Les banques conventionnelles sont désormais soumises à de nouvelles normes et règles prudentielles telles que l'IFRS 9. Quid des banques participatives compte tenu de leur nature d'activité ? Selon Bank Al-Maghrib, ces exigences s'appliquent indirectement aux banques participatives, à l'instar des autres entités consolidées par des groupes bancaires. Et ce, en plus à une série de normes qui sont en cours d'élaboration afin d'encadrer cette nouvelle activité. Le secteur de la finance participative se dotera bientôt de ses propres règles prudentielles. Tout comme les banques conventionnelles, les banques participatives doivent se conformer à des règles et critères de classification des créances et des modalités de constitution de provisions uniformes. «C'est imminent», déclare Youssef Baghdadi, président du Directoire de Bank Assafa. Il assure que des sessions de travail sont actuellement en cours avec la Banque centrale. «Un projet de circulaire, relatif à la classification des créances et leur couverture par des provisions, a été élaboré et est actuellement en phase de consultation avec les banques et fenêtres participatives», nous confie une source proche du dossier au sein de Bank Al-Maghrib. Pour l'heure, les banques et à leurs propres initiatives, provisionnent le risque de contrepartie à partir de la 3e échéance non payée. «On provisionne la totalité du montant, soit le capital plus la marge», explique Baghdadi. Il ajoute que «nous avons également établi un certain niveau de ratio de provisions, qui définit le taux de financement à ne pas dépasser par rapport aux compromis de vente de l'établissement ». Quelques règles qui ont été soumises et validées par les autorités concernées en attendant que de nouvelles normes arrivent. N'ayant pas de règles bien déterminées, les banques participatives en créent sous leurs propres initiatives en s'alignant sur les banques conventionnelles. Sauf que le caractère spécifique de l'activité des banques participatives (basée sur un acte d'achat/vente contrairement aux banques conventionnelles basé sur l'octroi de crédit) fait qu'elles ne peuvent se conformer aux différentes normes prudentielles actuelles. La circulaire sur le ratio de liquidité en consultation Aujourd'hui, le secteur bancaire conventionnel est soumis à la nouvelle norme sur l'évaluation des actifs et passifs financiers (IFRS 9). Celle-ci exige que les banques comptabilisent les pertes de crédits prévues dès le moment où les instruments financiers sont enregistrés. Pour les besoins d'élaboration des comptes consolidés, les entités entrant dans le périmètre de consolidation des groupes doivent retraiter préalablement leurs comptes individuels conformément aux normes IFRS, l'objectif étant d'homogénéiser et d'harmoniser les comptes de l'ensemble du groupe. «Aussi, ces exigences s'appliquent-elles indirectement aux banques participatives, à l'instar des autres entités consolidées par des groupes bancaires», souligne la Banque centrale. L'institution assure avoir, à son niveau, mené des travaux spécifiques -à la lumière des normes internationales y afférentes- et a édicté deux circulaires portant l'une sur les exigences en fonds propres au titre des risques de crédit, de marché et opérationnels des banques participatives selon l'approche standard, et l'autre sur leurs fonds propres. Bank Al-Maghrib a également procédé à l'amendement de la circulaire sur le ratio de liquidité à l'effet de tenir compte des spécificités des banques et fenêtres participatives. «Cette circulaire est en cours de consultation avec la profession», affirme notre source. Par ailleurs, ces règles plus restrictives devraient impacter sensiblement les résultats des banques, laisse entendre Baghdadi. Mais cela ne devrait-il pas contribuer à la hausse du coût du financement, sachant que le secteur subit actuellement un énorme problème de liquidité et l'absence de l'assurance Takaful? Avec une collecte de dépôts de 1,6 MMDH et un encours de crédits de 5,2 MMDH, les établissements peuvent vite se retrouver asphyxiés par cette situation très peu soutenable sur le long terme. Face à l'importance des financements octroyés, les banques participatives se voient obligées de se refinancer auprès de leurs maisons mères, et ce, en attendant d'émettre leurs propres sukuk. Selon les dernières