Pour lutter contre la pauvreté, le Maroc compte parmi ses mécanismes un outil longtemps resté aux oubliettes : le microcrédit. Toutefois, aujourd'hui, ce secteur tente de reprendre ses droits. Les professionnels de cette activité ont ainsi décidé de reprendre les choses en main en organisant d'abord le 1er Symposium international de la microfinance au Maroc. Tariq Sijilmassi, président de la Fédération nationale des associations de microcrédit (FNAM), co-organisateur de l'évènement avec le Centre Mohammed VI de soutien pour la microfinance, l'a promis : une nouvelle édition de ce symposium aura lieu d'ici 1 à 2 ans. D'ores et déjà, les associations de microcrédit (AMC) se sont fixées des objectifs serrés (www.lesechos.ma).Deux chiffres sont à retenir : atteindre un encours de 25 MMDH, contre 5 MMDH actuellement, et 3,2 millions de clients actifs, contre actuellement un peu moins d'un million. Pour y parvenir, le secteur doit mobiliser pas moins de 40 MMDH auprès de ses financiers habituels. «Le financement du secteur pour les 10 années à venir ne représente même pas 1% des crédits à l'économie», illustre Youssef Bencheqroun, D.G d'Al Amana. Depuis ses débuts, le microcrédit a accordé 40 MMDH à ses clients bénéficiaires. «À peine 400 MDH correspondaient aux fonds d'amorçage du début et proviennent de dons ou subventions. Puis le secteur s'est mis à avoir recours aux formes traditionnelles de financement avec 60% auprès des banques locales et 15% auprès des partenaires étrangers» rappelle le Dg d'Al Amana. «Ce qui peut intéresser nos partenaires financiers, c'est de savoir que notre objectif financier est de viser D'ici 10 ans, un coefficient à l'exploitation de 65%, une rentabilité des capitaux propres (ROE) autour de 15% et un portefeuille à risques (PAR) de 4,5%», résume Youssef Bencheqroun. L'année 2011 s'est déjà soldée par un ROE de 11%. Les bailleurs veulent financer Depuis la «crise» qui a touché le secteur entre 2007 et 2010, les statistiques du métier ont meilleure mine. En conséquence, les banquiers de la place et les institutions de financement internationales, présents au symposium de Skhirat, affichent un optimisme sans faille et s'engagent à maintenir leur confiance dans les capacités des AMC à assurer la concrétisation de leurs objectifs. Directeur général du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), El Hadi Chaibainou affirme que les banques de la place assumeront leur rôle de financier. Après tout, «la population du microcrédit est une clientèle avérée pour la banque», souligne-t-il. Autrement dit, le secteur bancaire n'a aucune raison de réduire son soutien financier au microcrédit. L'inclusion financière à laquelle se doit de contribuer le microcrédit semble d'ailleurs bien fonctionner au Maroc. Alors que le taux de bancarisation n'atteignait que 25% en 2006, il s'élève désormais à 52% et devrait, si la dynamique se poursuit, être porté à 66% dans les 3 ans à venir. Les banques ont donc, bien entendu, tout intérêt à suivre de près ce que le microcrédit peut leur apporter. Nombreux sont les bénéficiaires de microcrédits qui finissent par être bancarisés et donc à s'inclure dans le système banquier traditionnel. De son côté, le Fonds Jaïda, organisme semi-public créé en 2007 pour participer au financement du secteur, s'apprête à mettre la main à la pâte. «La part du financement de Jaïda sera porté de 16 à 20% d'ici 2014 avec pour objectif à terme d'atteindre les 30% d'ici 2024» affirme ainsi Abdelkrim Farah, D.G de Jaïda. De la même façon, la Société financière internationale (SFI), importante pourvoyeuse de fonds pour la microfinance à l'échelle mondiale – elle a déjà engagé 2 milliards de dollars de financement dans le monde pour 150 institutions dans 100 pays et 46 millions de dollars au Maroc pour ce secteur – compte bien continuer sur sa lancée. «Nous estimons, à la SFI, qu'accroître l'accès aux services financiers est une condition pour lutter contre la pauvreté. Naturellement, dans ce cadre là, la microfinance prend toute sa place», précise ainsi Hicham Bayali, représentant de la SFI au Maroc. «Au Maroc, nous croyons plus que jamais à la microfinance. Aujourd'hui, nous sommes très satisfaits des orientations prises par le secteur et nous comptons accompagner, comme il se doit, son évolution», affirme ainsi Bayali. Au final, donc, les bailleurs de fonds, qu'ils soient nationaux ou internationaux, s'engagent à financer le secteur. Néanmoins, si ces derniers maintiennent actuellement leurs engagements auprès des grandes AMC marocaines telles qu'Al Amana ou encore la FONDEP, ce n'est pas toujours le cas pour les «petites» associations. Mais les «petites» craignent de se faire oublier Réunies au sein du Réseau pour la microfinance solidaire (RMS), 8 «petites» associations ont décidé l'année dernière de mutualiser leurs efforts pour accélérer leur modernisation. Chapeauté par la fondation Ardi (rattachée au Crédit Agricole), le RMS permet ainsi à ces AMC de s'équiper en systèmes d'information aux meilleurs standards ou encore de consulter la centrale des risques à moindre coût. Néanmoins, ces associations restent sceptiques et tiennent à rappeler aux bailleurs de fonds qu'elles existent. Il faut dire que les recherches de financement ont en effet été plusieurs fois infructueuses au moment de la «crise» du secteur. Solidaires plus que jamais, les «petites» associations souhaitent donc rappeler les bailleurs de fonds à la réalité. Certes, le secteur de la microfinance au Maroc est caractérisé par une dualité grande association/petite association, mais toutes méritent de survivre. Quand les grandes AMC disposent d'un réseau d'agences important, les «petites» sont, quant à elles, au plus proche du client car fortement localisées. La solidarité des AMC, qui tranche aujourd'hui avec les querelles passées, est telle que le secteur réfléchit même à la mise en place d'un fonds de solidarité. Cette piste de réflexion entre d'ailleurs en jeu dans la refonte de la réglementation du secteur au Maroc. Loi bancaire et amendements de la loi sur le microcrédit «La régulation qu'exerce actuellement Bank Al-Maghrib sur le secteur est salutaire. C'est par cette régulation que le secteur peut apporter la pérennisation qui va rassurer le secteur bancaire» résume d'emblée Tariq Sijilmassi. Rappelons donc à ce titre que la future nouvelle loi bancaire doit permettre à Bank Al-Maghrib de récupérer l'ensemble des prérogatives du secteur actuellement aux mains du ministère de l'Economie et des finances. BAM se verra donc prochainement attribuer la mission d'accorder ou de retirer les agréments des AMC. De la même façon, les amendements à venir de la loi 18-97 sur le microcrédit permettront aux AMC qui le souhaitent de migrer vers la société anonyme, et donc la société de financement. Ces deux nouveaux textes, actuellement en discussion au Parlement, sont espérés par l'ensemble du secteur pour la fin d'année, voire début 2013.