Le candidat des Frères musulmans Mohammed Morsi a revendiqué lundi la victoire à l'élection présidentielle en Egypte, peu après la décision de l'armée de s'octroyer de vastes prérogatives, dénoncée comme un «coup» par les adversaires du pouvoir militaire. Son rival Ahmad Chafiq, le dernier Premier ministre de Hosni Moubarak, a assuré pour sa part que des résultats encore provisoires le plaçaient en tête lors de ce scrutin qui s'est achevé dimanche soir. Un membre de la commission électorale égyptienne a confirmé lundi que le candidat islamiste Mohamed Morsi était arrivé en tête du second tour de l'élection présidentielle de dimanche face à Ahmed Chafik, figure de l'ancien régime. «Les résultats publiés par l'équipe de campagne de Morsi sur son leur internet correspondent en grande partie aux résultats recueillis par la commission électorale», a dit à Reuters ce membre qui a requis l'anonymat. Il faut toutefois attendre les résultats définitifs, a-t-il ajouté, alors que l'équipe de campagne d'Ahmed Chafik a contesté la revendication de victoire formulée par les Frères musulmans. La victoire de M. Morsi, si elle est confirmée, porterait pour la première fois un islamiste à la tête du pays le plus peuplé du monde arabe, avec près de 82 millions d'habitants. Cette présidentielle était la première depuis la chute en février 2011 de Hosni Moubarak sous la pression d'une révolte populaire. Le futur président, quel qu'il soit, disposera toutefois d'une marge de manœuvre très réduite face à la junte aux commandes du pays depuis la chute de M. Moubarak, qui s'est attribuée de vastes pouvoirs peu avant la fermeture des bureaux de vote. «L'armée remet le pouvoir à l'armée», ironisait le quotidien indépendant al-Masri al-Youm, en allusion à la promesse du Conseil suprême des forces armées (CSFA) de remettre les rênes du pays au premier président égyptien librement élu. «Un président sans pouvoirs», titrait un autre journal indépendant, al-Chorouq. La Coalition des jeunes de la révolution, qui regroupe plusieurs mouvements à l'origine de la révolte anti-Moubarak, a dénoncé un «coup» des militaires. «Le Conseil militaire, par ce coup anticonstitutionnel, s'est octroyé des pouvoirs sans précédent. Il ne reconnaît pas et ne reconnaîtra jamais une volonté populaire qui puisse le contredire», écrivent ces militants pro-démocratie dans un communiqué. Parallèlement, le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), bras politique des Frères musulmans, présidé par M. Morsi, a proclamé sur son compte Twitter: «Le docteur Mohammed Morsi est le premier président de la république élu par le peuple». Sa campagne a ensuite annoncé que M. Morsi avait obtenu 52% des voix contre 48% pour M. Chafiq, un chiffre non encore officiel mais repris par la télévision d'Etat. Cette annonce a aussitôt été rejetée par le camp de M. Chafiq, général à la retraite considéré comme le candidat de l'armée. «Nous la rejetons totalement», a déclaré un responsable de la campagne de M. Chafiq, Mahmoud Barakeh, qui a accusé les islamistes de chercher à «détourner le résultat de l'élection». Selon son entourage, M. Chafiq aurait recueilli 51,6% des voix sur la base de résultats partiels. M. Morsi s'est engagé dans une allocution à travailler «main dans la main avec les Egyptiens pour un avenir meilleur, pour la liberté, la démocratie et la paix». Il a aussi promis de «servir tous les Egyptiens» quelles que soient leur obédience politique ou religieuse. Les résultats officiels doivent être annoncés jeudi par la Commission électorale. Le pouvoir législatif aux mains de l'armée Peu après l'annonce du PLJ, des centaines de partisans de M. Morsi ont afflué sur l'emblématique place Tahrir, épicentre de la révolte de janvier/février 2011, pour fêter la «victoire» de leur candidat. Mais les Frères musulmans et les partis de la mouvance révolutionnaire ont fustigé les nouveaux pouvoirs de l'armée. Dimanche soir, le CSFA a annoncé dans une Déclaration constitutionnelle amendée qu'il exercerait le pouvoir législatif jusqu'à l'élection d'une nouvelle Assemblée du peuple, à une date non précisée. La chambre des députés, dominée par les Frères musulmans, a en effet été dissoute samedi en application d'un arrêt de la Haute cour constitutionnelle pour un vice juridique dans la loi électorale. Le nouveau scrutin ne pourra toutefois pas avoir lieu avant l'adoption d'une nouvelle Constitution, qui devra être rédigée par une commission «représentant tous les segments de la société» puis approuvée par référendum, précise le texte. Le CSFA s'est cependant accordé un droit de veto sur tout article qu'il estimerait «contraire aux intérêts suprêmes du pays». La Déclaration stipule aussi que le CSFA garde la haute main sur «tout ce qui relève des forces armées».