L'annonce des résultats de la première élection présidentielle en Egypte depuis le départ en février 2011 de l'ancien président Hosni Moubarak, initialement prévue jeudi, a été reportée à une date non précisée. De leur côté les Frères musulmans égyptiens ont fait monter la pression jeudi sur le pouvoir militaire en affirmant être prêts à maintenir un sit-in place Tahrir au Caire tant que leur candidat Mohamed Morsi ne serait pas reconnu vainqueur de l'élection présidentielle. Selon l'agence officielle MENA, «la commission électorale, dirigée par le juge Farouk Sultan (...) a décidé de reporter l'annonce des résultats du second tour», qui a opposé les 16 et 17 juin l'ultime Premier ministre de M. Moubarak, le général à la retraite Ahmad Chafiq, au Frère musulman Mohammed Morsi, qui ont tous deux clamé leur victoire. La commission électorale examinait mercredi des recours déposés par des avocats des deux candidats concernant des violations des règles encadrant la campagne et le décompte des votes. Elle a indiqué dans un communiqué qu'elle «poursuivait l'examen des recours» et que cela «nécessitait plus de temps avant l'annonce des résultats définitifs». Les Egyptiens attendent les résultats dans un contexte de vives tensions politiques, notamment entre les Frères musulmans et l'armée au pouvoir qui s'est attribué de larges pouvoirs. Mais l'attente des résultats officiels de la présidentielle risque de durer plusieurs jours. Le week-end commence vendredi en Egypte, ce qui pourrait prolonger l'incertitude jusqu'à dimanche. Ce qui accentue les soupçons des adversaires de l'armée dans un pays habitué aux élections frauduleuses depuis que les militaires en ont pris la direction en 1952. «Il n'y a absolument aucune justification au report de l'annonce du résultat», a déclaré mercredi un dirigeant des Frères musulmans, Essam el Erian, à l'antenne d'Al Djazira. Que mijote l'armée ? Le report de la proclamation des résultats de la présidentielle, alimente et amplifie, dans les cafés du Caire et sur les réseaux sociaux, les rumeurs sur une intervention de l'armée, soupçonnée de préparer son déploiement dans les grandes villes du pays. De sources militaires, on répond que l'armée est simplement en état d'alerte de crainte d'éventuelles violences après l'annonce des résultats de la présidentielle. Pour la deuxième nuit consécutive, des milliers de manifestants se sont rassemblés mercredi soir sur la place Tahrir du Caire, épicentre de la révolution ayant abouti au renversement d'Hosni Moubarak 16 mois plus tôt. Ces manifestants exigent de l'armée, qui dirige le processus de transition après avoir mis de côté Hosni Moubarak face à la pression de la rue, qu'elle respecte sa promesse de transmettre le pouvoir aux civils d'ici le 1er juillet. Dans les faits, cet engagement risque de ne pas être honoré. En plein dépouillement du scrutin présidentiel, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) vient de s'arroger le pouvoir législatif après la dissolution du parlement issu des élections remportées par les islamistes l'hiver dernier. Il a en outre par avance dépouillé le futur chef de l'Etat de quasiment toute prérogative dans l'attente de la rédaction de la future Constitution, tâche qu'il pourrait confier à une commission formée par ses soins. Les islamistes font monter la pression Les Frères musulmans égyptiens ont fait monter la pression hier jeudi sur le pouvoir militaire en affirmant être prêts à maintenir un sit-in place Tahrir au Caire tant que leur candidat Mohamed Morsi ne serait pas reconnu vainqueur de l'élection présidentielle. Un haut responsable de la confrérie a également mis en garde contre «une confrontation entre l'armée et le peuple» si le rival de M. Morsi, l'ancien Premier ministre de Hosni Moubarak, Ahmad Chafiq, était déclaré gagnant. Les deux candidats affirment avoir remporté cette première présidentielle depuis la chute de M. Moubarak en février 2011, qui s'est achevée dimanche. Les Frères musulmans protestent également contre les dispositions prises par le Conseil suprême des forces armées (CSFA) au pouvoir, lui permettant d'assurer le pouvoir législatif à la suite de la dissolution la semaine dernière de l'Assemblée dominée par les islamistes. Cette disposition obligera le prochain président à avoir l'aval des militaires pour pouvoir faire passer des lois. L'armée s'est également octroyée de larges prérogatives en matière de sécurité, ainsi que pour contrôler le processus de rédaction de la future constitution. «Nous insistons sur le fait que nous allons rester sur la place Tahrir pour réaliser les objectifs de la révolution», affirme un haut responsable islamiste, Essam el-Erian, sur le site du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), émanation des Frères musulmans. Le journal de ce parti appelle également à un sit-in tant que M. Morsi n'aura pas été déclaré vainqueur. A l'appel de la confrérie, des milliers de personnes ont manifesté mardi à Tahrir, où certains de ses militants sont ensuite restés avec des tentes. Le site cite également un membre du bureau politique de la confrérie, Mahmoud Ghozlan, qui met en garde contre une «confrontation entre l'armée et le peuple» si M. Chafiq était déclaré vainqueur. «L'insistance du camp de M. Chafiq pour dire qu'il a gagné montre les mauvaises intentions du conseil militaire et de la commission électorale», affirme-t-il. Le camp Chafik s'est dit mercredi une nouvelle fois certain de la victoire de l'ancien Premier ministre d'Hosni Moubarak, même si l'un de ses porte-parole a évoqué un scrutin serré. Ahmed Chafik a lui-même lancé mercredi un appel à l'unité nationale et s'est dit prêt à participer à un gouvernement dirigé par les Frères musulmans. Cette lutte de pouvoir entre les islamistes et l'armée, dont les candidats ont recueilli à eux deux moins de la moitié des suffrages au premier tour, place les jeunes révolutionnaires laïques face à une alternative douloureuse. Beaucoup, cependant, préfèrent encore voir Mohamed Morsi élu plutôt qu'Ahmed Chafik. «Toute tentative visant à nous imposer Chafik, toute tentative de manipulation de la part du conseil militaire afin de nous l'imposer plongera l'Egypte dans une période d'instabilité et de tensions», a déclaré Ahmed Maher, du mouvement du 6-Avril, à Reuters. «Nous descendrons dans les rues pour manifester.»