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Les industriels paient cash
Publié dans Les ECO le 04 - 09 - 2012

Les cours mondiaux des céréales (blé, maïs, orge,...) flambent depuis plusieurs semaines. Le manque d'eau est historique aux Etats-Unis, en Russie et en Ukraine. Le Maroc, pays importateur de ces matières premières, en ressent depuis des mois, les retombées sur sa balance commerciale déjà plombée par la facture pétrolière. Cela d'autant que même la récolte locale est en forte baisse, atteignant à la mi-août 2012 un volume de 14,5 millions de quintaux (Mqx). Pour ce qui est des stocks des céréales détenus par les opérateurs déclarés à l'ONICL et au niveau des silos portuaires, ils ont atteint 23,5 Mqx à fin juillet, en diminution de 7% par rapport au mois de juin 2012. De quoi nourrir les inquiétudes des professionnels des différentes filières dépendant de l'importation des céréales, dont notamment les minotiers, les industriels (pâtes alimentaires, semoules), les boulangers et les éleveurs de bétail (bovins, ovins, volaille). Certes, l'Etat, pour calmer les esprits, a donné la priorité au blé de la campagne nationale qui continuera d'être écoulé sur le marché jusqu'à fin septembre, avec une probable suspension des droits de douane à l'importation à partir du mois d'octobre prochain. Il n'empêche que les attentes sont fortes pour des mesures urgentes. Pour la stabilité du prix du pain, le gouvernement promet d'intervenir pour contrecarrer la flambée sur le marché international, en subventionnant la différence entre le prix de référence arrêté sur le marché national (290 DH le quintal) et les prix d'importations qui sont devenus moins compétitifs. Or, pour d'autres secteurs, la situation est toute autre. C'est le cas des filières de viandes rouges et de l'aviculture qui, à défaut d'une intervention urgente des pouvoirs publics, n'auraient pour la sauvegarde de leurs marges, que l'option de la répercussion de la hausse des prix des aliments de bétail sur le prix de vente final. Il est à rappeler que ces deux filières, le maïs et l'orge, dont les droits d'importation resteront suspendus jusqu'à fin décembre 2012, constituent les deux principaux produits de base entrant dans l'alimentation du bétail et des volailles. Il reste à noter que c'est surtout la flambée des cours mondiaux du maïs qui rend la vie dure aux opérateurs marocains.
Les cours du maïs ont remonté de 44% depuis début juin pour atteindre un record historique de 356 $/t le 20 juillet. La hausse est accentuée par la détérioration des prévisions de production de maïs aux Etats-Unis, à cause de la pire sécheresse enregistrée depuis 1956 dans le principal bassin de production. Aussi, les perspectives de la production mondiale de maïs pour la saison 2012/13 sont elles révisées à la baisse de 11% (-101 Mt). Les cours du maïs sont également soutenus par une forte demande de la Chine. La consommation chinoise de maïs devrait atteindre 200 Mt en 2012/13, en hausse de 4% (+7 Mt) par rapport à la compagne précédente. Ainsi, la baisse des cours internationaux ne serait pas pour demain. D'où la nécessité de prendre des mesures urgentes pour limiter la répercussion de la hausse sur les prix de vente des viandes rouge et blanche. En effet, les professionnels de la filière de la viande rouge, en pleine période d'engraissement du bétail (ovins) en préparation de l'Aïd al-Adha, demandent la détaxation à l'importation du maïs dans les prochaines semaines. Ceci au risque de voir les prix des moutons augmenter à la vente pendant la période de l'Aïd si l'Etat n'intervient pas au moment opportun. Le secteur de l'aviculture, qui subit aussi la hausse des prix du soja, n'est pas en reste. Il tire à son tour la sonnette d'alarme quant à une hausse des prix. Ainsi, pour limiter l'impact de la hausse des cours du maïs, il préconise à l'Etat la mesure de l'incorporation du blé fourrager dans l'aliment de bétail au lieu de reposer essentiellement sur le maïs. Une mesure qui permettrait de compenser des sorties plus importantes sur