La Politique de la ville est officiellement lancée. Présidées par le ministre de l'Habitat, de l'urbanisme et de la politique de la ville, Mohamed Nabil Benabdellah, les Assises nationales dédiées à cette thématique se sont ainsi déroulées hier. L'occasion de discuter, suivant trois panels différents, de ce qui fera date dans le fondement de la politique de la ville au Maroc, «le projet de référentiel». Ce projet, indique le ministre de tutelle, «annonce les grands principes, les finalités, les objectifs ainsi que la démarche de mise en œuvre de la Politique de la ville tout en se gardant bien de la figer dans un schéma définitif». Techniquement, les principes de ce référentiel ont été élaborés de manière à promouvoir une démarche participative, suivant une «approche transversale des actions». Transversalité, convergence, contractualisation, déconcentration et évaluation font d'ailleurs partie de ces actions. «En termes d'orientation, le référentiel expose une série d'objectifs et de finalités, à ce point nombreuses et ambitieuses que nous en venions à nous demander s'ils pouvaient tous être atteints et réalisés», commente à ce titre Mohamed Nabil Benabdellah. Equité sociale, mixité et diversité, production et innovation, environnement, mobilité, culture, mémoire, voire réhabilitation architecturale, revitalisation sectorielle... la liste est aussi longue que les ambitions affichées de Benabdellah pour le quinquennat. En face, les quelques instruments d'intervention présentés à ce jour restent timides. Il s'agit en effet de créer une structure de coordination, chapeautée par le chef de gouvernement, chargée d'établir un cadrage juridique, d'instaurer «un cadre institutionnel d'opérationnalisation des programmes retenus», le lancement de sites pilotes et la promotion de la contractualisation. À ce stade, ces modes d'intervention relèvent davantage de la contingence opérationnelle que de modalités d'actions claires et définies. D'ailleurs, à la question de savoir si d'autres étapes sont prévues pour achever la mise en place des fondements de la Politique de la ville, Benabdellah rétorque que ses services passeront «directement à l'action». Autrement dit, la Politique de la ville, à l'image de ce qui s'est passé en France depuis la fin des années 1970, se construira sur le terrain, au gré des expériences, et des échecs aussi. Un travail de longue haleine donc qui mériterait un cadre de mise en œuvre autonome, autrement dit piloté par le gouvernement, supporté par les collectivités locales, mais suivi, évalué et recadré par des instances qui demandent à être créées pour mener des mission ciblées et coordonnées. C'est à ce niveau précis que réside l'idée de «consensus», telle qu'elle est déployée par exemple dans les pays du nord de l'Europe. Tout un chantier D'ailleurs, a prévenu le chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, lors de cet évènement, «si nous faisons des Assises sans suites, sans résultats ultérieurs, nous pouvons également nous en passer». Et d'ajouter à l'adresse de son ministre de l'Habitat, de l'urbanisme et de la Politique de la ville : «Je veux des réalisations concrètes». Un volontarisme de bienséance qui engage pourtant l'un comme l'autre. La politique de la ville a d'ailleurs de grandes chances d'être le projet phare du quinquennat. D'autant qu'elle renvoie à une politique publique nouvelle pour le royaume, dans un contexte aussi où l'état des villes marocaines – Casablanca cristallise à elle seule tous les maux urbains du territoire – nécessite une refondation urgente. Tous les éléments sont a priori réunis pour que cette Politique suscite l'assentiment de tout le monde, des collectivités locales aux populations locales, en passant par le secteur privé. Or, note Mohamed Nabil Benabdellah, lui même, «les problèmes sont légions, et demandent beaucoup de volonté de notre part pour rassembler l'ensemble des parties prenantes autour d'une seule vision partagée». Connaissant l'état de fonctionnement et de gestion des collectivités locales nationales, ce chantier mériterait à lui seul une Politique de la ville dédiée. Dans le même sillage, l'application des plans d'urbanisme par les collectivités représente elle aussi un grand défi auquel seront confrontés les services de Benabdellah. Ce qui fait dire au ministre que «seules les villes qui afficheront une volonté d'améliorer leurs conditions de vie et de gestion auront notre appui». Point de vue Nabil Benabdellah ministre de l'Habitat, de l'urbanisme et de la politique de la ville Il est certain qu'il ne faut pas faire supporter à la Politique de la ville ce qu'elle ne peut supporter. Celle-ci vient en appoint des politiques publiques déjà existantes. Elle va permettre de globaliser l'ensemble des actions territoriales et sectorielles, de rendre plus cohérentes les interventions publiques, de fédérer les énergies en créant des synergies. C'est avant tout l'expression d'une volonté politique interministérielle et intersectorielle. Ceux qui s'attendent à ce que le ministère de la Politique de la ville, avec les moyens dont il dispose, remodèle à lui seul toutes les villes du territoire national, se trompent. Notre action passe par la nécessité de mobiliser les conseillers élus, les autorités locales, tous les ministères concernés, les acteurs de la société civile et du monde économique, les fédérations professionnelles, etc. Nous devons trouver une volonté partagée d'initier des projets de ville concrets et de nous unir autour d'objectifs communs pour gérer à la fois les problèmes globaux (restructuration, donner une âme nouvelle, etc) de la ville et les problèmes spécifiques (un quartier en délabrement, désenclaver une zone périurbaine, rénover le centre d'une ville comme Casa, Fès ou Oujda par exemple, etc). Il faut aussi sauver ce qui peut l'être et ouvrir de nouvelles perspectives pour nos villes. Concernant la question de la volonté des villes à s'inscrire dans la politique de cette dernière, je pense qu'il faut au départ absolument lancer des expériences pilotes, pour créer des émulations dans toutes les autres villes. Je vais aller là où je peux donner l'exemple, créer un modèle, en rassemblant avec moi tous les ministères qu'il faudra, Culture, Commerce, Industrie, Economie, Santé, etc. Notre rôle est de fédérer d'abord et de créer du mouvement ensuite. Après la concertation, la prochaine étape est l'action.