Les agriculteurs espagnols reprennent du poil de la bête. Les réunions entre les organisations agraires et les eurodéputés de la Commission de l'agriculture se sont multipliées durant cette dernière semaine. Une bataille semble délocaliser le débat au niveau du Parlement européen. L'objectif est de barrer la route au texte en s'appuyant sur l'aide des eurodéputés. Ledit texte atterrira au Parlement européen au mois de juin prochain. COAG, la formation agricole la plus en vue en Espagne, tente de démontrer les pertes que pourrait engendrer l'augmentation des quotas marocains. Les agriculteurs multiplient leur action de lobbying à Bruxelles où ils ont trouvé auprès des Verts européens un soutien inconditionnel. Les deux alliés se penchent sur la mise en place d'actions visant à avorter la ratification de l'accord par les eurodéputés. Dans ce sens, une cellule de crise est en gestation. Elle aura pour mission de paralyser l'approbation du texte. Cela a été décidé à Bruxelles lors d'une réunion présidée par l'eurodéputé José Bové qui occupe aussi le poste de vice-président de la Commission de l'agriculture au sein du Parlement européen. Les agriculteurs français et italiens sont aussi de la partie. Outre les Verts européens, le groupe Europe Libertés Démocratie et le Parti Populaire espagnol sont les principaux fomentateurs de cette agitation. Dans son plan d'action, le mouvement envisage le lancement d'une campagne dite informative, destinée aux consommateurs européens pour les mettre en garde contre les retombées de l'accord. De son côté, la ministre de l'Agriculture espagnole déploie tout son génie politique pour réduire au silence les protestations des agriculteurs espagnols, en vain. Dimanche dernier, Rosa Aguilar a promis que son gouvernement «ne laissera aucune tomate marocaine entrer sur le sol européen une fois le quota atteint», s'est-elle engagée lors d'une visite aux Îles Canaries. Le Maroc toujours pointé du doigt Dans une tentative de démontrer sa préoccupation des intérêts des professionnels de l'agriculture, la ministre a déclaré qu'elle avait adressé, en décembre, une lettre au Commissaire européen à l'agriculture et au développement rural pour l'interpeller sur la fragilité du secteur agricole espagnol. Dans cette correspondance, Rosa Aguilar prétend avoir exigé de l'Union européenne plus de garanties à même d'assurer un contrôle exhaustif des exportations marocaines. Elle assure avoir exhorté l'instance à veiller sur les intérêts espagnols et a dénoncé «les envois excessifs de ce produit (ndlr, la tomate) en provenance du pays nord-africain». En revanche, la ministre tente de convaincre les siens que tout n'est pas gris dans ce texte. Elle a assuré qu'il permet aux agriculteurs espagnols de trouver des débouchés pour leurs produits sur le marché marocain. Elle a invité ses concitoyens à tirer profit de cette opportunité et à voir le côté avantageux de l'accord. Reste que ce discours est loin de trouver grâce aux yeux des producteurs aespagnols qui continuent de s'apitoyer sur leur sort en accusant le Maroc d'être derrière la chute des prix de la tomate en décembre à cause des 90.000 tonnes écoulées sur les marchés européens. À ce propos, le gouvernement espagnol a promis, encore une fois, à ses agriculteurs de renforcer les dispositifs de contrôle au niveau des postes frontaliers et d'échanger ces informations avec les organisations agraires et ce, d'une manière permanente, pour prouver les bonnes intentions du gouvernement socialiste. De même, la ministre et son département se sont montrés généreux envers les agriculteurs. Comme promis et annoncé lors de la signature de l'accord entre le Maroc et l'UE, le plan de modernisation des installations dédiées à la culture sous serre, et plus précisément celles de la tomate, afin d'augmenter la productivité et d'améliorer la compétitivité, fait son petit bonhomme de chemin. Malgré ses déclarations apaisantes, les intéressés semblent faire fi de ce discours et préfèrent continuer leurs manœuvres. D'après le porte-parole d'une association des Îles Canaries, ces sorties ne peuvent pas apaiser les craintes du secteur. Toute la bonne intention du gouvernement se heurte à un niet catégorique de la part des professionnels, prétendant que ces mêmes propos ont été tenus depuis l'entrée en vigueur de l'accord en 1995. Lassée et voulant mettre fin à ce débat qui ne cesse de resurgir à chaque événement public, la ministre a déclaré que l'accord entre le Maroc et l'UE va au-delà du volet agricole, d'où sa ratification par les ministres des Affaires extérieures européens.