un marché international de plus en plus demandeur et donc de plus en plus cher. Pour rappel, les importations de maïs ont atteint au mois de juillet 2012, 2,2Mqx sur des importations globales de céréales qui se sont établies à 2,8 Mqx dont 0,3 Mqx de blé dur, 0,2 Mqx de blé tendre et 0,2 Mqx d'orge, marquant un accroissement de 31% par rapport au cumul à fin juillet 2011. Le Brésil étant le premier fournisseur du Maroc en maïs importé. S'agissant des filières industrielles dont l'activité dépend de la matière première de blé dur, elles gardent le moral dans la mesure où elles reposent toujours sur des stocks constitués avant que les prix du blé dur ne s'inscrivent en hausse. C'est le cas notamment des producteurs des pâtes alimentaires et des semoules fabriquées principalement au Maroc, à partir du blé dur (91%), mais aussi à partir de l'orge (9%). Ainsi, une éventuelle hausse des prix des semoules serait de bonne augure pour les industriels de cette branche d'activité, qui devraient voir leurs marges s'améliorer. En tout état de cause, les prochaines semaines s'annoncent décisives pour le gouvernement. De nombreux professionnels, dont les secteurs sont concernés par les tendances des céréales sur les marchés internationaux, redoutent le scénario de 2007 où les consommateurs, dans plusieurs pays, ont bien subi les hausses des prix du pain, des pâtes et de la viande. Des renchérissements qui ont même entraîné des émeutes de la faim dans certains pays du sud. Le Maroc, à l'époque, n'a pas fait l'exception. Hormis le pain dont le prix est resté stable, tous les autres produits ont vu leurs prix augmenter. Le fait que l'ONICL n'a pas reçu de réponse à ses deux derniers appels d'offres pour importer du blé tendre dans le cadre des contingents américain et européen (300.000 tonnes chacun), inquiète les minotiers et les boulangers. En effet, cette situation liée à la flambée des cours internationaux de blé, compensent largement l'avantage tarifaire. Aussi, les prix d'importations sont-ils devenus moins compétitifs que le prix de référence arrêté sur le marché national (290 DH le quintal). Pour rappel, la loi de finances pour l'année 2012 prévoit la réduction du taux de droit d'importation applicable au blé tendre de 135% à 17,5% dans le cadre du régime fiscal de droit commun et ceci à compter du 1er juin 2012. Elle prévoit également la suspension de la perception du droit d'importation applicable au blé dur et ceci du 1er mai au 31 décembre 2012. Notons que des droits d'importation préférentiels pour le blé tendre sont aussi prévus par l'accord d'association avec l'Union européenne et l'accord de libre -échange avec les Etats-Unis (les contingents sont déterminés en fonction de la production nationale).
Flambée des cours L'EFFET DOMINO
Les boulangers dans l'expectative
Dans un contexte de renchérissement des coûts de production, accentué par une flambée des prix du blé tendre sur les marchés mondiaux, les boulangers sont dans l'expectative. Ils s'attendent à une réactualisation du contrat-programme signé en 2011 avec le gouvernement pour pouvoir continuer à tenir l'une des principales promesses: la non augmentation du prix du pain. «Pour le moment, le marché est bien provisionné et les prix sont stables. Cette situation cependant, risque de ne pas pouvoir se prolonger dans le futur, à cause de la hausse continue des prix du blé tendre sur le marché mondial», a tenu à préciser Lahoussine Azaz, président de la Fédération nationale de la boulangerie et pâtisserie du Maroc, qui craint une dégradation du niveau des stocks de blé dans les semaines qui viennent. Il faut savoir que le prix du pain est libre. Il dépend en fait des fluctuations des cours mondiaux du blé tendre que l'Etat marocain tente de lisser, en interne, en usant de la solution de la subvention, qui pèse sur la Caisse de compensation. Cette année encore, il semblerait, qu'à partir du mois d'octobre prochain, le gouvernement devrait mettre la main à la poche pour faire face à l'insuffisance des stocks de la récolte nationale.
