La ratification de l'accord agricole par le Parlement européen continue à faire des remous en Espagne. Le ministre de l'Agriculture, Arias Cañete, a promis aux agriculteurs de rectifier le tir. Le gouvernement de Rajoy a déclaré qu'il essayera de corriger, via des négociations avec Bruxelles, les anomalies de l'accord agricole Maroc-UE. De fait, le sujet a déclenché une guerre intestine en Espagne. Les socialistes ont sauté sur l'occasion pour dénoncer la léthargie du gouvernement conservateur face à un thème considéré comme influent sur une économie espagnole déjà en berne. Mais le gouvernement de Rajoy ne s'est pas fait prier pour remettre les pendules à l'heure. Conscients que les socialistes rient sous cape de l'échec des populaires à freiner le vote majoritaire de l'Hémicycle européen, les conservateurs n'ont pas hésité à démontrer la part de responsabilité des socialistes du temps où ils étaient aux commandes du pays. Durant sa comparution devant le Sénat mardi, le ministre de l'Agriculture a souligné que le gouvernement de Rajoy n'a pu intervenir que durant la dernière phase du processus, étape où les dés étaient presque jetés. Le ministre a même brandi un article daté de 2010 et cosigné par deux secrétaires d'Etat du gouvernement socialiste d'alors, où ceux-ci font l'éloge de l'accord agricole et de la coopération maroco-européenne. Du côté du reste des formations politiques, les partis d'extrême gauche ont promis de descendre dans les rues pour paralyser l'entrée en vigueur du pacte et promettent une forte mobilisation au sein des institutions européennes. Au même moment, le lobbying continue au niveau de Bruxelles. Les eurodéputés espagnols veulent démontrer au Commissaire européen à l'Agriculture Dacian Ciolos que les services douaniers de leur pays ne disposent guère d'instruments juridiques leur permettant de réaliser une traçabilité des prix déclarés par les importateurs. «Ce sont ces lacunes juridiques de la réglementation européenne qui permettent les fraudes dénoncées par les producteurs depuis des années», s'est expliquée l'eurodéputé Esther Herranz. Les parlementaires européens espagnols ont appelé le Commissaire Ciolos à mettre en place les dispositifs nécessaires pour que les autorités espagnoles puissent faire un suivi scrupuleux des importations procédant de pays tiers. Du côté des producteurs, l'affaire a pris les allures d'un duel à fleurets mouchetés entre un représentant de la centrale syndicale CCOO (Commissions ouvrières) et le secrétaire général de COAG. Le syndicaliste a appelé les agriculteurs à cesser de «se lamenter toujours» à cause des accords avec le Maroc vu qu'il existe une nuée d'entrepreneurs espagnols qui produisent au royaume et exportent à l'Union européenne. Les affirmations du syndicaliste n'étaient pas du goût du producteur et ont provoqué un malaise au sein du lobby qui voit le front anti-Maroc battre de l'aile. D'autre part, des voix s'élèvent pour dénoncer l'appui inconditionnel de la France au partenariat. Pour le professeur Lamo De Espinosa, professeur d'économie agraire à la faculté polytechnique de Madrid, la France est le seul pays européen bénéficiaire de l'accord avec le Maroc. Selon les explications fournies, pour être le principal producteur de céréales et de lait, l'Hexagone tire profit de cet accord puisqu'il sera en mesure d'écouler davantage de produits sur le marché européen, au grand bonheur de ses producteurs et au détriment des espagnols.