Si l'accord de pêche avec l'UE semble être un bon robinet de fonds pour le royaume, au sens le plus trivial de l'expression, cela ne semble toutefois pas être le cas pour les autorités des Vingt Sept. Un rapport secret -encore !-publié par l'organisme français Oceanic Développement et commandité par la Commission européenne (CE), vient relancer les débats qui rythmeront cette année de prolongation de ce partenariat, après son arrivée à échéance en fin février dernier. Le document avancerait en effet «qu'aucune des deux parties contractantes n'aurait bénéficié de substantiels retours, en l'occurrence au profit du contribuable européen». Autrement dit, l'accord de pêche serait tout simplement «improductif». «Chaque euro dépensé par l'UE dans le cadre de cet accord ne génèrerait que 83 centimes de chiffre d'affaires», indiquerait-on dans le document. Plus loin, le même rapport prouverait que «seulement 170 nouveaux emplois ont été créés par l'accord en Europe», après cinq longues années de mise en application. Menaces écolos De plus, le document aurait également tiré un bilan écologique de cet accord, arguant que «les captures opérées par les 100 bateaux européens autorisés auraient contribué à la surexploitation des stocks naturels halieutiques marocains». Un clin d'œil du hasard adressé aux opinions «anti-accord» d'un responsable syndicaliste des professionnels marocains de la pêche, qui était parmi les rares personnes à défendre l'aspect «dévastateur» de l'accord, à la veille de sa reconduction, il y a de cela seulement un mois . D'autre part, on faisait écho dans la presse locale il y a quelques jours, d'une rupture exceptionnelle des stocks en petits pélagiques, depuis octobre dernier, qui aurait contraint à l'arrêt les activités d'une trentaine d'industries de conserves de poissons à Agadir. Ces usines sont pour la plupart alimentées par les stocks naturels du sud du pays. L'accord de pêche n'a pas été cité parmi les causes de ce problème, mais le rapport en question pousse à établir sa culpabilité, même inditecte. En résumé, le Maroc et l'UE se seraient entendus pour repartir sur un deal qui a tout... pour ne pas plaire à l'unanimité. Remous Ces informations ou plutôt «fuites», puisque le rapport est soumis à un accès restreint, ont fait le tour de plusieurs supports de presse européenne en fin de semaine dernière. D'ailleurs, elles n'ont pas tardé à provoquer des remous chez plusieurs acteurs européens et mondiaux du secteur halieutique. Activistes défenseurs de l'environnement, ONG écologistes et eurodéputés «verts», sont montés au créneau. Ce rapport leur donne en effet un argument de taille à faire valoir dans les prochaines séances de réunion du Parlement européen, pour battre en brèche les positions des «pro-accord de pêche». Pour rappel, le Maroc perçoit annuellement, dans le cadre de ce partenariat commercial sur le secteur de la pêche, une contrepartie de 36 millions d'euros versée par l'UE. Une bonne partie de cette somme, serait destinée au financement de projets de modernisation du secteur local, initiés pour la plupart dans le cadre de la stratégie Halieutis. Du côté du ministère de l'Agriculture et de la pêche maritime, aucune réaction n'était encore intervenue au moment où l'on mettait sous presse.Quoi qu'il en soit, malgré quelques réserves émises par des représentants syndicaux des professionnels du secteur, le deal avec l'UE semble exempt de tout déséquilibre, selon les officiels des deux rives.