Les viandes rouges subissent
Certains secteurs sont plus sensibles que d'autres. En ce qui concerne l'impact de la flambée des cours des céréales, la production des viandes rouges est loin d'être insensible. «En ce qui nous concerne, il y a un réel risque à ce que certains producteurs de viandes rouges arrêtent l'activité. La majorité des producteurs sont des petits producteurs qui subissent déjà des marges très limitées. Les grands producteurs ont encore de la marge avant d'être touchés», s'inquiète Hammou Ouhelli, président de la Fédération interprofessionnelle des viandes rouges (FIVIAR). Depuis le début de l'année, le secteur subit déjà les conséquences des nombreux aléas climatiques qui ont nui à la production nationale des céréales. «Cette flambée des prix tombe vraiment mal pour nous. Nous allons entamer la période de soudure, c'est-à-dire que les animaux à engraisser vont arrêter de pâturer pour justement commencer à se nourrir à partir d'aliments achetés, donc d'aliments de bétail», explique Ouhelli. Or, les prix de la plupart de ces produits, notamment le maïs, ont déjà augmenté de 30% depuis 1 mois. De la même façon, le secteur est fortement impacté par le fait que le troupeau mère, qui produit les animaux à engraisser, va bientôt devoir être nourri par l'aliment de bétail car cette année, les stocks de paille et de fourrage sont très faibles. Pour les éleveurs, il serait difficile d'impacter cette hausse sur les prix à la consommation, compte tenu du pouvoir d'achat limité des Marocains. À quelques semaines de l'Aïd, prévu vers la fin octobre prochain, la situation est de plus en plus tendue. «Si le gouvernement réagit et allège les taxations, les choses resteront inchangées. Néanmoins, c'est une décision que le gouvernement doit prendre rapidement. D'ici octobre, l'Etat doit intervenir. Sinon, il faudra effectivement s'attendre à des prix plus chers», conclut Ouhalli. En attendant, les producteurs de viandes rouges peuvent compter sur l'éventuelle augmentation de l'importation d'orge qui pourrait limiter la consommation de maïs non subventionné, rappelons-le.
Les minotiers tirent la sonnette d'alarme
«Le gouvernement doit définitivement trouver une solution d'ici la fin du mois de septembre pour stabiliser les prix», s'alarme un minotier. Une alerte lancée par référence au niveau des stocks d'ici la fin du mois courant. «Certains moulins verront leurs stocks s'épuiser d'ici une semaine. À partir de là, l'Etat sera obligé d'intervenir à nouveau pour maintenir les prix que nous avons fixés ensemble. Il devra alors très certainement augmenter la subvention qui est appliquée. Il ne pourra pas faire autrement s'il souhaite que le prix du pain reste à 1,20 DH», renchérit ainsi ce professionnel. Il faut rappeler, à ce titre, que le prix référentiel pour le blé tendre arrivé au moulin est arrêté à 290 DH le quintal, avec une subvention forfaitaire de 30 DH le quintal. Quant au prix de la farine de luxe, il ne doit pas dépasser 350 DH le quintal.
L'aviculture déplumée
L'aviculture subit aussi. Rappelons à ce titre que l'alimentation des volailles pèse pour 80% du coût de production. «Du fait de la tendance générale à l'augmentation, nos coûts de production ont sensiblement augmenté. Et cela s'est déjà traduit par une augmentation des prix à la consommation, vers la fin du mois de ramadan et jusqu'à la semaine dernière ,de + 20% environ. Depuis 2 à 3 jours, les prix ont tendance à revenir à la normale», nous précise Youssef Alaoui, président de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA). Les professionnels ont également pris attache avec le ministère de l'Agriculture pour discuter des éventuelles mesures à prendre. Certes, le gouvernement a déjà supprimé les droits d'importation sur certaines céréales. «Quelques autres mesures permettraient de soulager nos dépenses et éviter d'autres augmentations des prix à la consommation. Le gouvernement doit trancher prochainement au sujet de ces mesures supplémentaires», ajoute Youssef Alaoui. Ce dernier explique ainsi que l'Etat pourrait par exemple autoriser l'incorporation de blé fourragé dans l'aliment de bétail. Cela permettrait ainsi de réduire la consommation de maïs, non subventionné.
