C'est parti pour le long processus devant amener à l'élaboration puis à la finalisation et au vote du projet de loi de Finances 2013. Le ministère des Finances a en effet activé le chantier de la loi de Finances 2013 ces dernières semaines. Dans les coulisses du ministère de l'Economie et des finances, on dit même que la lettre de cadrage est pratiquement en cours de finalisation. Notons que le sujet à même été déjà discuté dans le cadre de la réunion du Conseil du gouvernement du 27 juillet dernier. Cependant, à ce jour, il était toujours difficile d'en savoir plus sur le contenu de cette lettre de cadrage, ni sur les hypothèses qu'elle retenait. «Nous sommes en train de finalier toute cela et les détails seront rendus publics le moment venu», a déclaré Nizar Baraka aux Echos quotidien. Une question de jours selon le ministre des finances. Pour l'instant la seule information publique est que le Conseil de gouvernement du 27 juillet a bel et bien étudié la question. Il faut dire que le gouvernement joue la prudence, vu la particularité et la symbolique de ce projet de loi de Finances. Il s'agit en effet du première qu'il aura à mettre en œuvre de bout en bout et désormais, il ne pourra plus faire valoir la carte d'un Budget qui lui aurait été imposé par son prédécesseur, pour justifier des décisions délicates. Le gouvernement sait pertinemment que l'opposition l'attend d'un pied ferme sur ce front. Mais ce n'est pas tout, la loi de finances 2013 est compliquée à boucler vu le manque de visibilité et la forte volatilité des cours à l'international. Mais il n'empêche que vu les derniers rebondissements, quelques pistes se dégagent et laissent entrevoir certaines orientations évidentes pour le Budget. Quelles hypothèses retenir ? D'abord, sur le volet de la croissance, on se dirige vraisemblablement vers l'option d'un taux de croissance de près de 4%. Ce dernier, moins optimiste que celui des dernières années (même celui de 2012 était validé à un niveau supérieur au départ), s'expliquerait principalement par une conjoncture difficile attendue durant le premier semestre 2013 dans la lancée de la conjoncture actuelle. Selon plusieurs observateurs, l'économie marocaine continue d'être impactée par les méfaits de la conjoncture en Europe et la situation risque encore de perdurer, voire de s'aggraver. Cependant, en parallèle, un retour à la normale de la campagne agricole en 2013, après une saison 2012 difficile, pourrait jouer en faveur de la croissance. En cas de bonne campagne agricole en 2013, le Maroc pourrait même prétendre retrouver ses 5% de croissance réalisés ces dernières années, un niveau cependant encore loin des 7% de croissance promise par le gouvernement comme moyenne durant son mandat. C'est du moins là les éléments que, semble-t-il, devra prendre en compte le gouvernement pour arrêter son hypothèse de croissance pour l'année 2013. Pour ce qui est de l'inflation, l'autre hypothèse majeure prise en compte dans la lettre de cadrage, le taux retenu par les finances se limiterait une nouvelle fois à 2%. C'est d'ailleurs ce que prévoit la Banque centrale comme prévisions inflationnistes sur les trois premiers trimestres de 2013. Ceci est d'autant plus justifiable que la réforme de la Caisse de compensation, promise à un temps pour courant 2012, semble aujourd'hui reléguée pour plus tard, si l'on en croit les dernières déclarations de Najib Boulif qui rappelait la semaine dernière que cette réforme devait être réfléchie et progressive. On voit donc mal cette réforme voir le jour d'ici la fin de l'année, alors que le ministère s'apprêterait à peine à lancer une étude d'impact sur les acteurs sociaux et économiques de cette réforme. Sans celle-ci, les pressions inflationnistes sur les prix devraient rester modérées. Il reste maintenant à savoir de quelle manière le gouvernement procédera pour limiter, comme promis, le budget alloué à la compensation. Par ailleurs, le volet du déficit budgétaire reste le point qui attise le plus la curiosité. D'un côté, le ministre des Finances enchaîne les sorties où il insiste sur la nécessité de conserver «l'indépendance de la décision économique». En d'autres termes, il s'agit de maintenir le déficit à un niveau acceptable par les principaux bailleurs de fonds du royaume, soit aux alentours de 3%. Or, cantonner le déficit à ce niveau reviendrait à faire des sacrifices dont les répercussions sur l'économie nationale risquent d'être lourdes. En effet, choisir de réduire le déficit veut dire inéluctablement réduire le budget des dépenses. À ce titre, on sait déjà que l'une des orientations majeures de cette lettre de cadrage, sera l'optimisation des charges de fonctionnement de l'Etat, via par exemple une meilleure maîtrise des charges liées au parc automobile de l'Etat. D'ailleurs, dans les couloirs de la primature, on parle déjà «d'introduction dans le projet de loi de Finances de mesures restrictives dans ce sens». Ceci dit, quand bien même cette mesure est retenue dans le cadre du PLF 2013, elle ne permettrait pas à elle seule de réduire quasiment de moitié le déficit. Il faudrait donc logiquement couper dans le budget réservé à l'investissement. Or, nul n'ignore que l'Etat fait de l'investissement public la véritable locomotive de la croissance ces dernières années. Comment l'équipe Benkirane pourra-t-elle alors concilier les deux points ? Selon nos sources, 2013 marquera l'entame de la nouvelle stratégie de l'Etat en matière d'investissement. Désormais, l'Exécutif compte orienter de plus en plus ces investissements vers ce qui est «rentable». C'est d'ailleurs là l'un des principaux reproches qui étaient jusque-là adressés au royaume, ses investissements publics ayant souvent eu un caractère social, ce qui ne permettait pas de les rentabiliser. Il faudra donc s'attendre à une politique d'austérité bien que sur le papier, le gouvernement pourrait bel et bien afficher des hausses à deux chiffres des investissements publics, des lignes qui ne seraient finalement pas totalement consommées, comme ce que l'on s'apprête à vivre pour fin 2012. Parallèlement, l'accent sur la loi de Finances sera mis sur l'amélioration des recettes, notamment fiscales. À ce titre, la direction des impôts a déjà lancé un signal fort en axant sa nouvelle stratégie sur l'élargissement de l'assiette fiscale, mais surtout sur le contrôle et le recouvrement. Un baril à 100 dollars Il restera à résoudre l'équation de la facture énergétique. En effet, notons que son alourdissement est, selon les officiels Marocains, la principale source de creusement du déficit commercial. Pour la lettre de cadrage de 2013, on tend une nouvelle fois vers la retenue d'un baril de pétrole à 100 dollars. C'est le même niveau de la dernière loi de Finances, à une différence près : les 100 dollars de l'année dernière paraissaient être une hypothèse sur-optimiste au vu de la situation des marchés premiers à l'époque, et c'est ce qui s'est avéré juste sur le premiers mois de l'année 2012, où l'Etat a dû acheter son pétrole à 114 dollars en moyenne. Désormais, la donne n'est plus la même et le fait de retenir un baril à 100 dollars rejoindrait les prévisions des plus grandes institutions internationales. Plusieurs d'entre elles prévoient en effet un baril en dessous des 100 dollars, en raison principalement de la sortie de crise qui tarde à voir le jour dans plusieurs zones du monde, notamment en Europe, et le ralentissement confirmé de l'économie chinoise. Le seul risque qui pourrait entraver ces calculs, se trouve du côté des conflits géostratégiques, notamment en Iran et en Syrie. Sans quoi, l'hypothèse d'un baril de pétrole à 100 dollars paraît aujourd'hui des plus logiques. lll