5% pour la Banque mondiale, 4,3% selon le Haut commissariat au plan... la croissance serait décidément au rendez-vous en 2013. C'est du moins ce que l'on serait tenté de déduire de la lecture des prévisions publiées par les deux organismes au courant des deux derniers jours. En effet, alors que l'on s'apprête à boucler une année budgétaire 2012 considérée comme étant la plus difficile pour l'économie marocaine depuis plusieurs années, voilà que les regards se tournent déjà vers l'analyse des perspectives de croissance pour 2013. Il faut dire qu'à la veille de l'entame des travaux d'élaboration du projet de loi de finances 2013, cette question prend toute son importance en vue de déterminer l'une des principales hypothèses sur lesquelles se basera le budget 2013. D'emblée, on peut dire qu'il existe un consensus chez les deux organismes sur une reprise de l'activité économique à partir du prochain exercice. En effet, si pour 2012 le Maroc pourra à peine espérer dépasser 2% de croissance, pour 2013 celle-ci devrait doubler pour revenir à des niveaux proches des 5% réalisés ces dernières années. C'est en tout cas ce sur quoi s'accordent à la fois les analystes de la Banque mondiale et ceux du HCP. Pour les premiers, il est en effet question d'une croissance proche de 5% dès 2013, sous l'effet d'une reprise des transferts de fonds en provenance de l'étranger, d'un regain de dynamisme dans l'industrie touristique, ainsi que sous l'effet d'un soutien des investissements directs étrangers (IDE). Pour ce qui est du HCP, il prévoit pour sa part un taux de croissance de 4,3% en 2013 et cela grâce principalement à la reprise que devrait connaître le secteur agricole. En effet, un retour à la normale de l'activité primaire la saison prochaine après une saison 2011-2012 lourdement impactée par les aléas climatiques devrait fournir une contribution positive à la croissance de l'économie. Le maintien du dynamisme des activités non agricoles devrait également jouer un rôle important dans le relèvement du taux de croissance en 2013. C'est dire tout l'optimisme qui se dégage de l'analyse des prévisions élaborées pour l'économie marocaine, au titre de l'exercice à venir. Il reste maintenant à savoir à quel degré faut-il se fier à ces prévisions ? Certes, le rang qu'occupe les deux établissements, que ce soit la Banque mondiale ou le HCP, donne un minimum de crédibilité aux données retenues pour l'élaboration de ces prévisions. Cependant, en analysant les déterminants arguant ces prévisions, on serait tenté de se poser beaucoup de questions. Hypothèses risquées ? Pour le cas de la Banque mondiale, elle table pour le Maroc, la Jordanie et dans une moindre mesure le Liban, sur le soutien des transferts provenant de l'étranger, des IDE et du tourisme. Or, il n'est un secret pour personne que ces trois facteurs restent étroitement liés à la conjoncture internationale. À ce niveau, les perspectives ne s'annoncent guère réjouissantes. Le marché européen, principal pourvoyeur de fonds et de touristes pour le Maroc, se voit empêtrer, jour après jour dans une crise qui s'enfonce davantage. La polémique entourant la situation des banques en Espagne, les chiffres périodiques de la situation économique dans d'autres pays comme l'Italie (principal pourvoyeur de transfert des MRE) et la crise qui perdure en Grèce, ne donnent en effet aucune visibilité sur une proche sortie de crise du vieux continent. Sans cette sortie de crise, les risques persistent sur l'impact de la conjoncture européenne sur deux des trois facteurs cités par la Banque mondiale. Pourquoi donc la Banque mondiale s'affirme-t-elle aussi optimiste sur des hypothèses liées à la situation en Europe ? En lisant son rapport sur les perspectives de croissance dans la région MENA force est de constater que l'institution part du principe qu'une sortie de crise de la Grèce au deuxième semestre 2012 pourrait tirer avec elle la croissance en Europe, impactant ainsi positivement le Maroc. «Pour le pays importateur de pétrole, la reprise sur le marché européen au cours de la seconde moitié de 2012 devrait entraîner une reprise des exportations de biens et dans une moindre mesure, des envois de fonds des travailleurs, et du tourisme», peut-on lire dans le rapport de la Banque mondiale. Cette dernière reconnaît toutefois que les risques qui émanent d'une non-sortie de crise de la Grèce demeurent «palpables». Dans ces conditions, seul le critère