Pâtes et couscous, l'attentisme est de mise
La tendance haussière des cours mondiaux des céréales ne semble pas trop inquiéter les patrons des industries spécialisées dans la production des pâtes alimentaires et de la semoule. «Nous n'avons pas encore senti d'impacts sur notre activité. Si toutefois nous sommes touchés, nous le sentirons dans un ou deux mois. Pour l'heure, nous assurons notre production grâce à notre stock de blé importé qui devrait perdurer pendant deux mois maximum», a indiqué Mohamed Khalil, pdg de Dari Couspate qui estime qu'il est prématuré de juger l'impact du renchérissement des prix des matières premières (blé dur, orge,..) sur leurs marges. Il est à noter par ailleurs que celles-ci pourraient s'apprécier si les prix du produit final (couscous, pâtes alimentaires.) augmentent dans les rayons des magasins. Et à Mohamed Khalil de poursuivre, «si nous constatons un impact réel de l'augmentation du cours des matières premières, nous serons sûrement amenés à répercuter cet impact progressivement sur nos prix à la consommation. Toutefois, si nous devons procéder à une augmentation de nos prix, cela se fera par étapes. Il est hors de question pour nous de répercuter une augmentation de 50% des matières premières sur nos prix dans les mêmes proportions». Par ailleurs, l'opérateur privilégie une démarche prudente : «De toute façon, nous devons patienter pour évaluer l'impact réel sur nos dépenses. Une fois notre stock épuisé, nous pourrons faire nos calculs et prendre les mesures qui nous semblent les plus adéquates».
Les biscuitiers relativisent
Au sein de l'Association des biscuitiers, chocolatiers et confiseurs, l'inquiétude n'est pas encore au rendez-vous. Pour Abdelaziz Alaoui, son directeur, le gouvernement fait tout pour maintenir des prix raisonnables. «L'exonération des droits de douane a ainsi été prolongée jusqu'à une date indéterminée, mais logiquement elle devrait continuer jusqu'à la fin de l'année», précise ainsi Alaoui. Il faut dire que le secteur de la biscuiterie, consomme certes de la farine, mais ne figure pas parmi les plus gros consommateurs de cette denrée. Les professionnels se sentent relativement protégés. «Les moulins ont tout intérêt à écouler la farine de luxe qu'ils produisent, exclusivement utilisée par les biscuitiers au niveau de l'industrie. C'est pour cela que nous entretenons d'ailleurs d'excellentes relations avec les minotiers», ajoute Abdelaziz Alaoui. Les biscuitiers consomment ainsi, chaque année, entre 50.000 et 60.000 tonnes de farine de luxe, ce qui représente un peu moins de 10% de la production nationale. «Nous ne représentons pas grand-chose dans la consommation nationale de farine. Je doute donc qu'il y ait une augmentation des prix des biscuits. Si le tonnage d'utilisation avait été plus important, l'impact de la flambée des cours de céréales aurait été bien plus important que ce qu'il est pour l'instant. De manière générale, nous sommes davantage concernés par l'éventuelle fluctuation des prix du sucre. Si toutefois il devait y avoir un impact, nous ne le constaterions que dans 3 ou 4 mois car, pour l'instant, nous travaillons grâce à nos stocks», conclut Abdelaziz Alaoui. Rappelons par ailleurs que les professionnels de la biscuiterie se sont battus pour obtenir des quotas d'intrants.


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