statistiques monétaires de Bank Al-Maghrib, l'encours du refinancement global des banques à travers la «Wakala Bil Istithmar» et de dépôts à vue reçus des banques mères, a atteint 2,116 MMDH à fin mars 2019, contre 1,496 MMDH, soit une hausse de 41,5%. «Cette situation combinée à l'obligation de se maintenir à des ratios réglementaires, pousserait bien certaines banques à augmenter leur coût de financement», souligne un opérateur du marché. Sachant que le coût du financement appliqué par les banques participatives est la résultante de paramètres propres à chaque banque, dont notamment le coût du refinancement, le coût du risque et les charges d'exploitation. Par ailleurs, si l'Etat a fait preuve de réactivité avec le lancement en octobre dernier de son premier sukuk de 1 MMDH, le marché attend l'introduction d'autres produits plus innovants tels que les Sukuks Corporate ou encore les comptes d'investissement. «Il faudrait entre huit et douze mois pour que les autorités puissent finaliser le cadre réglementaire des différents types de sukuk», commente un autre intervenant de la place. À cela s'ajoutent les contraintes fiscales qui viennent alourdir les coûts de financement. À ce sujet, Bank Al-Maghrib assure avoir veillé à anticiper ces éventuels surenchérissements de prix liés à la qualification fiscale des produits et a dans ce cadre coordonné, avec la Direction générale des impôts, les actions d'adaptation du dispositif fiscal. Takaful attendue pour le 4e trimestre 2019 Pour l'instant, les professionnels tout comme les potentiels clients s'impatientent plutôt pour l'entrée en vigueur de l'assurance Takaful. Elle est attendue pour le quatrième trimestre de l'année en cours. Ce qui rendra les contrats Mourabaha plus attrayants, mais surtout plus sûrs. Le Code des assurances, qui a fait l'objet d'un amendement en 2018 pour tenir compte des spécificités du Takaful, est actuellement dans le circuit d'adoption. «Il devrait être dans les semaines qui suivent entre les mains de l'Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS)», espère Said Amaghdir, président de l'Association marocaine des professionnels de la finance participative (AMFP). Une fois le code et ses textes d'application publié, l'ACAPS devra traiter les demandes d'agrément des entreprises d'assurances et de réassurance qui veulent exercer cette activité. «Tout devrait très rapidement se mettre en place par la suite pour un lancement effectif au quatrième trimestre», avance Amaghdir, assurant que les travaux avec le comité scientifique concernant le calcul des barèmes d'indemnisation vont bon train. Rappelons que l'absence de Takaful peut présenter un risque autant pour la banque que pour le client. L'établissement se permet actuellement de placer ses fonds propres sans réelle garantie, ce qui peut la mettre dans une situation assez critique. Alors que le client s'expose à un grand risque en cas de survenance d'une situation délicate ne lui permettant plus de s'acquitter de ses traites (décès, invalidité temporaire ou définitive, etc.). «Pour l'heure, nous devons prendre notre mal en patience», admet Baghdadi, qui a constaté un décès parmi ses clients. Le secteur en dénombre 3 actuellement. «Nos équipes travaillent toujours sur ce dossier pour trouver une solution qui convient à toutes les parties», déclare le patron de Bank Assafa. 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L'activité explose au terme du premier trimestre 2019 À fin mars, le financement via les banques participatives affiche une croissance à deux chiffres par rapport à fin 2018. Le montant alloué enregistre une progression soutenue sur les trois premiers mois de l'année. Celui-ci s'élève à 5,71 MMDH, en hausse de 24,5%. Dans le détail, le financement participatif a été essentiellement porté par la Mourabaha immobilière qui a atteint 5,21 MMDH à fin mars, soit une progression de 26,2%. Le financement à la consommation s'est amélioré de son côté de 18,4% depuis fin 2018 pour atteindre 383 MDH. Seul le financement à l'équipement a observé un repli sur la même période. Celui-ci s'est limité à 88 MDH après s'être établi à 101 MMDH à fin décembre 2018, enregistrant ainsi un recul de 13,7%. Les banques participatives disposent de 627 MDH à fin mars 2019 en actifs immobilisés contre 726 MDH à fin décembre 2018.