La Cour des comptes, dans son tout dernier rapport annuel publié il y a quelques jours, liste bien des anomalies dans le mode de gestion du département ministériel chargé de la Culture et de la communication. Les conclusions se passent de commentaires… Des finances gérées « aléatoirement » En termes de gestion des crédits, par exemple, la Cour décèle de grandes imprécisions. De plus, le taux des virements effectués en 2016 s'élevait à 50% des crédits de paiement ouverts, sachant que « le recours à de tels virements n'a pas été régi par la logique de la gestion axée sur les résultats », indique ladite source. S'agissant des crédits de reports, la situation n'est pas meilleure, puisque cette catégorie comptable gonfle d'année en année, comparativement avec les crédits ouverts. Sur le volet relatif aux subventions, c'est encore le grand flou : Celles-ci sont accordées en « l'absence d'un contrat programme entre le ministère et les parties bénéficiaires pour cadrer les engagements réciproques en ce qui concerne l'utilisation de ces crédits et l'atteinte des objectifs convenus associés à des résultats mesurables et ceci, malgré les efforts déployés par le ministère dans ce domaine ». Globalement, relativement à la gestion financière, la Cour a recommandé au ministère de veiller à la programmation précise des crédits afin d'éviter des virements excessifs, des annulations partielles et des demandes de crédits supplémentaires. Le département de la Culture devrait également travailler selon la, logique des contrats objectifs avec les services déconcentrés, adopter des contrats programmes avec les bénéficiaires du transfert de crédits et déléguer les crédits aux services déconcentrés dans la limite des besoins réels en tenant compte des capacités managériales de ces services. La Cour a aussi recommandé de faire en sorte à maîtriser le report de crédits d'un exercice à l'autre en s'engageant à réaliser les projets dans les délais prescrits. Zéro reddition des comptes ! Pour accomplir pleinement ses missions, tout ministère doit consacrer le principe de la reddition des comptes dans ses procédures. Or, le ministère de la Culture passe totalement à côté de ce principe clé ancré dans la Constitution. « Les investigations menées ont révélé que le ministère de la culture ne disposait ni d'un système de reddition des comptes réel ni de procédures formalisées », constate la Cour des comptes dans son rapport. Plus encore, même le contrôle du rendement, de l'efficacité et l'établissement des responsabilités fait défaut, les ressources en charge de l'audit interne et de l'inspection –qui sont en situation de sous-effectif - se concentrant sur les missions de conseil et l'exécution de missions d'urgence sur ordre du ministre, au détriment des autres tâches. De même, la Cour révèle le défaut d'audit des marchés dont le montant dépasse la valeur de 5 MDH. Black out sur toute la ligne En matière de transparence, aussi, ça coince ! Le ministère prépare certes ses rapports au Parlement et d'autres publications destinées au public, mais ces productions pèchent par leur rareté et l'insuffisance de leur contenu, signale la plus Haute juridiction du pays. Mais ce n'est pas tout, il est aussi reproché à ce département ministériel la non publication des états financiers annuels et la non préparation et diffusion de rapports sur les projets et les réalisations du ministère. L'opacité touche aussi les résultats des opérations de contrôles auxquelles le ministère est soumis ainsi que son interaction avec le contenu de ces rapports émis à cet égard. En la matière, ont été passés en revue par les contrôleurs de Jettou, les mécanismes d'octroi des subventions aux associations ou autres. Le mode de soutien de la créativité culturelle et artistique adopté en 2014 est hélas non seulement basé sur des critères « imprécis et vagues pour la sélection des projets devant bénéficier du soutien, augmentant ainsi la marge de subjectivité du comité chargé de sélection », mais il n'est pas non plus adossé à un quelconque mécanisme de contrôle et de suivi de l'utilisation des subventions accordées. Pour couronner ce panorama, sur la base d'une comparaison entre les marchés publics réalisés et les appels d'offres (AP) publiés dans les programmes prévisionnels pour la période 2012-2016, la Cour des comptes a décelé un important écart entre la cadence des deux catégories, le lancement d'appels d »'offres non programmés et l'abandon d'autres AP prévus, en plus de la concentration du lancement des appels d'offres sur le dernier trimestre de l'année. Les failles organisationnelles du ministère Dans le périmètre de contrôle interne du ministère, un certain nombre de failles ont été identifiées. Entre autres, il apparait que la structure organisationnelle du ministère manque de structure dédiée au contrôle de gestion, que la division des musées demeure articulées de trois services même si les musées relevant du ministère ont été Fondation nationale des musées conformément aux dispositions légales, que la la plupart des services crées dans la structure organisationnelle du ministère sont gérés par un seul fonctionnaire et le responsable du