des IDE paraît recevable, dans le sens où les efforts de promotion du Maroc sur de nouveaux marchés, à l'image de ceux du golf, pourraient porter leurs fruits. D'ailleurs, l'institution mondiale ne manque pas de souligner que les pays qui ont des liens étroits avec le Conseil de coopération du Golfe pourraient compter sur le soutien financier du CCG pour soutenir leur croissance. Prions pour la pluie ! Pour les prévisions du HCP, la contribution du secteur agricole est conditionnée par des conditions climatiques favorables à la saison agricole. Or, pour l'heure, difficile de pouvoir se prononcer sur le sujet et les risques entourant la croissance du secteur primaire, lesquels demeurent importants. Au niveau de la dynamique des secteurs non-agricoles, «celle-ci s'inscrirait cependant sur un sentier de croissance en léger ralentissement, passant de 4,3% en 2012 à 4,1% en 2013», reconnaît-on auprès du HCP. Les activités du secteur secondaire dégageraient certes une valeur ajoutée en progression de 4,9% au lieu de 4,4% en 2012, mais celle du secteur tertiaire s'établirait à 3,7% au lieu de 4,2%, selon les prévisions même du HCP. Par ailleurs, l'établissement dirigé par Ahmed Lahlimi souligne l'impact négatif que continuera à avoir le déficit de la balance commerciale sur la croissance. D'après lui, la contribution négative des échanges extérieurs nets de biens et services à la croissance économique devrait s'accentuer, passant de 1,1 point en 2012 à 2 points en 2013. Néanmoins, la prévision annoncée de 4,3% tiendrait déjà compte de ce facteur. Ce sont donc des prévisions certes rassurantes que celles que viennent de publier la Banque mondiale et le HCP. Cependant, les risques de réalisation de leurs déterminants demeurent importants et rien n'assure encore au Maroc l'accélération de la croissance espérée pour 2013. Investissement public Moins de soutien à la croissance en 2013 ? Faudra-t-il compter sur la dynamique des investissements publics en soutien à la croissance en 2013 ? La question se pose aujourd'hui avec acuité, alors que l'impact de la croissance molle de 2012 risque fortement de peser sur les finances de l'Etat. En effet, si pour les recettes publiques de cette année, la faible croissance économique de 2012 n'aura pas d'impact, il n'en est pas de même pour 2013. De l'avis même du ministre de l'Economie et des finances, Nizar Baraka, interpellé par des parlementaires fin avril dernier à l'occasion de la révision à la baisse de l'hypothèse de croissance dans la loi de finances 2012, le ralentissement de l'économie marocaine en 2012 risque de peser sur l'IS que devront payer les entreprises en 2013. Il est difficile pour l'heure de chiffrer cet impact. Ce qui est sûr en revanche, c'est que cette situation s'avère problématique, dans le sens où même avec des taux de croissance de 5% ces dernières années, l'Etat peinait à limiter son déficit budgétaire. Si jusque là, des arbitrages ont souvent été faits au profit du maintien de la dynamique des investissements publics, des risques pèsent donc sur le maintien de la même logique en 2013, où les recettes fiscales se feraient moindres. Si cela se confirme, le soutien de l'investissement à la croissance économique risque de s'affaiblir durant le prochain exercice. Demande intérieure Retournement de tendance C'est l'un des principaux facteurs contribuant à la croissance du Maroc ces dernières années. Pourtant, en 2013, les risques de voir cette contribution s'affaiblir sont pesants. Selon le HCP, la contribution de la demande intérieure à la croissance s'élèverait à 6,2 points en 2013 au lieu de 3,5 points en 2012, suite à l'augmentation de la consommation des ménages de 4,5% en volume au lieu de 2,3% en 2012. Celle des administrations publiques passera à 3% au lieu de 12,5%. La récente augmentation des prix du carburant devrait accroître les prix intérieurs, réduire le pouvoir d'achat. Elle se traduirait aussi par une baisse de l'investissement, de l'emploi et de la croissance. Les estimations font ressortir que la baisse devrait passer de 0,98% en 2012 à 1,53% en 2013, pour se stabiliser aux alentours de 0,97% en 2016-2017. Par ailleurs, la situation des liquidités bancaires, dont le déficit devrait se poursuivre en 2013 sous l'effet du déséquilibre de la balance des paiements, se traduit par des risques sur la capacité des banques à soutenir le financement des ménages, et partant, de la consommation interne.