui revendiquent la victoire de leur candidat Mohamed Morsi, la foule rassemblée dans l'obscurité de la nuit a agité des drapeaux égyptiens et chanté pour dénoncer le report de l'annonce des résultats. Ce report est perçu comme une manoeuvre de l'armée pour tenter de conserver le pouvoir après avoir poussé Hosni Moubarak vers la sortie face à la pression de la rue. Les manifestants ont aussi exigé l'abrogation de la déclaration constitutionnelle effectuée dimanche, en plein dépouillement du vote, par le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirige le processus de transition depuis le renversement d'Hosni Moubarak en février 2011. Ce texte donne provisoirement aux généraux le pouvoir législatif et dépouille le futur chef de l'Etat de quasiment toute prérogative. A l'autre bout de la capitale égyptienne, dans un hôtel luxueux, l'ancien général Ahmed Chafik, qui fut le dernier chef de gouvernement d'Hosni Moubarak, s'est dit certain jeudi de sa victoire à la présidentielle. «Ces manifestations sur les places, les campagnes d'intimidation et la manipulation médiatique, tout cela vise à contraindre la commission électorale à annoncer un certain résultat», a-t-il lancé à ses partisans en liesse. «Je suis totalement convaincu que je serai le vainqueur légitime», a-t-il ajouté, devant les caméras de télévision. Ahmed Chafik a de nouveau lancé un appel au calme et à l'unité en proposant à ses adversaires de participer à son éventuel futur gouvernement. L'attente des résultats n'a pas dégénéré en violences mais ce climat de tensions devrait se prolonger jusqu'à dimanche, vendredi et samedi étant les deux jours du week-end en Egypte. «Nous prenons le temps d'étudier les recours afin de les examiner correctement mais, si Dieu le veut, les résultats seront annoncés dimanche au plus tard, si ce n'est avant», a dit le juge Maher el Beheiri, membre de la commission électorale, à Reuters. Dans un pays habitué aux fraudes électorales depuis que l'armée en a pris les rênes en 1952, les doutes des Frères musulmans sont nourris par le fait que la commission électorale est composée de magistrats nommés à l'époque d'Hosni Moubarak. L'état de santé de l'ancien président renforce l'ambiance électrique au Caire. A 84 ans, Hosni Moubarak a été transféré mardi soir de la prison où il purge une peine de réclusion à perpétuité en raison de la mort de manifestants durant la «révolution du Nil», vers un hôpital militaire. Selon des sources militaires, il alternerait périodes de coma et de réveil mais de nombreux Egyptiens soupçonnent l'armée d'exagérer la faiblesse de son état de santé afin de lui permettre de ne pas purger sa peine. L'un des avocats de l'ancien président, Mohamed Abdel Razek, a déclaré qu'Hosni Moubarak avait été victime d'une attaque après avoir chuté en se rendant seul dans une salle de bain de la prison Tora.