service concerné. Par ailleurs, la Cour signale que les indemnités de déplacement sont souvent octroyées sous forme de montants forfaitaires, ce qui constitue en réalité un complément du salaire des personnes bénéficiaires. Autre bémol, la non-actualisation de la Charte de bonne conduite de fonctionnaire au sein de l'administration depuis son adoption en 2003, sachant que cette version n'inclut pas de sanctions en cas de non-respect de ses dispositions. Vous avez dit « Notion de risques » et contrôle ? En principe, comme le rappelle si bien la Cour des comptes dans son rapport, la gestion des risques présuppose la détermination préalable des objectifs stratégiques du ministère à moyen et à long terme et des objectifs opérationnels à court terme qui englobent les différentes activités quotidiennes menés par les services du ministère afin d'atteindre ses objectifs stratégiques. Sur le terrain, la réalité est tout autre : Le ministère travaille sans approche formalisée et documentée de la gestion des risques. Il n'a pas identifié les risques fondamentaux, malgré leur importance et leurs effets potentiels sur la réalisation partielle ou totale des objectifs, et donc sur la mission du ministère. S'agissant des activités de contrôle interne, la Cour a relevé l'absence de guides de procédures et aucune traçabilité de répartition des responsabilités. Le mode de gestion des commandes, à l'image du reste Au sein du département de la Culture et de la communication, l'exécution des opérations liées aux dépenses de matériels et dépenses diverses s'effectue par les différentes directions via marchés, contrats, conventions et bons de commande, ces derniers représentant la procédure d'achat prédominante. En chiffres, le montant total des dépenses effectuées par voie des bons de commande a atteint 6,71 MDH en 2016, contre environ 4 MDH des dépenses exécutées par voie de marchés. Les dépenses effectuées par voie de contrats ou de conventions se sont élevées de leur côté à 2,6 MDH. Dans ce registre, le ministère se retrouve épinglé par la Cour des comptes du fait qu'au cours du même exercice budgétaire, certaines dépenses de matériel et dépenses diverses concernant des achats de même nature ont été effectuées d'une manière fractionnée. Egalement, en décembre 2016, une opération d'acquisition de matériel technique et de bureau a été réalisée sans Non recours à une concurrence réelle lors de passation de certains bons de commande sans recours à une concurrence réelle lors de passation de certains bons de commande, cela sans compter que la gestion des achats par les différentes directions du ministère de la Culture s'effectue sans donner de l'importance nécessaire pour l'optimisation des ressources. 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La Cour des comptes trace la voie C'est un ersatz de recommandations que la juridiction financière a listé, concernant le mode de gestion du ministère de la Culture et de la communication. Exemples… Cela commence, par l'adoption d'un système de reddition des comptes clair et efficace, que ce soit au niveau central qu'au niveau des services extérieurs, et qui soit basé sur la détermination des responsabilités d'une manière précises et prédéfinies. Il faudra également instaurer un mécanisme qui rend la transmission des rapports, de façon périodique et régulier, l'une des pratiques spontanées entre les différents niveaux des services du ministère. La Cour a sommé le ministère de s'engager à établir les rapports d'audit des marchés contractés dont le montant est supérieur à 5 MDH et pour ceux présentant un risque éventuel même dans le cas où ce montant ne dépasse pas ce plafond et à établir un référentiel détaillé sur les modalités de gestion des opérations de subvention et les conditions d'en bénéficier. Le ministère devra aussi adopter des critères d'éligibilité précis et prédéfinis pour bénéficier du soutien public dans le domaine culturel, et mettre en place un mécanisme permettant de suivre l'utilisation des subventions dans ce cadre, et veiller à la publication des données qui les concernent à grande échelle. La Cour des comptes a recommandé de mettre en place une conception exhaustive de la gestion des risques, clarifier et définir les attributions des services, élaborer des guides des procédures et des formalités relatant les différentes activités et missions exercées par les services du ministère, focaliser davantage les missions de l'inspection générale du ministère sur l'audit interne et préserver le patrimoine du ministère. Pour des fins d'optimisation des ressources, la Cour des comptes met l'accent sur la mise en place d'une politique d'approvisionnement et d'un système intégré de suivi du stock et demande d'éviter, dans la mesure du possible, le recours à la procédure de bons de commande. Le ministère devra, de même, veiller au respect d'une concurrence réelle dans la passation des commandes même en cas des bons de commande, promouvoir une culture d'optimisation des ressources chez les responsables, fonctionnaires et agents relevant du ministère et créer une banque de données des prix pratiqués sur le marché, qui devra être mise à jour en permanence.