En dépit du constat flagrant de l'échec des dirigeants politiques du monde entier à accorder leurs violons pour faire face aux effets négatifs des changements climatiques, il est évident que la question et les multiples défis qu'elle pose, sont devenus particulièrement importants pour «la réécriture globale de la prospérité, du développement et de la paix», selon les mots du secrétaire générale de l'ONU, Ban Ki-moon, en marge de la Conférence de Copenhague de décembre 2009. La déception qui a fait suite à cette absence d'entente sur les menaces qui guettent notre planète, n'a pas occulté pour autant le débat sur la question du développement durable. Plus que jamais, les défis deviennent de plus en plus visibles aux quatre coins de la planète, et la nécessité d'agir se fait de plus en plus sentir. Les actions des organisations internationales engagées dans ce domaine ne cessent de se multiplier pour inverser la tendance et inciter les responsables à s'attaquer d'urgence à la prise en compte des problémes que soulèvent les changements climatiques, l'insécurité alimentaire et l'épuisement des ressources naturelles. Comme un signe que la question est devenue une priorité mondiale, les partenariats publics-privés et l'instauration de réseaux internationaux foisonnent un peu partout, afin d'optimiser la convergence des actions. En ce sens, le Maroc s'est déjà lancé dans plusieurs initiatives, tant gouvernementales qu'émanant de la société civile et se positionne de ce fait, comme un des pays pionniers de la région, ayant fait le pari d'un véritable développement durable. Preuve en est la tenue, presque simultanément, de deux évènements majeurs, qui témoignent de l'attention particulière qu'accordent les autorités aux questions liées au développement durable, désormais fixé au rang des priorités sur l'agenda gouvernemental. Tout d'abord, la question est au centre des 4e assises et du Salon international de l'agriculture (SIAM) qui se déroulent actuellement à Meknès, sur le thème de l'agriculture durable. En mai prochain, la ville d'Agadir accueillera, à son tour, la 2e édition de la Conférence internationale sur les changements climatiques, l'agriculture, la pêche et les écosystèmes (ICCAFFE 2011). La manifestation fait suite à celle organisée en novembre 2009, dans la même ville, et qui s'était intéressée à la question de l'intégration de l'agriculture durable, du développement rural et des écosystèmes, ainsi qu'au défi des crises alimentaire, climatique et énergétique mondiales. Dans un cas comme dans l'autre, les préoccupations qui font l'objet des principales réflexions de ces rencontres de haut niveau, témoignent de l'ampleur que ne cesse de prendre la question du changement climatique et du développement durable dans la recherche d'une réponse aux défis planétaires actuels. Plus que de simples manifestations, ces rencontres se déclinent, en effet, comme des plateformes d'études, de concertations et de plaidoyers pour une «réinvention, après l'échec de Copenhague, des approches et des pratiques en matière de recherche, d'innovation et de politique», comme le laisse sous-entendre l'esprit de la Conférence d'Agadir, qui veut se positionner comme un espace propice à stimuler les débats et les initiatives entre experts et pouvoirs publics des rives Sud et Nord de la Méditerranée. Pas simple l'équation à résoudre ! Dire que l'intégration des aspects liés aux changements climatiques dans le développement de la croissance est désormais devenue une nécessité peut relever du truisme. Les défis majeurs de notre planète, sont en effet, étroitement liés à ceux d'un développement durable et solidaire. Ces implications se résument en une simple équation, celle de faire du développement durable, dans tous ses différents aspects, une condition préalable au développement de la croissance mondiale. D'ailleurs, peut-il en être autrement quand on tient compte des multiples évènements qui secouent le monde depuis plusieurs décennies et qui sont devenus ces dernières années, de véritables obstacles à tout effort de développement dans son acceptation élémentaire. Les récentes catastrophes naturelles, dont les impacts sont encore vivaces dans tous les esprits et dont les menaces continuent de planer chaque jour comme une épée de Damoclès sur la planète, sont assez révélateurs du risque mondial. La crise alimentaire actuelle et la dernière crise économique, dont les effets sont en train de bouleverser la carte géopolitique de certaines régions du monde, a dévoilé la fragilité de gouvernance de la sécurité alimentaire mondiale, tout en mettant en évidence le potentiel et la nécessité urgente de repenser le modèle de développement, à travers celui d'un système agro-alimentaire durable. Selon les statistiques internationales, plus d'un milliard de personnes (1 personne sur 6), n'ont pas accès aujourd'hui à une alimentation adéquate et suffisante, alors que d'ici 2050, la population mondiale, qui flirtera avec les 9,2 milliards d'individus, va doubler la demande pour les produits agricoles. Il va sans dire que les systèmes agro-alimentaires devront faire face à des contraintes croissantes, conséquence d'une rareté progressive des ressources et du changement climatique. Même si l'amélioration des politiques publiques, du développement industriel et technologique et celui des infrastructures ou des investissements, permettent à court et relativement à moyen terme, de contenir la situation, on risquera à long terme d'assister, sans avoir peur des mots, à une «véritable et irréversible catastrophe planétaire». La sécurité alimentaire, à travers un développement efficacement durable, apparaît donc comme le fondement de tout développement économique ou social, en plus des raisons d'ordre éthique et humanitaire, d'autant plus que les dernières émeutes de la faim et les révolutions arabes naissantes ont partiellement démontré que le risque alimentaire constituait une véritable menace pour la sécurité et la stabilité mondiale. L'optimisation de la gouvernance de la sécurité alimentaire est donc devenue une priorité, surtout qu'à la lumière du contexte actuel, on ne peut que conclure à l'insuffisance des solutions disponibles. Cependant, l'éradication de l'insécurité alimentaire va au-delà des simples réponses à apporter à la recherche de la souveraineté alimentaire, malgré son importance dans ce cadre. Des actions concrètes devront nécessairement accompagner «cette quête d'espoir». L'appauvrissement substantiel de la biodiversité animale et végétale et l'amenuisement sensible des écosystèmes forestiers engendrent également de fortes implications sur la sécurité alimentaire. La conservation de la biodiversité et la rationalisation de l'exploitation des ressources naturelles sont des leviers importants pour parvenir à une sécurité alimentaire, tout en contribuant à adapter l'agriculture au changement climatique. In fine, les défis de la croissance mondiale pourraient trouver des réponses efficaces et efficientes, dans une perspective axée sur un développement durable qui ne saurait se réaliser sans une sécurité alimentaire pérenne. Cela laisse à penser que l'avenir de notre planète et sa survie ne dépendent pas que d'une simple croissance, mais d'une croissance véritablement verte...